Chapitre 5

73 4 9
                                    

Tout était très calme depuis un moment, maintenant. Tous les jours, Thomas attendait patiemment que Newt revienne des cours. Parfois, ils parlaient de choses et d'autres, d'autres fois, aucun mot n'étaient échangés. Tout reposait sur Newt et ses humeurs. Thomas savait toujours s'il devait parler, ou rester silencieux. C'est fou comme ça pouvait s'avérer franchement utile d'être capable de sentir les émotions du garçon qu'il aimait ! Même si, d'un autre côté, il y restait aussi une part d'étrangeté, d'autant plus que Thomas les ressentait toujours profondément et de manière si vivace qu'il en restait souvent troublé. Un fantôme, ça ne ressent pas grand-chose d'ordinaire – et si c'est le cas, les émotions de l'au-delà ne respectent pas les lois du monde des vivants.

Pourtant, aujourd'hui s'annonçait différent des autres jours. Déjà, Newt était en retard. Très en retard. Thomas tenta de se réassurer en se disant que le garçon devait simplement passer plus de temps que prévu avec ses amis, mais il y avait ce petit quelque chose qui le dérangeait. Il n'arrivait pas à se l'expliquer, mais peu importe à quel point telle ou telle excuse pouvait être probable, il était tout bonnement incapable de les croire. Un pressentiment, un instinct peut-être, qui lui disait que tout ça était, justement, juste des excuses. Peut-être était-ce à cause de cette sensation dans sa poitrine, comme si son cœur se brisait, presque imperceptible mais bien-là pourtant. A partir de-là, ce fut une simple descente aux enfers.

Thomas n'arrivait pas à respirer, il haletait comme s'il venait de courir un marathon. Ses côtes lui faisaient mal et il avait un poing de côté qui ne passait pas. Son cœur battait si fort qu'il ne put s'empêcher de mettre sa main sur sa propre poitrine. Mais rien ; son cœur était toujours aussi froid et mort. Alors pourquoi il pouvait le sentir battre si fort ?

Il eut alors la pensée un peu terrifiante que ça soit, en réalité, le cœur de Newt qu'il pouvait sentir s'affoler ainsi. Qu'est-ce qui pouvait le mettre dans un tel état ? Et alors que la question lui effleura l'esprit, Thomas s'effondra au sol, ses genoux accusant tout son poids. Son corps entier était devenu douloureux, au point qu'il lui était compliqué de bouger quoi que ce soit, un peu comme s'il se faisait frapper de toute part. Des larmes se formèrent aux creux de ses yeux tandis qu'une voix, timide et lointaine, l'appelait au secours.

Thomas... Je t'en supplie...

Il pouvait tout juste l'entendre, mais il ne faisait aucun doute que c'était bien la voix de Newt. Il pouvait la reconnaître parmi milles autres. Alors, Thomas ignora la douleur qu'il ressentait, qui n'était pas la sienne de toute manière, et vola dehors. Mais où était Newt ? Pour la première fois, il souhaitait que ses capacités fantomesques pouvait inclure une espèce de GPS.

Heureusement pourtant, Thomas connaissait le quartier par cœur plus que quiconque, lui qui l'avait vu changer et évoluer au fil des décennies. Combien de temps, exactement ? Il était incapable de se rappeler, il paraissait alors qu'il avait erré là depuis toujours. La vie était si lointaine, et sans souvenirs, sans preuves de quoi que ce soit, qu'il lui semblait qu'il avait été fantôme depuis la nuit des temps.

Et lorsqu'il pensait qu'il devrait baisser les bras, que Newt resterait à jamais introuvable, il sentit sa présence. Thomas suivit cette sensation à la trace, la rendant plus forte à chaque instant, jusqu'à ce qu'il le trouve dans une ruelle sombre et humide. Le garçon gisait au sol, recevant coup après coup par une bande de garçons un peu plus âgés. L'odeur de sang frais lui faisait tourner la tête, et un visage familier lui brouilla la vision pendant une seconde avant de disparaitre.

Si quelqu'un venait à lui demander ce qu'il s'était ensuite passé, Thomas serait incapable de répondre. Tout s'était passé comme si une autre entité avait pris possession de son corps et avait commandé chacun de ses gestes. A la seconde même où il revint à lui, il tenta désespérément de dire à Newt qu'il était là pour lui, il donnait tout ce qu'il avait en lui pour essayer de le serrer dans ses bras pour lui faire sentir sa présence. Newt était en piteux état ; il saignait du nez et un bleu s'y formait déjà, empiétant sur un bon tiers de son visage, et son uniforme scolaire était tâché de sang.

« Je sais que t'es là. » Newt murmura du mieux qu'il pût, grimaçant sous la douleur.

« Est-ce que ça va ? Je t'en supplie, dis moi que ça va, j'sais pas quoi faire, je-» Thomas vomissait et vomissait des paroles, suppliant n'importe qui et n'importe quoi que Newt puisse l'entendre. Il eut pour unique réponse la respiration saccadée de l'autre garçon.

« Tiens-moi la main, s'il te plait. »

Thomas obéit. Il prit la main de Newt dans la sienne et fit tout ce qu'il put pour lui faire ressentir sa présence, qu'il était là avec lui. Il voulait plus que tout que Newt puisse sentir la froideur de ses doigts, son amour et la chaleur de son cœur silencieux. Il voulait qu'il se sente comme Newt le faisait sentir : en vie.

Et c'est possible qu'il y soit parvenu. Les yeux de Newt s'illuminèrent soudainement, et croisèrent les siens. Il semblait surpris, du moins pendant un court instant, avant qu'il ne se mette à simplement sourire. Le sourire le plus pur que Thomas ait jamais eu l'occasion de voir.

« Tout ira bien, t'en fais pas pour moi mon amour. »

Thomas fut surpris par le surnom, et un flux d'émotions intense le traversa avant d'être soudainement coupé court par ce même visage, si familier et pourtant inconnu, qui se superposa à celui de Newt.

The ghost of usWhere stories live. Discover now