Chapitre 13

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Les deux garçons se sentirent bêtes de ne pas y avoir pensé avant. La violence même du rêve avait pourtant été assez révélatrice, mais qui aurait voulu se dire ou même imaginer qu'ils avaient été, potentiellement, spectateurs des derniers instants de Thomas ? Et si ces souvenirs, desquels ils voulaient ne retenir que les moments de douceur, étaient tâchés de violence ? Pire, de vérité ?

« Qu'est-ce que vous insinuez ? Newt demanda, comme pour vérifier qu'Alby ne voulait pas dire ce qu'il essayait pourtant bien de dire.

-Que le père de Minho est l'assassin de Thomas, répondit Alby dans un haussement d'épaules.

Le visage de Thomas se fit grave, comme s'il semblait analyser la situation tandis que celui de Newt perdit de ses couleurs.

-Non... murmura-t-il. Non, c'est pas vrai, c'est pas- Newt prit une respiration incertaine. Thomas, dis-moi que c'est faux, je t'en supplie.

Le visage de Newt se déforma alors qu'il fondit en larmes, de gros sanglots tâchant ses joues alors que ses poings fermés appuyaient sur ses yeux comme s'il essayait de tout retenir à l'intérieur – en vain. Lui-même se sentait surpris par cette explosion d'émotions ; comme si tout ne venait pas de lui. Car si cette éventualité lui était douloureuse, il y avait aussi quelque chose en lui... comme une porte, jusque-là fermée, qui s'entrouvrait doucement mais qu'il n'osait pas ouvrir par peur de découvrir ce qu'elle pouvait bien cacher. Cette grande douleur qui s'échappait dans ses larmes n'était pas tout à fait la sienne.

-Newt... Alby posa une main réconfortante sur l'épaule de Newt. Enfin, est-ce bien Newt qui est ici avec nous en ce moment ?

Thomas fronça les sourcils à cette question et encore plus lorsque Newt releva la tête soudainement, les sanglots stoppés ou du moins calmés par la surprise.

-J'ai mal à la tête... fut la seule réponse que Newt donna avant de renifler.

Thomas entoura Newt d'un bras, l'attirant contre lui.

-T'es sûr que ça va ?

-Je me sens pas très bien, pour être honnête.

Et effectivement, Newt semblait fort pâle. Il était blanc comme un linge, les yeux perdus dans le vague et sa respiration se fit plus lourde, de fortes expirations s'extirpant de sa bouche. Les sourcils d'Alby se froncèrent et il le tint par les épaules comme pour le tenir en place tandis qu'il essayait de le faire regarder dans ses yeux.

-Minho, regarde-moi. Minho !

Alby donna une vive secousse à Newt.

-Hé ! Thomas s'indigna, tentant de repousser Alby.

-Minho ! Je sais que tu es là, je sais que tu nous entends. Tu dois les laisser connaitre la vérité !

Le langage corporel de Newt changea instantanément et il semblait réellement qu'une autre personne avait prit les commandes de son corps. Son visage resta aussi triste qu'il l'avait été précédemment mais Thomas su rien qu'en regardant dans ses yeux, que ce n'était plus Newt en face d'eux mais un autre garçon qu'il avait aimé tout aussi tendrement.

Et il le regardait, les yeux dans les yeux.

-Thomas... murmura Minho, un faible sourire apparaissant. Il tendit la main vers lui, la posant délicatement sur sa joue.

Thomas ferma les yeux, les lèvres pincées à la sensation si douce et si chaude de ce contact qu'il avait cru ne lui serait jamais adressé. Là, à cet instant, il voulut pleurer aussi fort que Minho face à lui – il était étrangement silencieux si ce n'était pour les hoquets et la respiration saccadée, les joues noyées de larmes incessantes. Thomas posa sa main sur celle de Minho et il rouvrit les yeux.

-Tu voulais que je me souvienne Minho, tu voulais absolument que je trouve la vérité mais j'ai besoin de ton aide, on a besoin de toi.

-Qui s'occupera de lui quand tu ne seras plus là ?

-Minho, s'il te plait, ne parle pas de ça, on a besoin de savoir, on a le droit de connaitre la vérité. Je t'en supplie...

Minho hocha la tête lentement avant de serrer Thomas dans ses bras. Les bras de Thomas l'entourèrent immédiatement, le nez de ce dernier perdu dans les cheveux de Minho. Il prit une grande inspiration. Deux soupirs furent échangés à l'unisson.

-J'avais oublié ce que ça faisait, chuchota Thomas tout contre son oreille.

-Moi aussi...

-Je te promets que ça ira. Je ferai tout pour. Et Newt est fort.

Minho hocha la tête une fois de plus sans rien dire.

-La fin de l'été arrive, on n'a plus beaucoup de temps, le pressa Thomas.

-On se reverra ?

-J'espère.

Minho déposa un baiser affreusement tendre sur la joue de Thomas. Et juste comme ça, le corps de Newt ne se tenait plus tout à fait pareil, son regard ne regardait plus tout à fait Thomas. Il tomba presque à la renverse mais dans un dernier effort de lucidité, parvint à s'assoir à même le sol. La tête plongée dans ses deux mains, il fit un soupir guttural.

Alby revint de la cuisine dans laquelle il s'était éclipsé sans que personne ne s'en aperçoive, un plateau dans les mains. Il versa deux tasses de thé, ajoutant du sucre dans celle qu'il tendit à Newt.

-Bon retour parmi nous. Remède de grand-mère, précisa-t-il.

Newt accepta la tasse, grimaçant un peu au goût sucré mais ne fit aucune complainte. Le thé fut bu sans un mot de prononcé, Thomas assis auprès de Newt sans oser rien dire mais analysant chacun de ses faits et gestes.

-C'était comme être là sans être là.

Alby et Thomas regardèrent Newt d'un coup, sursautant presque au silence soudainement brisé.

-C'était comme tout voir de l'extérieur sans jamais quitter mon corps, ajouta Newt. Et dans ma tête, dans les souvenirs, ah ça va paraitre fou... Il m'a donné une boite. Il a dit que tout était dedans.

-Tu l'as ouverte ? demanda Thomas

-Non, Newt secoua la tête. Ça me fait un peu peur. C'est étrange de se dire que tout est dans cette petite boite. Toutes les réponses à nos questions.

-Et toute la douleur qui y est associée ? Alby souffla la réplique.

-Oui, ça, aussi... Ca va tout changer dans nos vies.

Thomas acquiesça gravement. Il prit la main de Newt dans la sienne, entrelaçant leurs doigts.

-Il nous reste trois semaines. Newt lui lança un regard plaintif comme pour le supplier de ne pas parler de ce compte à rebours. Je veux dire, on peut se donner du temps. On sait que les réponses sont dans ta boite. On fixe une date pour l'ouvrir, et on le fera ensemble. Enfin, je serai avec toi. Mais pas tout de suite. On se laisse du temps.

-Pour se dire au revoir.

-Pour s'aimer.

Newt avait envie de pleurer.

-D'accord. Pour s'aimer. »

Alors ils mirent en place un plan avec l'aide d'Alby – ils se rendirent vite compte que rien ne serait possible sans lui. A trois, ils échafaudèrent l'entièreté de la procédure. Ils pensèrent à toutes les éventualités et rien ne devrait en théorie être capable de mettre à mal leur plan. Alors ils se fixèrent une date.

Newt voulait pleurer toutes les larmes de son corps mais il se dit que si Thomas ne pleurait pas, alors lui non plus. Deux semaines et trois jours. Voilà ce qu'il leur restait.

Thomas pleurait silencieusement. Alby ne dit rien.


The ghost of usOù les histoires vivent. Découvrez maintenant