Chapitre 4

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Une heure s'écoula, puis trois. Le paysage qui courait à la fenêtre remplissait Thomas d'un sentiment nostalgique, comme s'il peinait à réaliser ce qu'il faisait. Il n'avait rien à faire là et pourtant, voilà qui occupait une place tout comme 50 autres personnes dans ce car.

Il se plaisait à observer les voitures qui circulaient plus bas, regarder les enfants lever des yeux curieux dans sa direction. Lorsque la lassitude finissait par le gagner, il se tournait vers ses propres élèves et tendait l'oreille pour écouter leurs conversations.

Mais le brouhaha incessant l'empêcha d'en capter le moindre mot. Il sauta alors sur ses pieds et s'étira, les membres endoloris d'être resté si longtemps dans la même position. Il s'avança tranquillement entre les rangées, interrogea certains sur leurs activités. Il pouvait sentir le regard des autres professeurs sur son dos, interloqués. Mais il n'en fit rien et poursuivit sa petite promenade. Il ne voulait pas encore affronter les stupides mots dits "rassurants" d'Hugo.

Il arriva finalement à la hauteur de Lilly et les élèves qui l'entouraient. Anna, sa voisine, disputait une partie de Uno avec les jeunes filles assises derrière : Iléa et Sophia, qui riaient aux éclats tandis que Anna plaignait sa défaite.

Lilly se contentait de garder les yeux rivés sur le paysage, le casque toujours sur ses oreilles. Cependant, lorsqu'elle vit son professeur de Physique-Chimie approcher, elle tira sur le cordon pour libérer ses voies auditives. Mais Thomas l'ignora et porta son attention sur les joueuses du Uno.

-Vous jouez à quoi ? demanda-t-il, pour faire la conversation.

-Au Uno ! déclara Sophia entre deux soubresauts.

Voyant qu'elles n'avaient aucune envie de discuter avec lui, il baissa finalement les yeux vers Lilly, qui continuait de le fixer :

-Tu joues pas avec elles, Lilly ?

Elle secoua négativement la tête sans ouvrir la bouche.

-Pourquoi ?

Elle haussa les épaules, comme s'il cela paraissait évident :

-Je n'en ai pas envie, c'est tout.

Thomas hocha le menton, les lèvres pincées. Visiblement, il n'était pas le bienvenu. Il poursuivit son chemin à travers les allées, jusqu'à tomber sur une jeune blonde qui l'interpella :

-Monsieur, qu'est-ce que vous faites ? fit-elle de sa petite voix.

-Elséa, tiens ! sourit Thomas en se tournant vers son interlocutrice, qui le toisait d'un œil quelque peu hautain.

-Vous êtes venu pour me parler, hein ? sourit-elle, ironique. Vous ne pouvez pas vous passer de moi, ça ce voit.

-Tu lis dans mes pensées ! s'extasia-t-il d'une voix faussement surprise. 

Mais le regard d'Elséa fut capté par autre chose dans le dos de son professeur. Elle sourit :

-Ca va ?

Thomas se dévissa la nuque et vit, surpris, que Lilly les fixait. Elle abordait une expression exaspérée.

-Pourquoi ça n'irait pas ? répondit-elle simplement.

-Pourquoi tu nous fixes ? enchaîna Elséa.

Lilly haussa les épaules, une moue ennuyée au visage.

-Non, pour rien.

Elle détourna le regard et ferma les yeux, replaçant son casque sur ses oreilles.

-Bon, monsieur ! appella Elséa.

Thomas se tourna de nouveau vers elle, secoué par les vrombissements du car.

-Vous pouvez partir ? insista la blonde.

Il exécuta une petite pirouette et rebroussa chemin, ne sachant que dire. Il se fraya un passage dans la marée d'élèves et atteignit finalement le haut du bus. Il tomba sur son siège tandis qu'Aurore annonçait :

-On fait une pause après avoir passé la frontière. C'est l'règlement.

Catherine approuva d'un léger signe de tête :

-De toute façon, je crois que les élèves en avaient besoin.

Thomas lâcha un petit rire, amusé par cette remarque :

-Tout le monde en a besoin. Un peu d'air frais va nous faire du bien...

-Tu t'es bien amusé, avec les élèves ? pouffa Hugo. Ils ont l'air de bien t'apprécier.

Mais Thomas lui décrocha un regard méfiant ; il ne voulait pas recevoir à nouveau des conseils inutiles.

-Hugo a raison, lui sourit Catherine. Les élèves t'aiment bien.

-C'est pour ça que tu l'as fait venir ? demanda Paul, presque naïf.

Piqué au vif, le professeur de Physique-Chimie se renfrogna ; voilà qu'il allait encore être bombardé de répliques désabusées. Cependant, il décida cette fois-ci de ne pas laisser les autres professeurs le dénigrer et prit la parole :

-Certains élèves m'aiment bien, d'autres non, comme vous. Je suis passé les voir et ils n'avaient pas vraiment envie de me parler.

-Thomas est trop modeste, sourit Hugo.

-Non mais...

-C'est vrai, renchérit Catherine en se tournant vers le professeur de Français, amusée. Il n'accepte jamais le moindre compliment.

Aurore choisit le bon moment pour stopper le car ; il s'arrêta net à peine Hugo eut-il prononcé ses derniers mots, et Thomas fut le premier à bondir hors du car. Il ne voulait plus entendre un seul mot sortir de la bouche de son collègue à son sujet. C'en était trop pour lui.

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⏰ Last updated: May 01 ⏰

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