30. Encaisser

Começar do início
                                    

Comment pouvait-il être lié à Ubis ? C'était pour le moins... incongru.

Mais ça n'avait sans doute pas la moindre importance. Un concours de circonstances. Le père d'Ubis avait été archéologue, Willis aussi, Laura se souvenait d'émissions en noir et blanc et d'un savant hirsute en saharienne arpentant un champ de fouilles. Pas besoin de chercher plus loin. Cela n'avait rien à voir avec les corps dans le Tren, rien à voir avec le meurtre de Linda Belarez.

Elle devait se reprendre. Réfléchir. Faire ce pour quoi elle était venue jusque là. Le couperet tomberait dans la soirée, elle ne pouvait pas tergiverser.

Abandonnant les odeurs aseptisées de la morgue, elle remonta à l'air libre, quitta l'institut pour aller s'acheter un sandwich dans un snack voisin puis retourna s'asseoir sur un banc, celui qu'elle avait occupé avec Ubis lors de leur dernière conversation à coeur ouvert.

Elle se remémora ses propos abstraits, sur la vie, la mort, la nécessité de prendre des décisions avant de tirer sa révérence. Elle avait pensé qu'il parlait d'informer Jill, qu'il songeait au suicide, peut-être à rentrer chez lui pour y contempler sa terre natale avant d'expirer, mais peut-être avait-il tout autre chose en tête. Peut-être avait-il un compte à régler avec son ancienne compagne.

Selon Sidney, Linda s'était spécialisée dans le crime organisé et Laura trouva rapidement l'information qu'elle cherchait en furetant sur Internet : l'avocate avait récemment défendu plusieurs hommes suspectés d'appartenir à ce monde trouble, dont un qu'on accusait de chapeauter la production de plusieurs drogues synthétiques aux effets meurtriers. Linda, en d'autres mots, appartenait au mauvais bord. Comme tous les morts du Tren.

Des crapules qui ne manqueraient à personne, aurait dit Laura.

Des âmes en peine, perdues, paumées, qui avaient emprunté les mauvais sentiers, aurait dit Jonathan.

Jonathan.

Elle ne l'avait jamais impliqué dans aucune de ses enquêtes. Il y avait des psys de toutes sortes à la Société. Elle n'avait pas le droit de l'appeler.

Un moment, elle fit défiler les noms dans le répertoire de son téléphone. Des agents de la Société. Des légistes de Murmay. Deux inspecteurs de police, un voisin, une tante morte depuis longtemps. Jonathan, bien sûr. Aaron, Sam, Ubis. D'autres noms, plus anciens, qu'elle ne remettait pas toujours. Elle n'appela personne et rangea le petit engin dans sa poche.

Une odeur fantôme de chocolat chaud flottait dans l'air, elle la dissipa d'un geste et noya son visage entre ses mains.

Elle était arrivée à New Tren avec pour mission de surveiller Ubis et de le coincer au moindre écart. Falsifications de dossiers. Elle ne l'avait jamais vraiment suspecté d'autre chose. De cacher un lien mystérieux, une raison obscure, de couvrir quelqu'un d'autre.

Et là, on l'avait vu.

Le cadavre était resté chaud, provocant, disponible, à attendre la police. Couvert de preuves, comme si le plus amateur des assassins avait perdu les pédales après avoir lacéré sa victime. Ou plutôt comme si on avait voulu bannir tout doute quant à l'identité du coupable. Ubis n'aurait jamais commis la plus infime des erreurs qu'avait perpétrées ce meurtrier, à moins de vouloir y rester, se vendre, se condamner. Un aveu avant la conclusion, pour offrir la résolution tant attendue : ne cherchez plus, c'était moi depuis le début, le mystère est levé.

Si c'était la bonne hypothèse, la suite logique serait de découvrir son cadavre. Un dernier meurtre puis le suicide. Avait-il eu l'intention de tirer sa révérence sur le Continent, en avait-il été empêché par la découverte prématurée du cadavre et de son identité ? Gisait-il quelque part, dans l'attente d'être retrouvé ?

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Onde histórias criam vida. Descubra agora