Chapitre 9

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Il ne restait plus à Alex qu'à enfiler ses chaussures et son manteau. Curieusement, l'écharpe à moitié mouillée qui pendait là où il l'avait laissée la veille était exactement la même que celle que sa mère lui avait tendue lorsqu'il était parti en catastrophe. Cela dit, les filles aussi mettaient des écharpes et ces dernières n'avaient pas forcément besoin d'être de couleur rose à paillettes. Il fallait tout de même en conclure que les pouvoirs de transformation du génie ne s'étaient pas étendus jusqu'à l'entrée, à l'exception du meuble à chaussures.

Le jeune homme y chercha par habitude ses vieilles converses mais ne parvint pas à mettre la main dessus. Le génie semblait estimer qu'une fille ne devait pas porter de talons plats, car il n'en trouva aucune chaussure correspondant à cela. Il finit par se décider à contrecœur pour une paire de bottines brunes à gros talons, sans doute plus stables que les fragiles escarpins qu'il avait d'abord trouvés. Il avait déjà vu Nathalie Delaunay porter quelque chose de très semblable une fois ou deux. Cela devrait plaire à Jean-Baptiste, puisqu'il trouvait cette dernière si fascinante.

— Bonne journée, ma princesse, lui cria sa mère depuis la cuisine.

Alex se mordit la lèvre.

— Hum... hum... Toi aussi !

Il se sentait nerveux. Lorsqu'il ouvrirait la porte, il entrerait sur scène en jouant un tout nouveau rôle pour lequel il n'était pas certain d'être prêt et n'avait pas reçu le scénario ni même tout simplement candidaté !

Il tira sur sa petite robe pour essayer de l'allonger. Elle n'allait pas plus loin que ses cuisses.

"Courage !" se dit-il en franchissant le seuil. "Il faut ce qu'il faut pour séduire l'homme de ta vie".

Ses premiers pas furent bien laborieux. Les talons l'obligeaient à marcher sur la pointe des pieds. Il n'en avait pas l'habitude, ne s'étant jamais entraîné à cela.

L'escalier qu'il rencontra devant lui lui parut effroyablement vertigineux. Dire qu'il avait cinq étages à descendre ! Il jeta un regard plein d'espoir à l'ascenseur mais le panneau "hors service" y était toujours accroché. Le jeune homme se résigna donc à se mettre en route en ayant l'impression irréelle d'être un alpiniste en train de redescendre du Mont-Blanc.

"Et une marche. Et encore une autre".

Il continuait sa descente, petit à petit, fermement cramponné à la rampe pour se prévenir de toute chute. Il ne lui fallait habituellement qu'une minute pour arriver en bas.

Le jeune homme croisa au troisième étage sa voisine Mme Abiba qui passa à côté de lui en lui jetant un regard curieux. Comme le génie l'avait prévenu, elle ne semblait pas savoir qui il était, ce qui le mit mal à l'aise. Il connaissait la vieille femme depuis son enfance. Elle l'avait souvent gardé lorsqu'il était petit et que sa mère devait s'absenter. Il la considérait comme une sorte de grand-mère. Et voilà qu'il était devenu un inconnu pour elle ! Ou plutôt une inconnue.

Alex en fut si perturbé qu'il posa le pied n'importe où faillit se tordre la cheville. Il se rattrapa in extremis en poussant un juron et réussit à atteindre un étage de plus.

Il sembla au jeune homme que plus d'une heure s'était écoulée lorsqu'il atteignit enfin l'entrée (ce qui devait être faux, ou alors il était une nouvelle fois affreusement en retard). Alex poussa la porte avec soulagement. Dehors, il faisait un temps radieux, quoique assez froid. Le ciel bleu se reflétait dans les flaques laissées par la journée de pluie de la veille. Sans doute fallait-il y voir un bon signe. Le destin était de son côté. La vie allait peut-être enfin lui sourire.

Un coup de vent se leva alors et lui envoya ses cheveux dans la figure. Le jeune homme repoussa ses longues mèches avec agacement. Et voilà, la coiffure que sa mère avait pris tant de soin à établir était déjà partie dans tous les sens !

Alex ou le portable merveilleux (bxb) [terminée]Where stories live. Discover now