Mission 55 : les papillons

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Une lumière vive entre dans la pièce. La psychiatre apparait dans l'encadrement de la porte et est surprise de voir son patient déjà assis sur le lit, le regard vitreux : il n'a pas dormi.

— Mr Farer ? Vous pouvez sortir prendre une douche avant le petit déjeuner. Mettez vos lunettes je vous prie.

Suivi en permanence par deux hommes, aux bras plus larges que sa tête, Al s'exécute. Tel un robot en pilotage automatique, il va là où on lui dit d'aller, fait ce qu'on lui dit de faire. Il ne fait même pas attention aux regards lubriques qui glissent sur lui de la part du personnel.

Une douche et une prise de sang plus tard, le voilà dans une immense pièce aux baies vitrées avec vue sur un jardin. Sous surveillance, et certains sous assistance, les patients prennent leur repas avec plus ou moins de succès. Dans une ambiance étrange, avec parfois une insulte qui fuse, ou un cri, Al s'avance avec un plateau et se rend à une table à part, loin de tous.

L'appétit n'est pas au rendez-vous. Ses yeux se perdent dans le vide. Il s'enferme peu à peu dans sa tête quand quelqu'un s'assoit en face de lui :

— Bonjour ! Sourit le vieux personnage croisé hier dans le couloir, on m'appelle Louis, mais tous ici savent que je suis Napoléon.

Il tend une main chaleureuse à Al qui la saisit timidement.

— Vous avez de grandes mains dites donc ! Ah ce n'est pas étonnant quand on est Eros pas vrai ? Il faut de belles mains pour serrer les gens qu'on aime !

Al sent son intellect stimulé face à cette personne bien étrange qui a l'air d'en savoir plus sur lui, que lui-même.

— Vous.... me connaissez ? Dit-il enfin pendant que le petit vieux lui chipe son yaourt.

— Non, il mange le yaourt.

— Comment connaissez-vous mon prénom ? curieux il penche la tête et l'observe.

— Je ne sais pas comment vous l'expliquez, mais je le lis sur vous, il termine le yaourt, un "dieu" n'est pas le bon terme, vous êtes autre chose,  il sent le scepticisme de Al à travers ses lunettes,  vous me croyez pas ?

Sous le regard perdu de Al, le petit monsieur se lève et agite les bras pour attirer l'attention des autres patients.

— Vous avez vu qui est là ? V'nez saluer notre nouveau copain !

De toute part, les regards se posent sur Al. Un étrange souffle semble circuler dans la pièce. Peu à peu, les patients qui le peuvent se lèvent, lentement, et s'approchent de lui. Le personnel se tend, ne comprenant pas ce qui arrive mais prêt à intervenir.

Un jeune homme lui touche le bras, puis une autre personne pose délicatement sa main sur sa tête, encore une autre effleure son épaule. Entouré d'une dizaine de personnes, Al se laisse faire. Il n'a pas peur d'eux : ils sont curieux, dubitatifs, attirés par son charisme mais différemment que tout ce qu'il a pu vivre jusqu'ici. Dans leurs yeux il peut lire de l'admiration, parfois de la crainte, de la curiosité.

Des papillons de nuit, attirés par la lumière d'une étoile. 

"Eros ?", "Oh c'est Eros", "Il est beau", "il a l'air gentil", "il a l'odeur de l'amour"...

Témoin, le personnel présent est ahuri par la scène. Ils s'observent entre eux et ne savent pas quoi faire, une infirmière décide d'aller chercher le directeur.

— Tu peux... me faire un câlin ? Demande timidement une femme âgée au teint pâle.

Al ressent un terrible besoin d'amour chez tous ces gens qui l'entourent. Ça le prend aux tripes. Doucement il lui tend les bras. Elle s'y jette, le serre fort, et pleure. Puis, elle laisse sa place à un autre, et ainsi de suite. Al serre dans ses bras plusieurs inconnus qui ne veulent rien d'autre que se blottir contre lui quelques secondes. Aussitôt qu'ils quittent ses bras, leur visage est apaisé, leur discours plus cohérent, comme s'ils s'étaient reconnectés avec eux-mêmes.

Bienvenue à Corporate [Romance paranormale]Where stories live. Discover now