Proie humaine

Chapitre II

Dans les vastes plaines de l'actuelle région du Dakota, les derniers rayons du soleil illuminaient la verdure, lui apportant une teinte dorée. Un doux courant d'air se faisait sentir, il caressait le feuillage des arbres au loin qui dansait à son rythme. Loup Solitaire était allongé, pensif. Il savait bien qu'une fois qu'il aurait accompli sa cérémonie, il pourrait tirer une croix sur ses balades quotidiennes, du moins il ne pourrait plus en faire autant qu'il le souhaite. Il avait maintenant l'habitude de galoper avec Éclair vif, sa fidèle monture qu'il avait depuis trois ans et toujours la tristesse de la perte de sa mère le rongeait de l'intérieur. Il regrettait déjà les jours où il devra écouter les discours des anciens, au lieu de se promener sous les immenses arbres de la grande forêt ou de se reposer sur la petite colline qui surplombait le village en regardant le soleil se coucher. Il savait qu'il devrait faire comme son grand frère. Lui, ce qu'il aimait, c'était courir dans la prairie embellie par les fleurs en été ou marcher dans la froide neige en hiver. Pour lui, voilà ce qu'était la vie. Et avec le temps, il s'était habitué à faire ce qu'il aimait sans prêter un regard sur ce que les autres œuvraient. Il aimait beaucoup sa famille, mais au fil des années la solitude, avait gagné son cœur.

- Oh Éclair vif, je suis troublé, dit-il à son cheval tout en restant le regard fixé vers le ciel, que va penser mon père si je lui dis que je n'ai pas envie d'être comme mon frère? Je ne sais plus quoi penser... Je ne veux pas que cela change... Après tout, c'est le destin de mon frère d'être le successeur de notre père, pas le mien...

Il se redressa et caressa le pelage de l'animal puis ferma les yeux un instant pour sentir la fine brise qui passait sur lui. Son ouïe distingua soudainement des galopades approcher ; c'était Flèche tranchante sur son cheval qui arrivait à vive allure.

- Tu m'avais promis que tu rentreras à temps ! Père ne t'as pas déjà dit que l'honnêteté était une des grandes qualités que doit avoir un homme ? lui dit-il une fois proche de lui.

Loup Solitaire laissa un espace de temps avant de lui répondre ;

- J'étais sur le point de rentrer ! Et puis, je n'avais pas vu le temps passer...

Il se redressa, aidé de la main de son grand frère.

- Bon, maintenant viens... Père et moi avons quelque chose à te dire, conclut ce dernier avec un ton presque ferme.

Ils grimpèrent tous deux sur leur monture et s'en allèrent en direction du village. Un grand feu était allumé au centre du campement où tout le monde était rassemblé. Des bruits de tambour résonnaient et quelques hommes dansaient, vêtus de leurs habits en plumes et en fourrures, et avec sur leur tête un chapeau complétant l'animal qu'ils représentaient. Certains avaient un bec d'oiseau et d'autres des cornes de bison ou des bois de wapiti. Les femmes servaient la nourriture en échangeant des discours remplis de gaieté. Les deux frères étaient assis aux côtés de leur père et de leur sœur.

- Loup Solitaire, dit Aigle Foudroyant, aujourd'hui est un grand jour pour toi ! Ta vie va changer, tu vas devoir apprendre à être plus présent parmi nous, tu seras là pour veiller sur la tribu, car il faut savoir protéger les siens. Ton frère t'apprendra... Et dans trois lunes, vous partirez vers l'Est.

- Pourquoi ? Que se passe -t- il ? s'exclama le jeune Lakota.

Aigle Foudroyant soupira puis continua.

- Ours noir nous ramène des nouvelles de l'Est, les Hommes blancs commencent à avancer vers l'Ouest... C'est pour ça que vous irez voir Rivière sanglante et vous le préviendrez du danger. Et en même temps, vous verrez les intentions de ces étrangers.

La discussion s'acheva sur ces mots et les tambours cessèrent. Un vieil homme, le Chaman, s'approcha alors que le silence se mettait à régner. Son nom était Œil de lynx et en tant que Chaman, c'était lui qui devait procéder à l'accomplissement des rituels lors des cérémonies. Loup Solitaire se mit debout à son arrivée, poussé par les regards insistants de son frère. De ses doigts, le vieil homme dessina une ligne avec de la peinture bleue qui allait de son front jusqu' au bout de son nez.