Chapitre 16 : Brouillard

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 J'avais mal. Je ne ressentais rien d'autre que cette douleur. Les pulsations de mon cœur, le sang circulant dans mes veines, mes poumons aspirants, expirants... Tout me faisait mal. Je ne voulais qu'une chose. Que tout s'arrête. J'en avais assez de souffrir autant. J'étais assise sur une chaise, le regard perdu dans le vide, incapable de prononcer le moindre mot. Je fixais un point par la fenêtre. Le soleil se levant sur un grand lac calme, paisible. Comme j'aurais aimé être aussi calme et paisible que les eaux de ce lac. À l'inverse, je sentais la tempête me traverser. Je souffrais, plus que lors de toutes mes crises réunies. Mais je souffrais en silence. J'étais comme entourée d'un brouillard. Je ne parvenais pas à exprimer quoi que ce soit. J'avais l'impression d'être seulement un récipient rempli de lave en fusion, se consumant lentement et en silence. J'avais conscience que quelqu'un se trouvait près de moi et me parlait mais mon esprit était comme ailleurs. Je ne comprenais pas, je ne voyais pas, je n'entendais pas. J'avais juste mal. Le soleil était magnifique en cette matinée glaciale. Pâle et timide, il montait lentement au dessus de l'eau.

Je sentis qu'on me donnait un liquide amère à boire. Je me laissais faire, incapable d'opposer la moindre résistance. Peu à peu, le brouillard se dissipa. Mais pas la douleur. Je fermais les yeux, tentant de réprimer toute cette souffrance.

- Lux, tu m'entends ? Demanda doucement la voix de Sebastian.

- Pour... Pourquoi tu m'as fait ça...

Ma propre voix me sembla étrangère. Je fixais de mes yeux emplis de larmes l'homme que j'aimais. Son regard était inquiet, ses yeux si sombres semblaient fatigués.

- Je suis vraiment désolé... Tu allais le tuer, je ne pouvais pas te laisser faire.

- Mais je n'avais plus mal ! M'emportai-je. Je ne souffrais plus... enfin...

- Tu veux dire qu'en utilisant la magie noire, tu calmes tes douleurs ?

Je lui fis signe que oui, incapable de répondre verbalement tellement j'avais mal. Il s'éloigna un peu et réfléchit quelques instants. Il se tourna alors vers moi et plongea son regard dans le mien :

- Alors utilises Endoloris sur moi. Tous les jours, plusieurs fois par jour s'il le faut. Si je peux calmer tes douleurs comme ça...

Je restais inerte face à ce qu'il venait de dire. La part la plus sombre en moi aurait volontiers acceptée. Mais je l'aimais tellement que l'idée de lui faire subir ce sortilège m'était insupportable. J'étais en train de devenir un monstre avide de pouvoir.

- Jamais, parvins-je à articuler. Jamais je ne te ferai ça...

Les jours passaient et j'avais toujours aussi mal. Mes veines étaient noires, mon sang réclamait de la magie noire, jamais je ne serais en paix. Je passais la majeure partie de mes journées assise dehors à fixer le lac. La neige tombait à gros flocons, il faisait froid mais j'étais mieux à l'extérieur. Le froid semblait calmer un peu la douleur. Je n'avais plus aucune notion de temps, j'ignorais depuis combien de temps j'étais ici, je ne m'apercevais pas toujours que Sebastian était avec moi et qu'il me parlait. J'étais seulement ailleurs, tentant de fuir la souffrance. Regarder le lac m'aidait à calmer mon esprit mais mon corps n'était que douleur permanente. Il fallait que ça cesse. Je voulais que ça se termine. Je ne pensais à rien d'autre qu'à ça à longueur de journées.

La lune était basse sur le lac, la neige était bien tombée toute la journée, tout scintillait dehors. Je marchais lentement en direction du lac, incapable de résister davantage. Je souffrais, je n'en pouvais plus, il fallait que ça cesse, immédiatement. J'avançais dans l'eau, lentement. Chaque pas me procurant un plaisir exquis. L'eau glacée annihilait complètement le feu dans mes veines. Plus je m'enfonçais dans l'eau gelée, moins j'avais mal. J'allais plus loin, jusqu'à ne plus avoir pieds. Lorsque mon corps fut entièrement immergé, je fus soulagée. Je ne ressentais plus les affres de la douleur, le feu crépitant dans mes veines. J'étais enfin libérée de toutes mes souffrances. Je ne me débattis pas lorsque, sous l'eau, je respirai par automatisme. J'accueillis l'eau glacée dans mes poumons avec délice. Mon corps se figea et je me sentis couler dans le fond du lac, libérée.

Magie AncienneWhere stories live. Discover now