Chapitre I - La fortune d'un aïeul

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Stanislas Baranowski est le premier enfant de Joseph et Catherina. Il voit le jour le 23 novembre 1747, dans la petite ville de Kargopol située dans la province Russe d'Arkhangelsk. Pour faire vivre sa famille, Joseph s'échine chaque jour que Dieu fait, dans les vastes forêts, où depuis son plus jeune âge il coupe des arbres. A cette époque, le bûcheronnage est le principal débouché économique, dans cette région isolée de la grande Russie. Son épouse, comme toutes les femmes, occupe ses journées à l'entretien de leur modeste datcha. Le petit potager et les quelques animaux de basse cour permettent de faire vivre de la famille.

Comme il est de tradition, Joseph souhaite avoir plusieurs fils, forts et robustes, pour l'aider financièrement et développer les travaux forestiers. Stanislas est l'aîné de la fratrie des Baranowsky. Jospeh et Catherina déploient toute leur énergie pour subvenir à la famille qui maintenant compte six enfants. Malheureusement et malgré tous les efforts, Joseph et Catherina semblent être abandonnés par les Dieux. Après la naissance de Stanislas, ce sont cinq filles qui viendront agrandir la famille, au désespoir de Joseph.

Dès l'âge de cinq ans, Stanislas est destiné au dur labeur. Il doit aider sa maman, dans les travaux de la maison. Il s'occupe de nourrir les quelques poules, le cochon et la vache. Il travaille du matin au soir dans le potager, comme un adulte qu'il n'est pas encore. Durant les longues périodes des hivers sibériens, il est de corvées de bois et d'eau. Son corps est terriblement marqué par les morsures glacées. Après ces journées harassantes, il tombe de sommeil et s'endort le plus souvent sans souper, pour se lever dès quatre heures. Cette triste vie l'accompagne chaque jour de l'année. Il n'a qu'une seule envie, quitter au plus vite sa famille, où ses sœurs, destinées à être mariées à de bons partis, sont bien mieux considérées. Les saisons s'enchaînent sans qu'il ne puisse se libérer de cette vie d'esclavage. Il finit par accepter son sort et s'endurcit. Il devient de plus en plus fort physiquement et psychologiquement. Les rares moments de détentes qui lui sont laissés, il les trouve dans l'enseignement alors qu'il fréquente l'une des écoles de Kargopol. Ses sœurs sont destinées à faire des mariages avec les jeunes gens des plus fortunés familles de la régions. Elles sont donc préservées par leur père de toutes atteintes de la dureté de cette vie rurale.

Quant à Stanislas , cette vie là, ne lui convient plus. Un soir de printemps, alors qu'il vient d'avoir quinze ans, il décide de quitter pour toujours Kargopol. Depuis quelques semaines, il prépare sa fuite et cache quelques vieux morceaux de pain dans une besace. Il prend la route, seul à pieds pour tenter l'aventure jusqu'au Cap Dejnev, à l'extrême limite de la Sibérie, en marge du détroit de Behring soit un périple de 7200 kilomètres semé d'embûches. Là, il comprend que son destin doit se jouer en Alaska, le nouvel Eldorado pour le petit peuple russe. Il s'engage vers ces contrées, qui lui sont inconnues en traversant sur un bateau, le détroit de Behring, qui sépare d'environ 83 km la Sibérie orientale de l'Alaska du cap Dejnev, en Russie au cap du Prince-de-Galles, en Alaska. Ce bras de mer relie la mer de Behring, dont il est une partie, à la mer des Tchouktches. De plus en plus en plus fort, il gagne en autonomie et ne tarde pas à se forger une réputation. A dix-neuf ans, il devient l'un des maîtres dans ces territoires et sa réputation s'étend jusqu'aux oreilles du tzar, qui en fait un de ses ambassadeurs, dans sa conquête de ces territoires vierges. C'est ainsi qu'en une décennie, il bâtit sa fortune en créant plusieurs exploitations forestières, qui s'étend du Cap du Prince-de-Galles jusqu'à Sitka où enfin, il finit par s'établir et fonder sa propre famille. Pour le récompenser de son travail au service de la grande Russie, le tzar le nomme gouverneur de l'archipel Alexandre. Désormais, il règne ici, en maître incontesté. A l'époque, le tzar de Russie faisait recruter des ouvriers forestiers volontaires pour coloniser cette nouvelle terre et y étendre son empire. Les plus hardis des volontaires étaient largement récompensés et se voyaient attribuer d'immenses étendues de terres sauvages et hostiles. C'est de cette manière qu'il bâtit une colossale fortune à partir de l'exploitation des épicéas. De génération en génération, les Baranovsky se sont installés dans la région de Sitka.

Destins croisésWhere stories live. Discover now