Le jardinier du torrent

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Il était une fois un champ de fleurs immense, traversé par un fin torrent d'eau. Les remous de l'eau était la mélodie préférée des villageois qui habitaient le coin. Ce n'était pas très connu. À vrai dire, seule une très faible population résidait dans cette contrée.
De chaque côté du torrent, les fleurs scintillaient. Elles étaient épanouies, belles, rayonnantes ; si belles que le peu d'aventuriers qui s'y engageaient en arrachait chacun une poignée afin d'en garder un souvenir éternel, à jamais.
C'est ce que les habitants souhaitaient éviter. C'est ceux que les habitants méprisaient.

La flore était leur seul trésor, et par conséquent la chose la plus précieuse. Ils savaient tous très bien ce que signifiait d'ôter la vie à une fleur. Que l'arracher à sa terre signifierait la fin de son éclat, et aucun villageois ne cueillait de rose, de pivoine ou de lila. C'est une leçon qui était enseignée aux enfants dès le plus jeune âge, et qui semblait admirablement respectée et appliquée.
Naguère, des jardins avaient été plantés dans chaque propriété pour éviter que quelqu'un ne jalouse cette propriété culturelle, et cela avait porté ses fruits. Mais peu importe que tout le monde connaisse le secret des fleurs, la manière de s'en occuper ; nul n'avait le don du jardinier.
Ce dernier s'occupait non seulement des jardins, mais aussi de l'immense champ de fleurs. Situé dans une terre jouxtant le torrent, ses parcelles étaient constituées principalement de narcisses, mais aussi de cactus. Certains prétendaient qu'il se servait de l'eau du torrent pour arroser les fleurs, et leur donner cet éclat, c'est pourquoi il fut nommé "Le Jardinier du torrent". Cependant, une chose demeura étrange : les jardins des habitants étaient parfaitement entretenus, de l'eau pour chaque plantation, à part égale. En revanche, celui du jardinier peinait à se développer, comme si les racines des fleurs s'entêtaient à les retenir sous terre.
Beaucoup de rumeurs circulèrent : de la sorcellerie, et le résultat de son propre jardin serait le prix à payer ; de l'inattention et négligence futile, et bien d'autres expressions sur l'homme qui dévouait son existence à l'entretien de fleurs que des insignifiant se plaisaient à arracher et que ses voisins jugeaient consciencieusement.

Comme chaque matin, le jardinier se leva, regarda par sa fenêtre pour constater sa parcelle vide et dévastée avant de partir prendre sa pelle et son arrosoir. Il s'approcha du torrent , y recueilla l'eau et fit le tour des terres du voisinage, en en arrosant chacune minutieusement, puis retourna chez lui. Arrivé au sien, l'eau manquait, et il ne put satisfaire d'eau ses pauvres fleurs enterrées. Alors l'homme pleura. Il s'agenouilla, prenant soin de ne pas écraser ses plantations, et le long de ses joues se sont mises à couler des larmes. Des larmes pleines d'espoir et de regrets.

Le lendemain, il recommença le même processus mais cette fois-ci, en regardant à travers le verre de la fenêtre, il aperçut une petite tige verte dépassée du sol.
Les larmes chargées de son espoir et ses efforts ont nourri son rêve de voir ses fleurs, un jour, grandir elles aussi.
C'est ainsi que le jardinier du torrent, qui n'avait que trop de respect pour la nature, vit cette dernière le lui rendre à son tour.

@lolclaci

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⏰ Last updated: Feb 22, 2023 ⏰

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