Jour 3 | Parfois il est dur d'avancer

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20 juin 2012, 18h34

Je poussai la porte, seule cette fois, m'introduisant dans cette grande pièce froide et fade aux murs blancs, avec comme seul sujet au centre celui que je venais visiter depuis une semaine et cinq jours. Nous étions mercredi, j'avais mon cahier de mathématiques à la main et commençai mes exercices à côté du rouge qui dormait encore paisiblement, dans cette même position.

-"Tu ne m'en veux pas si je fais mes devoirs ici ? L'hôpital est assez loin de chez moi et je n'aurais sûrement pas le temps de le faire en rentrant alors.. je les fais maintenant. Toi tu aurais su m'aider, je ne comprends strictement rien aux intégrales ! Mais tant pis, il faut bien s'y mettre de toute manière. Aujourd'hui était une journée comme les autres, sans grand intérêt, ils ont interrogé Mira et vu son air satisfaisant lorsqu'elle est revenue, son discours devait être très réaliste et convaincant. Demain je leur dirais tout ce qu'il s'est passé ce jour-là, j'espère que ça suffira à leur faire comprendre que ce n'est pas moi qui t'ai poussé."

Je posai ma main sur son front, caressant les mèches rebelles qui retombaient dessus à cause de ce maudit Newton et de sa gravité.

-"Elle m'a jeté son repas au visage tout à l'heure, me traitant de monstre infâme qui tuait les autres et qui méritait de mourir, je n'ai pas réagi car je n'en ai plus la force. Sans toi c'est si dur, si dur d'avancer.. mes parents me disent d'aller de l'avant mais je ne veux pas le faire sans toi.."

Je griffonais des réponses au hasard sur mon cahier, ne réfléchissant même pas à ce que je faisais.

-"Maudites intégrales, même elles sont contre moi tss !"

Je balançai mon carnet et mon stylo dans mon sac à l'arrache sans même me soucier de l'abîmer.

-"J'en ai marre, ils sont tous contre moi à me regarder comme si j'étais un monstre en cage alors que ce n'est même pas de ma faute ! Cette idiote de Mira fait la sainte nitouche devant les autres alors qu'elle n'est même pas venue une seule fois te voir ! Elle n'a jamais pu te blairer de toute façon, me répétant que tu n'étais qu'un salaud et que je ne devrais pas trainer avec toi, tu parles d'une meilleure amie.. si j'avais su ce qu'elle te ferai, je ne l'aurais peut être pas rappelée ce jour où elle voulait en finir.. non, non je suis désolée je n'aurais pas dû dire ça, elle.. elle n'était pas comme ça avant je ne sais pas ce qui lui est arrivé ! Elle était si gentille et attentionnée, essayant toujours d'être sûre que tout allait bien pour moi.. bordel pourquoi a-t-elle autant mal tourné ? Peut-être que c'est de ma faute, lorsque je t'ai rencontré en seconde j'ai commencé à me détacher d'elle car elle ne voulait pas trainer avec toi, peut-être qu'elle l'a mal vécu et que je ne l'ai pas remarqué ? Non, elle.. elle n'a juste pas supporté que je puisse être heureuse avec quelqu'un d'autre qu'elle.. c'est tout."

Je serrais le drap du lit sans m'en rendre compte, le froissant sur les bords.

-"Elle cherchait toujours à faire fuir les autres, t'es le seul que ça n'a jamais atteint.. pourtant c'est elle qui a pu devenir la manageuse du club de volley, j'ai pas eu le courage de m'inscrire avant qu'elle le fasse alors je ne peux m'en prendre qu'à moi même de toute façon et puis.. le club de musique n'est pas si mal.. tu m'avais promis de venir à notre concert en fin d'année d'ailleurs, j'espère que tu seras là. Je joue de la basse maintenant et on s'entraîne assez dur en ce moment même si je n'ai pas trop le moral tu t'en doutes. Je ne t'en ai jamais vraiment parlé du club mais ils sont tous très gentils et j'ai été nommée vice-présidente avant.. avant l'accident. J'aimerais vraiment que tu m'écoutes jouer un jour.."

J'étais si épuisée, je ne dormais presque plus et n'arrivais plus à me lever correctement le matin alors je posai ma tête à côté du bras de Satori et m'endormis sans m'en rendre compte.

Une flopée de souvenirs m'envahit, me rappelant ce jour où nous avions tellement ri qu'il avait dû me tenir car mes jambes n'arrivaient plus à me maintenir debout ou cet après-midi où nous étions sortis au cinéma pour aller voir ce film d'horreur idiot qui était plus humoristique qu'autre chose ou encore ce matin frais de printemps où il avait replacé cette mèche de mes cheveux que le vent avait osé toucher.

Ce fut la jeune infirmière qui, en tapotant sur mon dos, me réveilla délicatement. Je la remerciai sans le penser et recoiffai comme je le pus mes cheveux.

-"Demain je ne pourrais pas passer te voir Satori, ils vont m'interroger et je n'aurais pas le temps de venir, désolée et bonne nuit."

Je saluai de la main l'infirmière puis partis en silence de la chambre. Dehors j'allumai mon téléphone et feuilletai ma galerie photo avant de retomber sur celles qu'il avait prises.

Ces selfies ridicules où il était à moitié flou qui envahissaient mon espace de stockage mais que je ne pouvais me résoudre à effacer.

Je cliquai sur une vidéo au hasard, espérant juste le revoir, le revoir vraiment. Un bruit de vent immonde me fit perdre quelques points d'audition mais le grand sourire qu'il affichait me fit le pardonner. Il était là, mon téléphone en main, en train de filmer la mer qu'il m'avait emmenée voir, il faisait bien trop froid pour se baigner mais nous nous étions tellement amusé ce jour-là que ça ne nous a même pas manqué.

Sans que j'y fasse gaffe, des larmes s'écrasèrent sur mon écran, rendant ma vision trouble, mon nez me piquait atrocement et je n'arrivais plus à m'arrêter de sangloter. Il me manquait horriblement, j'avais tant besoin de lui..

Mais il fallait que je rentre, une journée compliquée m'attendait demain.

Et demain est un autre jour.

Tomorrow is another day | Tendō Satori x ReaderOù les histoires vivent. Découvrez maintenant