Bienvenue à Corporate [Romance paranormale]

Mission 58 : se faire remercier

Gehlal plisse les yeux devant ses écrans. La tour est stabilisée autour de 66% et perd 1% par jour, encaissant toute cette matière provenant d'une autre dimension entre ses murs. Des "incidents de réalités", comme il les appelle, remontent depuis le service SAV interne. Rien de grave pour l'instant, même si la situation n'a rien de rassurante.

Mais ce qui l'inquiète le plus est l'état de santé des Alexanders. Il n'a aucune information, rien. Il a beau réfléchir il ne voit pas comment récolter des données sur son ami à l'hôpital sans lui faire de visite et d'analyse, comme il aime si bien les faire sur son cobaye préféré. 

Gehlal peste. Cette situation l'irrite d'autant plus que Daniel lui a annoncé que Carl est dans les locaux. Il est actionnaire, certes, mais aucun d'entre eux ne s'est donné la peine de visiter Corporate. 

Carl n'est pas un homme à prendre à la légère, c'est même son pire ennemi. Quelle conséquence peut avoir la présence du demi-frère de Al à Corporate ? Lui qui a passé toute son enfance littéralement les pieds dans la faille.

Un email arrive dans sa boite déjà trop remplie. Comme à son habitude il décide de l'ignorer et va manger un Burrito comme petit déjeuner.

₍⑅ᐢ..ᐢ₎

Dans le bureau du PDG, Natacha, assise sur l'immense fauteuil, lève les yeux vers l'homme qui vient d'entrer sans même frapper ou s'annoncer. Mister Meh, installé sur son épaule, couche ses oreilles.

— Mr Farer, je ne crois pas que nous ayons rendez-vous, dit-elle sur un ton monocorde.

Carl rit et dépose son manteau beige sur le porte manteau.

Tout en déboutonnant le premier bouton de sa chemise il balaye du regard la pièce d'un air très satisfait. Mister Meh s'enfuit tandis que Natacha fronce les sourcils : cet homme n'a pas la moindre envie de s'excuser, ou de partir.

— Vous n'avez pas déjà obtenu ce que vous voulez en faisant enfermer votre frère ? Qu'est-ce qu'il vous faut de plus ? Elle se lève pour se donner plus de prestance.

Revenant à elle, Carl s'avance jusqu'au bureau et le jauge, comme s'il réfléchissait à ce qui y avait sa place ou non. Natacha frémit quand elle comprend enfin ce qu'il fait ici, avec ce regard de dominateur qui prend ses aises sur son territoire conquit. 

Le CA a donc voté... Elle en veut énormément à Gehlal de ne pas l'avoir avertie : est-ce étonnant ? Il ne participe jamais. Il a suffit à Carl d'être convainquant, de jouer sur la corde sensible auprès des autres. Son charisme et sérieux ont fortement pesé dans la balance à côté d'un scientifique fou.

Carl croise enfin son regard fulminant. Lui est d'un calme glacial, tout comme ce sourire qui s'étire davantage sur ses lèvres.

— Vous ne vous en tirerez pas comme ça... dit-elle en prenant quelques affaires qui trainent.

Natacha quitte la proximité de l'homme et part enfiler sa veste. Ce dernier ne se défait pas de son sourire moqueur. Elle a très bien compris de quoi il en retourne. Quand elle pose sa main sur la poignée de porte, il l'interpelle :

— Mme Perovski, elle se retourne, "merci" pour vos loyaux services.

Le visage de la femme exprime une moue de dégoût. Cette fausse politesse lui donne envie de vomir.

— J'espère que vous êtes heureux maintenant... sur ces mots elle quitte les lieux.

Carl échappe un petit rire, puis sort un range-cigare de sa poche pour en allumer un. Il compte prendre possession des lieux jusqu'à la moindre molécule d'air. Puis, il s'affale dans le luxueux fauteuil dans un soupir d'aise.