Le Manoir (2)

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Drago se sentait étrangement tendu tandis qu'il guidait Harry Potter (car c'était bien lui, il en était certain) dans sa maison. Il tenait le survivant par le poignet et ce contact le perturbait, parce qu'il sentait que la peau de Potter était très chaude contre la sienne, et que sa froideur à lui ne lui semblait que plus grande. Il s'efforçait pourtant d'oublier cela afin de se concentrer sur le chemin à suivre. En effet, tandis qu'il conduisait Potter à travers les couloirs et escaliers du manoir, il faisait exprès d'éviter ceux où il pensait trouver des Mangemorts (ce qui rendait le trajet plus long, mais, selon Drago, moins dangereux).

Ce qui rendait tout cela très étrange, c'était qu'aucun des deux ne parlait, qu'aucun bruit ne se faisait entendre. Drago se sentait déjà étranger à sa propre maison depuis que les Mangemorts s'y étaient installés, mais le silence oppressant lui donnait l'impression, plus que d'y être étranger, qu'il l'occupait de force. Il se dépêcha de monter l'escalier blanc qui menait à sa chambre pour chasser cette pensée inopportune.

Il s'efforçait de ne pas se retourner. Il avait peur du type d'émotions qu'il pourrait trouver sur le visage de Potter. Ce sentiment de culpabilité l'habitait depuis si longtemps déjà qu'il y était également habitué, mais il semblait grandir en présence de Potter, qui, en plus de le haïr, avait toutes les raisons pour le faire.
Il appréhendait quelque peu de montrer sa chambre au garçon qui l'accompagnait, préoccupation qu'il écarta le mieux possible en la jugeant totalement disproportionnée par rapport à la situation.

Harry Potter, quant à lui, ne parlait pas non plus. Il y avait deux raisons à cela : l'une relevait du choix et l'autre de l'obligation. Premièrement, il n'était toujours pas certain que Drago l'ait reconnu, et, par méfiance, ne voulait pas que sa voix le trahisse. Ensuite, les pics de colère de Voldemort se faisaient de plus en plus fréquents, ce qui le plongeait dans un état de semi conscience difficile à décrire. Sa faiblesse mentale était aggravée par celle physique ; il était tellement fatigué qu'il tenait à peine debout et que, sans la poigne ferme de Malfoy, il se serait sûrement effondré à terre. De fait, lorsque ce dernier le lâcha, il s'agenouilla en portant la main à sa tête. Sa cicatrice lui faisait tellement mal qu'il avait l'impression que son crâne allait se fendre en deux.

Drago, une fois arrivé dans sa chambre, se retourna au son des genoux de Harry sur le sol. Il se plia à hauteur du survivant pour examiner son cas. Potter respirait de façon plus ou moins régulière. Ses paupières papillonnaient et il était tout crasseux de ses aventures. Cela n'empêcha pas Drago d'appliquer sa main sur son front et de constater qu'il ne semblait pas avoir de fièvre. Bien entendu, Malfoy ignorait tout de la connexion qui liait Harry au seigneur des ténèbres et ignorait donc également que la douleur à son front n'était pas causée par la fièvre mais par les humeurs du mage noir.
Malfoy fronça les sourcils et procéda méthodiquement, dans l'ordre. Tout d'abord, il ferma la porte à clé. Ensuite, il s'empara du petit chaudron d'argent à côté de son bureau et commença à y incorporer toutes sortes de choses.

Harry émergeait lentement d'une énième vision et, lorsque sa vue se stabilisa, pu observer les alentours. Le premier élément qui lui sauta aux yeux fut le dos de Malfoy qui s'affairait devant un chaudron. Ses mains voltigeaient entre celui ci et une petite étagère d'apparence délicate, faite de bois, qui se trouvait à côté. Derrière Harry, il y avait le lit de Malfoy, et à sa gauche, en face, sur le même mur que le chaudron et l'étagère, se trouvait son bureau. Le lit de Malfoy était évidemment fait impeccablement et agrémenté d'une petite table de nuit, toujours faire de bois ouvragé. La chambre de Malfoy était plutôt grande, mais il en résultait une ambiance de sobriété qui détonnait avec le sol de marbre et les murs blancs. Ces derniers étaient vierges de toute affiche, aucun linge sale ne traînait nulle part, et les seuls éléments non rangés étaient des piles de livres aux couleurs sombres entassés sur le bureau, sur la table de nuit, et sur l'étagère. Les yeux de Harry se posèrent de nouveau sur la silhouette de son ennemi. Il était habillé d'un ensemble gris foncé, ses cheveux blonds descendaient dans sa nuque et de la fumée, échappée du chaudron, l'entourait.
Harry se demanda confusément ce qu'il préparait. Un poison ? Non, Voldemort le voulait vivant.
Un tonique pour le ranimer ? Aucun intérêt, ça aurait pu lui servir à fomenter un plan pour s'évader.
Un somnifère pour le déplacer autre part, alors ? Peut être.
Harry fixait Drago sans même remarquer que cela pouvait le trahir. Il le fixait parce qu'il était son seul point d'ancrage, et qu'il avait peur de s'évanouir s'il ne s'ancrait pas à quelque chose. Harry se sentait de plus en plus mal, et était de plus en plus sûr de deux choses : la première, il ne devait surtout pas s'évanouir, afin d'aider Ron et Hermione. La la deuxième pensée concernait Malfoy. C'était une pensée bien arrêtée, mais il eut été faux de dire que c'était une certitude ; car plus Harry essayait de la comprendre, plus il sombrait dans un brouillard mental qui mêlait colère, attirance, méfiance, et ressentiment.

Le Manoir (DRARRY SHORT STORY)Where stories live. Discover now