Chapitre 14

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L'hôtel était une grosse bâtisse avec une façade blanche garnie de colombages normands. Le jardin alentour était moins joli que sur les photographies du prospectus qui avaient été prises au printemps, un jour de beau temps, au moment où les pommiers étaient couverts de fleurs. En cette saison, il faisait gris, toutes les branches étaient nues et le sol semblait composé d'une grande masse boueuse vaguement gelée. Une joyeuse pancarte en bois plantée de travers devant le porche d'entrée indiquait : "bienvenue à la Ferme Normande !".

Il faisait si froid que personne n'eut le courage de s'attarder dehors. L'entrée était chaude et accueillante. Un immense sapin qui montait jusqu'au plafond en encombrait une bonne partie. Alex, qui ne l'avait pas vu, faillit s'éborgner à l'une de ses branches. Ses cheveux s'y coincèrent et il dut tirer dessus pour se dégager.

Nathalie pressa le pas pour se mettre au même niveau que le jeune homme et lui sourit en agitant une paire de clefs.

— Je me suis arrangée. Nous allons partager une chambre, annonça-t-elle avec enthousiasme.

Alex se retint de grogner.

— Ah... Super !

Il jeta un regard en arrière. Jean-Baptiste était déjà en train de gravir l'escalier avec un groupe de garçons sans plus faire attention à lui. Il en fut dépité. Il avait espéré que Jean-Baptiste n'aurait d'yeux que pour lui à présent qu'il était devenu une fille si jolie. Même Timothée avait paru sous son charme. Et à peu près tous les autres garçons du lycée. Pourquoi fallait-il qu'il soit tombé sur le plus difficile ? Il ne cessait pourtant de multiplier les avances !

La chambre qu'Alex devait partager avec sa pire ennemie était spacieuse et comportait deux larges lits disposés côte à côte avec un espacement d'un mètre. Nathalie laissa Alex choisir la place près de la fenêtre.

— Je suis contente que Jean-Baptiste t'ait proposé de venir avec nous, pépia-t-elle en ouvrant sa valise. Il est toujours si gentil et prévenant !

— Est-ce que - Alex se retint difficilement de grincer des dents ou de mordre dans quelque chose - est-ce que tu sors avec lui ?

Il n'avait jamais été aussi anxieux de connaître la réponse à l'une de ses questions.

Nathalie (qui ne parut pas trouver la soudaine question bizarre) se mit à rire.

— Avec Jean-Baptiste ? Oh non, je n'aurais aucune chance avec lui. Disons que je ne suis pas du tout son genre. Il est juste un bon ami. Et puis, j'ai déjà un copain.

La pression du jeune homme éclata comme un ballon de baudruche trop rempli et il se sentit soudain d'excellente humeur.

— Un copain ? voulut-il savoir en se laissant tomber sur son lit. C'est quelqu'un du lycée ?

Il n'aurait pas pu devenir ami avec une fille dont il s'apprêtait à voler le petit ami, car ce n'était pas quelque chose qui se faisait. Mais, puisque Nathalie était en réalité en couple avec quelqu'un d'autre, il pouvait bien faire un effort.

Nathalie agita la main avec horreur.

— Non, bien sûr !

Apparemment, elle considérait tous les garçons du lycée comme indignes de sa personne et elle expliqua à Alex que son petit ami était en première année en fac de médecine et, à en croire sa description, il était presque aussi parfait que Jean-Baptiste (ce dont Alex doutait fortement).

Il n'était pas si désagréable que cela d'être ami avec une fille. Quand il était avec Timothée, ils passaient généralement leur temps à jouer à des jeux vidéo et parlaient finalement assez peu. Avec Nathalie, ils s'étaient mis à discuter de tout et de rien. De choses futiles comme de sujets plus sérieux, tout en se peinturlurant les doigts, car la jeune fille avait sorti une impressionnante collection de vernis à ongles.

Alex ou le portable merveilleux (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now