Chapitre 7

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Thomas passait le plus clair de son temps dans sa tête, à l'abri du monde des vivants, oubliant la vie, oubliant le temps qui passe mais l'ignorant, tous ces souvenirs d'un temps passé qui tentait d'assommer son esprit. Il n'était pas encore prêt. Thomas avait déjà eu tant de mal à accepter sa vie de fantôme, mort mais pas tout à fait, vivant mais pas totalement, sans aucuns souvenirs d'une vie qui avait été autrefois la sienne, pouvant à peine reconnaître qu'il était mort. Il avait du tout comprendre, tout seul, sans l'aide de personne.

Et après, il avait dû accepter que sa vie serait ainsi, désormais. Sa vie, ou son après-vie, il ne savait plus trop. Il avait dû accepter qu'il était seul, plus seul que jamais, et qu'il le resterait pour toujours – et l'éternité est bien longue quand on est déjà mort. Ça avait été si dur, et si douloureux, mais il y était parvenu. Mais Newt était arrivé dans sa vie et alors, tout a basculé. Il n'était plus seul, plus maintenant.

Maintenant... Maintenant, il devait se souvenir de sa vie – celle d'avant, celle où il était réellement vivant et pas seulement un passant invisible. Thomas ne se sentait pas encore prêt, il y avait tant à ressentir et découvrir. Il savait qu'il aimait Newt – et cela rendait d'autant plus étrange et difficile de ressentir toutes ces émotions lorsqu'il se retrouvait face au visage de l'inconnu.

Newt, cependant, était bien plus curieux qu'il ne l'était. Thomas avait pour théorie que cette curiosité était la preuve du vivant de Newt. Il avait en lui, encore, cette étincelle propre à la vie qui créait l'envie de connaitre, de découvrir. Il posait sans cesse des tonnes de questions auxquelles Thomas ne voulait ni penser, ni répondre.

« Mais s'teuplé, penses-y ! Pourquoi tu le verrais lui quand tu me regardes moi ?, il demandait, sûrement avec un peu trop d'enthousiasme.

-J'en sais rien.

-Ok, ok, laisse moi dire les choses autrement. C'est un souvenir de ta vie, hein ? T'as toujours vécu ici, vrai? Alors, y'a des chances que tu aies vécu ici quand tu étais vivant ! Tu le vois nulle part à part sur moi ! Peut-être... Peut-être qu'on a un lien de parenté, lui et moi ? Ou alors, j'suis un souvenir aussi ?

-J'suis pas mal sûr que tu es bien vivant, Newt.

-Oui ça je m'en doute mais, je veux dire, et si je le connaissais ?

-Newt. J'ai 17 ans. Ca veut dire que je suis mort à cet âge là. Tu AS 17 ans, et je suis mort bien avant même que tu existes.

-Dis comme ça c'est trop chelou. T'es plus vieux que moi, un peu comme un papy. Ca me dégoute, attend, non. Hé hé mais! T'es mort quand ? »

Les questions s'enchainaient encore et encore, Newt passant du coq à l'âne sans ménagement.

« Je sais plus, ça fait trop longtemps.

-Papy.

-Appelle moi Thomas, c'est parfait. J'ai 17 ans j'te dis!

-Ouais t'as genre entre 17 et 90 ans. »

Si la scène avait pu être comique au départ, la redondance l'avait rapidement rendue pénible à supporter. Au point que Thomas préféra éviter l'humain un petit temps. Enfin... Eviter était un bien grand mot, considérant qu'il continuait tout de même à l'accompagner en cours, et à rester près de lui au travers de toutes ces nouvelles choses qui étaient devenues leur routine. Seulement, il s'abstenait bien de le toucher, ou d'entrer dans son esprit par on ne sait quel moyen étrange. Peut-être que les deux fonctionnaient ensemble, il n'en avait aucune idée.

Mais Newt ne le laissa pas partir si facilement. Il continuait de lui parler, comme s'il s'en fichait de parler dans le vide. Newt se doutait bien que le fantôme se sentait un peu dépassé par les événements, après tout, il le serait aussi à sa place – il l'avait été lui-même. Alors, il décida de faire ses recherches dans son coin. Il ne savait pas trop pourquoi il ressentait ce besoin quasiment irrépressible d'en apprendre plus, de découvrir son histoire et de décortiquer le vrai du faux. C'était plus qu'une envie de savoir, c'était un réel besoin – un besoin qui lui venait tout droit des entrailles, presque instinctif. Un instinct qui le poussait à découvrir ce qui s'était réellement passé. Ce même instinct qui l'avait poussé dans les bras de Thomas. Quand Newt comprit cela, il se rendit compte qu'il y avait plus à tout ceci qu'une simple histoire d'amour avec un garçon de l'au-delà.

Newt n'osait pas encore en parler à Thomas, mais il avait le sentiment étrange que toute cette histoire était un peu...Mh, comment pouvait-il expliquer ça ? Il y avait définitivement quelque chose qui clochait là-dedans. Comment pouvait-il être autant attiré par une personne qu'il n'avait jamais vu et ne verrait sans doute jamais ? Comment avait-il pu tomber amoureux de ce garçon d'une autre époque aussi rapidement et facilement, comme s'il l'avait, au fond de lui, toujours aimé ? Comme si, toute sa vie, il l'avait attendu.

Ce n'était pas chose aisée d'admettre ses sentiments envers Thomas. Au départ, Newt pensait qu'il ne s'agissait que d'une relation purement platonique, bien qu'un peu étrange certes, mais lorsqu'il réalisa que son cœur allait bien plus loin, il paniqua un instant. Tout était si... bizarre. Après tout, c'était logique de se remettre en question après avoir compris qu'il aimait un garçon décédé non ?! Est-ce que... Est-ce que ça lui refilait un côté nécrophile ?

Et ce fut précisément à cette question que Newt prit la sage décision d'arrêter de se poser des questions et de se concentrer sur Thomas, plutôt.

The ghost of usWhere stories live. Discover now