J'entends ses paroles, mais je n'en comprends pas le sens.

— En décembre ?

Ma voix me paraît lointaine, je n'ai pas l'impression que c'est la mienne. Niall fronce les sourcils, ne semblant pas comprendre où je veux en venir.

— Euh... oui. Nous préférons faire un mariage en hiver, puis partir dans une destination tropicale.

Nous. Un nous dont je ne fais pas partie. Mon corps sursaute, semblant prendre conscience de la situation. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non. Non.

— C'est... super ! je m'exclame avec un sourire.

Qu'on me vienne en aide. Tuez-moi, quelque chose, quelqu'un...

— Je suis content que tu le prennes comme ça, vraiment, dit-il en m'enlaçant.

Je ne sais comment réagir, je me sens... Vide ? Mon absence de réaction me surprend. Je fixe un point flou. Un point qui semble se mouvoir. Je croise le regard froid de mon boss. Ce dernier plisse les yeux et se racle la gorge. Niall me lâche. Je ne sais pas si je dois embrasser les chaussures hors de prix de Balthazar ou lui cracher au visage.

— Hartfills ! Il me semblait que vous étiez en retard dans votre travail.

Je hoche la tête mécaniquement et adresse un signe d'adieux à Niall avant de le suivre. Il se dirige vers son bureau, mais je m'arrête devant le mien. Henry n'y est pas encore. Y entrer me semble insurmontable.

— Suivez-moi.

Son ton sec fait monter mes larmes et je lui lance un regard implorant.

— Je... Je ne me sens pas très bien. Je crois que je devrais rentrer chez moi.

Ma voix me paraît misérable. Je ne remarque pas qu'il m'attrape le bras et me guide dans son bureau. Impeccable, rien ne dépasse, aucune paperasse, Monsieur Propreté. Cela change de mon propre bureau où je suis encore à l'ancienne avec mes papiers, post-it, carnets. Je me retrouve au milieu de cette grande pièce plongée dans la lumière matinale par les grandes baies vitrées. Je m'y sens toute petite, pas à ma place.

— Je vous avais prévenu. Nous étions d'accord pour que vous restiez travailler.

Mon cerveau est en coton. Mes jambes ont du mal à me porter. Si je mourais là, maintenant, tout serait plus simple, non ?

— Hartfills ?

Une main claque des doigts devant moi, mais je ne réagis pas. Un soupir, puis une main dans mon dos qui me pousse sur un fauteuil près d'une baie vitrée.

— Je pense que je devrais rentrer chez moi, je répète mollement.

— Pour quoi faire ?

Oui. Pour faire quoi, au juste ? Me mettre dans mon lit en attendant la mort. Je hausse les épaules tandis qu'un verre d'eau m'est présenté. Je l'attrape et le vide, tentant sans succès de faire disparaître cette boule au fond de ma gorge.

— Vous allez vraiment me faire ça ?

J'éclate de rire. Je suis en train de vivre le pire moment de ma vie et il pense qu'à sa petite personne ? Je rêve, en fait ? Je relève les yeux vers lui et les plisse.

— Avez-vous la moindre idée de ce qu'il vient de se passer ?

— Cela va peut-être vous étonner, mais oui. Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir ce que vous allez faire à présent. Vous morfondre chez vous pendant des jours, voire des semaines, ou vous relever et affronter ça avec classe ?

Je cligne des yeux avant de me relever.

— Je choisis la première option.

Je fais un pas, avant qu'il ne me barre la route de son bras. J'ai envie de l'étrangler, et je suis dans un tel état que je sais que je pourrais le faire.

— Cela fait des mois que vous le faite, Hartfills. Il serait peut-être temps de se remettre en selle, non ?

Je me fige et serre les poings. Je lui lance le regard le plus meurtrier que j'ai dans mon stock et il se met à sourire.

— Ah, enfin. Une véritable émotion. Voilà ce que je veux voir, pas ce masque ridicule que vous portez depuis des mois.

— Vous n'avez...

— Aucune idée de ce que vous traversez ? Me coupe-t-il. Très certainement. Mais vous êtes mon assistante et si vous sombrez, cela se répercutera sur moi. Tout comme je me dois d'être irréprochable pour que vous ne soyez pas impacté.

Je fronce les sourcils. Pourquoi faut-il qu'il ramène tout au travail ? Il n'a que ça dans sa vie ou quoi ? Ce n'est pas mon cas, c'est ce qui me permet de manger et de payer mes factures et accessoirement de voir Niall. Niall... Je n'arrive pas à y croire. Il est fiancé. Cela fait six mois que nous avons rompu. Une relation de trois ans. Nous vivions ensemble et on prévoyait nos vacances d'été avant qu'il ne me quitte.

— Je suis désolée, mais je ne peux pas.

Je repousse son bras. Il soupire, et se dirige vers son bureau, ouvre son tiroir avec humeur et en sort un papier. Il me le tend avec un regard furieux.

— Qu'est-ce que c'est ? Une lettre de licenciement ?

Il ne me répond pas et continue à me fixer, la feuille tendue devant mes yeux. Je la prends et la parcours des yeux rapidement. C'est précisément ça. Mais elle date d'il y a cinq mois.

— La direction m'a ordonné de vous licencier il y a quelques mois.

— Vous ne l'avez pas fait, je murmure en relisant une énième fois la lettre.

— Non. Nous sommes une équipe. Je vous fais confiance. Je sais que vous allez retrouver la fougue qui m'a donné envie de vous embaucher. Je me suis porté garant pour vous.

— Pourquoi ?

Je me rends compte que je pleure au moment où je veux voir son visage et que je n'arrive pas à distinguer correctement ses traits.

— Parce que je vois le potentiel en vous et que chacun peut traverser une mauvaise passe. Mais cette fois, je ne pourrais pas aller contre la décision de la direction. Faites le bon choix.

Sa réaction est si inattendue que je ne sais pas comment réagir. Lui qui a toujours été si froid avec tout le monde se montre si prévenant.

— Et pour être honnête avec vous, j'ai besoin de vous. L'entreprise souhaite ouvrir un nouveau service. Nous allons avoir beaucoup de travail, un projet qui pourrait mettre la lumière sur vous et vous permettre d'avoir un poste plus intéressant. Comme un poste de responsable de service administratif, par exemple.

Je sais qu'il fait ça pour me motiver, mais je me sens hermétique à ça. Je hoche la tête sans grand entrain.

— D'accord, faisons ça.

Je retourne dans mon bureau sans un mot, tentant de me concentrer par tous les moyens et d'oublier cette terrible matinée. La porte de mon bureau s'ouvre avec fracas, me faisant sursauter.

— Putain, Lily, c'est quoi ce bordel avec Niall ? Hurle ma meilleure amie. 

Promise meWhere stories live. Discover now