chapitre 1

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Je me précipite vers la porte de l'appartement, comme si je me délaissais enfin de cette souffrance qui m'a suivie pendant des heures. Je ne pensais pas que la vie ici serait aussi difficile. À peine je sors de l'université que je me retrouve confrontée à la vie d'une avocate et à enchaîner les petits boulots le jour, et la vie d'une serveuse dans un bar la nuit. J'étais sensée dormir la nuit, pourtant. Tout ça, c'est de la faute du proprio. Il m'avait garanti qu'il me ferait un bon prix sur l'appartement, mais ce fils de pute n'a pas tenu sa promesse. Il a préféré se foutre de moi.

Un vingt mètres carrés en plein cœur de Paris, c'est génial, vous me direz.

Un vingt mètres carrés en plein cœur de Paris, c'est hors de prix. Et pour pouvoir me le payer, je suis obligée d'enchaîner les petits boulots. Être avocate en début de carrière ne me permet pas de gagner assez. Je n'ai encore aucun client, et il serait temps, car cela fait quatre mois que je suis sortie de l'université à Bruxelles, et quatre mois, que je recherche une personne à défendre.

Il est dix-huit heures, je n'ai pas le temps de traîner, il faut que je me change. Le bar a déjà ouvert, je vais me faire engueuler par le patron si je suis trop en retard. J'enfile ma robe et mon tablier par-dessus, je saisis les clefs de l'appart. Celles dont j'ai eu tant de mal pour les avoir. Je remonte vite fait mes cheveux roux en un chignon à moitié bien fait, tant pis, je le referai là-bas.

Je n'ai pas l'habitude de marcher en talon, ça me fait mal. Je n'ai que quatre-cent mètres à parcourir avant d'arriver sur mon lieu de travail. Je me prépare déjà à recevoir l'habituelle remarque du patron sur mon arrivée tardive et...

-       Hazel, tu es en retard. Si tout le monde était comme toi, je te jure, le bar aurait déjà flanché. Tu ne t'es même pas maquillée. Comment crois-tu servir les clients dans cette allure ?

Sauf que le patron m'aime trop pour me virer. Il ne l'a pas dit mais je le sais. C'est lui qui me questionnait chaque jour à propos de mon copain. Enfin, mon ex. Quand il a appris que nous avions rompu, je l'avais vu en baver. Il me dégoute, mais si ça me permet de garder mon job, je préfère ne pas me poser de question.

Je file aux toilettes où je sors de mon sac ma trousse à maquillage et une brosse à cheveux. Je me presse de me préparer, j'ai au début un peu de mal à tracer mon eye-liner, mais j'y arrive finalement. J'accours au bar, là où je retrouve les vieux habitués. Jean-Pierre et sa clope qui me demandera sa bière quotidienne.

-        Hazel. Cela fait déjà une demi-heure que je suis ici. J'attends ma Jupiler. Tu sais bien que je n'aime être servi que par toi.

Je hoche la tête et esquisse un sourire forcé. Je déteste cet homme, quand il n'est pas en train de mater une fille, il fume une cigarette.

Il me regarde, je suis mal à l'aise. Je me dépêche de lui servir sa bière. Je reste derrière le bar et j'attends de servir quelqu'un d'autre. Mais je sens un regard oppressant sur moi. Je lève les yeux vers le vieux croûtons fumeur. Il lâche un rire étrange, que je ne peux pas oublier.

J'essaye d'en faire abstractions mais je n'arrive pas. Son regard insistant me rend mal à l'aise encore plus que je ne le suis déjà. J'ai envie de tout lâcher et de courir loin de ce bar dégueulasse fréquentés par tous les vieux pervers du coin. Je lance un regard de détresse au patron, qui n'a pas vraiment l'air de prêter attention à moi, il discute avec une jeune femme.

La cloche de la porte d'entrée retentit. Un bel homme habillé en costume noir portant un chapeau qui couvre son visage s'assied à une table. Un silence lourd règne dans la pièce depuis l'arrivée de l'homme. Jean-Pierre détourne le regard vers lui, ce qui me soulage. Je me dirige vers ce monsieur.

-        Bonjour, je lance. Vous avez fait votre choix ?

-        Je viens d'arriver.

L'homme hôte son chapeau. Quelques clients partent du bar, comme si l'homme qui venait les en menaçait. L'homme a des traits fins, son visage est beau et jeune. Ses yeux verts perçants croisent les miens.

-        Je prendrai un verre de vin rouge. Le meilleur.

J'avale ma salive, je ne sais pas quel est le meilleur vin, je n'en bois pas.

- Votre vin le plus cher, dit-il en me regardant dans les yeux, comme s'il avait compris ma détresse.

-        Je vous apporte cela tout de suite.

Je me dirige vers le bar, où le patron me prend par le bras et me murmure à l'oreille :

-        Traite cet homme comme un roi, Hazel.

-        Vous le connaissez ? je demande.

-        C'est le PDG de Di Moretti.

Di Moretti est une entreprise milliardaire. Et ces temps-ci, elle rachète tous les hôtels et bars pour s'agrandir. Je pense que le patron est au courant.

Je me baisse et prend un verre de vin. Je le remplis et me dirige vers la table du chef d'entreprise.

-        Je sais qui vous êtes, je lance.

-        Et moi je sais qui tu es, ajoute-t-il. Hazel McCarthy, avocate de vingt-quatre ans. J'aurais besoin de vous.

-        Besoin de moi ? Je ne suis qu'en début de carrière, quelqu'un comme vous sait se payer de meilleurs avocats.

L'homme se lève de sa chaise sans avoir touché au verre de vin.

-        Quelqu'un comme moi sait faire la distinction des bons et des mauvais avocats, et votre discours à la manifestation de septembre m'en a convaincu. Je vous veux vous, pour défendre mon fils.

Il me prend la main et y confie deux papiers. Il porte ma poignée à ses lèvres et l'embrasse. Je reste figée sur place. L'homme quitte le bar, laissant le verre encore rempli.

J'ouvre ma main et découvre un billet de cinquante euros accompagnés d'une carte de visite sur laquelle il est écrit « Gardez la monnaie ».

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coucou, c'est Sabine lol, j'espère que vous avez aimé ce premier chapitre d'une longue série ! n'hésitez pas à me dire ce que vous pensez en commentaire ça me ferait grave plaisir !

ah et big up à zahrae la reine

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⏰ Last updated: Nov 01, 2022 ⏰

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