Fuir ou Mourir

𝒮𝒶𝒾𝓃𝓉-𝒟ℯ𝓃𝒾𝓈

Chère Mère,

Je sais que cela fait un long moment que je n'ai pas pris le temps de vous écrire. À vrai dire, il y a bien longtemps que je n'ai pas eu le temps de tenir un crayon et d'écrire à qui que ce soit, pas même à Emily. J'espère que vous allez bien toute les deux.
Malheureusement, si vous recevez cette lettre, c'est que je ne suis plus de ce monde...
Tout du moins, plus de celui auquel j'ai appartenu durant les vingt années de mon existence. Je suis consciente que la vie que j'ai vécue n'était pas la pire vie que l'on pourrait avoir. Vous avez été une mère formidable, une mère attentionnée et bienveillante. Emily est la meilleure petite sœur que ce monde pouvait m'offrir. Seulement, depuis la mort de père, je vois que vous êtes toute les deux différentes. Vous n'avez plus cette étincelle dans vos yeux et je n'ai pas envie de vivre ça à mon tour. Je sais qu'une jeune fille comme moi doit se marier et enfanter mais ce n'est pas ce que je veux ; dépendre d'un homme afin de pouvoir construire une vie simple, posée et sans aucun rebondissement pour au final perdre tout ce que j'ai si celui-ci vient à disparaître.
Je veux de l'aventure, et je sais que les personnes « libres » comme moi sont mal vues dans ce monde. Au cours de mon voyage j'ai pu comprendre que ce type de personnes se font appeler par des noms qu'il me serait difficile d'écrire. C'est une source de déshonneur pour une famille, pour une femme surtout car c'est une vie nomade et dangereuse. Et Dieu sait que oui, c'est dangereux.
Mais je suis prête. Je suis prête à découvrir le monde et à affronter les dangers qu'il comporte même si cela implique que je doive me battre. Je veux pouvoir le faire, pour que les gens comme moi n'aient plus honte de ne pas vouloir à tout prix rentrer dans une case, pour que la corruption cesse d'exister et pour que les femmes soient enfin reconnues comme égales aux hommes.
J'ai acheté un cheval, une jument, Artemis. C'est une pure sang arabe avec une magnifique robe noire. Emily l'adorerait. J'y ai mis toutes mes économies mais heureusement, comme vous avez pu le remarquer, j'ai pris la carabine de papa avec moi ce qui me permet de chasser lorsque j'ai faim. Je ne m'attaque pas à du gros gibier dangereux, je n'ai pas envie de disparaître de ce monde avant de l'avoir exploré. Mais la viande de cerf est très tendre alors je m'en contente pour l'instant.
Je vous écris depuis le saloon de Saint-Denis. C'est une très grande ville, trop moderne a mon goût. Rendez-vous compte, ils ont même un tramway. Cette machine est très dangereuse lorsqu'on ne la connaît pas, elle ne fait pas tant de bruit que ça et elle pèse plus lourd que dix chevaux, à ce qu'on m'a dit. J'ai hâte de partir mais je ne veux pas m'aventurer dans des coins trop sombres pour l'instant. J'espère trouver de l'aide non loin, si j'arrive à trouver des personnes assez bienveillantes pour m'accompagner ou pour au moins m'indiquer les lieux les moins dangereux pour une femme seule. Même si je sais me défendre, je me rend bien compte qu'il me manque de l'entraînement et que certaines personnes sont nées dans ce climat de violence et de sang. J'espère ne pas trop m'écarter de mon but mais je suis prête à faire ce qu'il faut pour l'atteindre.
Je vais vous donner autant de nouvelles que je pourrai, si ma situation m'y autorise. J'écrirai bientôt à Emily, vous pouvez  la rassurer et lui dire que je vais bien, elle doit se faire beaucoup de soucis.
Je vous aime et je vous embrasse affectueusement.
Prenez soin de vous et veillez sur Emily, s'il vous plait.

XX
Rosalie.