— Ah oui, c'est vrai. Vous êtes toujours fourrés ensemble.

— Les meilleurs amis qui soient, m'étais-je amusée avec une affection perceptible.

— On dirait que tu es amoureuse.

— N'importe quoi ! Il est comme mon frère.

— Ça voudrait dire que je suis comme ton frère aussi ?

— Bah non, toi, ce n'est pas pareil.

— Et pourquoi ?

— On ne se connaît pas vraiment.

— Au début, tu ne connaissais pas Sacha non plus, m'avait fait remarquer Zaccaria sans que je comprenne où il voulait en venir.

— C'est vrai, mais nous sommes scolarisés ensemble depuis tout petit alors ça rapproche.

— Ça voudrait dire que nous ne pourrions pas devenir amis puisque nous n'allons pas dans les mêmes classes.

— Tu souhaiterais que nous le soyons ?

— Et toi ?

— Je ne sais pas. Nous n'avons pas le même âge et nos centres d'intérêt sont très éloignés... Et puis, tu ne me parles jamais !

— Tu as raison, nous sommes différents.

— En effet.

Après m'avoir longuement fixée sans un mot, Zac s'était ébroué avant de s'approcher de moi. Jetant sa pelle sur le sol, il avait fini par s'arrêter à mes côtés. Médusée par cette conversation et par son attitude, je m'étais contentée de patienter en observant son profil. Depuis ses cheveux qu'il laissait pousser depuis quelques mois à ses mains salies par la paille et la poussière, rien n'avait échappé à mon scanner visuel. J'en étais à culpabiliser de constater que sa chemise avait été froissée par notre activité commune lorsqu'il avait tourné la tête vers moi pour plonger son regard dans le mien. Pour la première fois de ma vie, j'avais eu le sentiment d'être examinée sous un microscope. Zaccaria De Luca m'offrait soudainement une attention inédite et un émoi nouveau était en train de voir le jour au creux de mon plexus.

— Nous sommes différents, mais peut-être que nous pourrions nous entendre, avait-il prononcé en quittant le box.

Avant d'aller me coucher, je m'étais longuement scrutée, nue, devant mon miroir. Ma poitrine naissante, encore petite et menue, m'attristait lorsque je songeais à Livia, la copine de Zac, qui remplissait sans vergogne des vêtements toujours bien ajustés. Mon abdomen, encore plat, me torturait d'une faim inextinguible que je n'arrivais pas à satisfaire malgré les bons repas de maman et les gâteaux chipés au palais. Et puis enfin, une pilosité dégoûtante commençait à recouvrir certaines zones de mon corps. Vraiment, je n'aimais pas ce que je voyais et je ne comprenais pas l'intérêt soudain de Zaccaria à propos d'une éventuelle amitié entre nous.

Après cet examen minutieux, une douleur vive avait irradié mon bas ventre m'obligeant à me réfugier, en chien de fusil, dans mon lit. Quelques heures plus tard, des saignements avaient apporté les réponses à mon tumulte intérieur. Et tandis que je passais en revue cette discussion avec Zac, une chaleur inédite dans ma poitrine avait éclaté. J'avais alors deviné que je muais en femme et que, dès lors, je ferai tout mon possible pour que le prince devienne mon premier et unique amour.

En repensant à cette promesse que je m'étais faite, j'explose d'un rire sans joie. Mon ventre gargouille, la luminosité a encore baissé et la position que je tiens depuis plusieurs heures commence à être très douloureuse. M'adressant à la caméra de sécurité, je hurle de faire venir le prince De Luca et répète cinq fois ma demande avant d'abandonner. L'hystérie me guette et même si je savais que je prenais des risques en tentant de confronter l'ancien régent, je n'avais pas imaginé ce que serait l'inertie due à une éventuelle captivité. Le Sweetenstein possède bien un système judiciaire, mais il y a peu de criminalité et la prison n'en a que le nom. Cela m'avait rassurée, mais les propos de Zaccaria quant à la perspective d'un jugement en France me donnent froid dans le dos. Entre le piratage dont je suis coupable, la soustraction d'une mineure à ses parents et ce qu'ils considèrent être un enlèvement, nul doute que je me trouve dans une merde pas possible. En plus, faisant partie des forces de l'ordre, je ne pourrai pas compter sur une quelconque compassion parmi mes pairs.

Bienvenue au Sweetenstein - Tome 2 : Zaccaria - Roman éditéWhere stories live. Discover now