Aile

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Le vent glacé soulevait ses cheveux et caressait son visage amoché.
Elle était dans ses bras, la joue contre sa veste, pleurant en silence des larmes pleines de rancœur. Quelques fois, elle perdait connaissance puis revenait à elle par un souffle animé qui réveillait son âme ; le ciel formait un grand voile noir et recouvrait la lune.

Michael la regardait attentivement. Le néant, le noir, la mort, la solitude, les coups, le sang, l'horreur, l'humain, le cœur battant la chamade.
La jeune fille haletait d'angoisse. Il accéléra le pas et la déposa sur le siège passager.

Le froid, la douleur, l'abandon, la haine, sa respiration s'écourtait.
Michael prêt à démarrer, était tout particulièrement attentif à ses réactions. Il était spectateur de son triste cœur qui se débattait dans l'atroce souffrance d'un vide infini.

-Lilith, Lilith...

Tout dégringolait autour d'elle, toute la lourdeur du ciel semblait s'abattre sur son petit être. Elle ne pouvait ni entendre, ni répondre.

-Lilith, tout va bien, je suis là, tu n'a plus de quoi paniquer.

Langdon essayait de la rassurer comme il le pouvait par sa voix calme et suave. Il caressa tendrement ses cheveux et coinça une mèche derrière son oreille en guise d'affection.

-Tu n'a plus rien à craindre, arrête dont de regarder ce ciel vide dépourvu de nos ténèbres.

Il plaça doucement sa main sous le menton de la jeune fille pour diriger son regard jusqu'au sien.

-Regarde moi, trouve mes yeux, continuait L'antéchrist.

Sa vision ambuée de larmes ne savait pas où se poser. Tout était vertige, tout se renversait, se déversait comme du sable.

Quand, parmi la poussière de son propre chamboulement, elle aperçut cette lumière qu'elle connaissait si bien. Une lumière d'un bleu passionnément apaisant. Nulle autre chose sur cette terre ne pouvait prendre la couleur de cette nuance bleuté.

-Parce que je sais que ça te rassure, murmura le fils du diable.

Il y avait effectivement dans son regard, un élan d'ardeur et de tendresse qui apportait à la jeune fille, tout ce qu'elle avait toujours désiré. Mais à cette tendresse angélique, se mêlait un tout autre sentiment. Quelque chose de terrible, d'abominable, d'infernal. C'était comme un combat entre deux forces paradoxales qui se ruaient l'une sur l'autre avec violence et douceur.

Lilith était en totale fascination, elle en oubliait son corps, son être, elle n'avait plus l'impression d'exister dans la vie terrestre. Elle était seulement là, dans un néant bleutée ineffable. Et elle s'y sentait merveilleusement bien. Plus de douleur, plus de vide, elle était immensément comblée.

Une seule question lui vint à l'esprit.

« Est-ce donc cela faire l'amour ?  »

Est-ce donc le fait de souffrir autant intérieurement que physiquement au point de devenir esclave de l'étouffante solitude, de l'incomplétude, qui soudainement est comblée par un autre, par un regard, par un mot, par un corps, par un autre qui prononce toujours le même son, celui de l'amour. Leurs âmes dansent sur les nuages du paradis ou au bord du fleuve de l'enfer, cela importe peu. Ce qui importe c'est la rencontre, la rencontre de l'altérité qui pénètre cette âme laissée seule depuis si longtemps.

Alors oui, ils venaient de faire l'amour. Pas dans un sens sexuel, non mais dans un sens animique, parce que c'est toujours par le regard que les âmes se rencontre.

Elle entendait une voix lointaine et calme qui raisonnait comme un écho dans tout son corps.

Lilith ? M'entends tu ? Je suis là avec toi dans ton for intérieur, je te prends par la main et nous partons vois tu ? Nous partons sur les flots élégiaques de l'amour.

Etait-ce son imaginaire qui voulait lui faire entendre ce qu'elle avait toujours rêvé d'entendre ? Que des belles paroles à l'eau de rose, aucun homme ne pouvait dire cela sincèrement à une femme, elle le savait bien.

Michael cligna des yeux et regarda droit devant lui. Ils venaient de se détacher. Lilith revint à elle et tous les maux du monde s'abattèrent sur son être qui était à nouveau redevenu un corps.

-Arrête... Reviens... Tu m'a quitté trop vite, c'était trop brusque, j'ai mal, j'ai si mal...

-Je reviendrais Lilith, mais pas maintenant, c'est ainsi que la vie est faite.

-Mais je n'ai pas eu le temps d'imploser, d'éclore de bonheur...

-Penses tu vraiment que cela est envisageable au vu de l'état dans lequel tu te trouves ? Rétorquait-il les mains sur le volant.

-Plus l'on souffre, plus le bonheur est intense par la suite... répondit Lilith dans un soupire insatisfait.

-Tu te trompes !

-Explique moi alors.

-C'est à toi de comprendre...

Ils se turent pendant un long, très long moment. Harassée par la douleur et bercée par les ronronnement du moteur, Lilith ne tarda pas à s'endormir jusqu'à même en perdre connaissance.

Étonnement, cela arrangeait bien L'antéchrist. Il allait pouvoir mettre plus facilement à exécution ce qu'il avait minutieusement préparé depuis sa fugue.
Il n'allait certainement pas se laisser faire, c'était lui L'antéchrist, il se devait de tout contrôler et obliger quiconque à aller dans son sens.

Tome 2: Volons Jusqu'en Enfers ~Michael Langdon ~Where stories live. Discover now