Chapitre 2

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Depuis ce jour, je vis avec eux. Eux, c'est l'orphelina et Mme Chape, ma maison, ma famille, les seuls choses qui comptent pour moi. Je n'ai jamais revu mon père, il n'a jamais pris la peine de me rendre visite, jamais pris la peine de savoir si j'étais vivante. Est-ce que je lui en veux ? Je n'en sais rien, la réponse devrait être évidente mais elle ne l'est pas. En apparence, je pense que oui mais au fond j'espère toujours le revoir un jour ou l'autre. Mais maintenant, ce n'est plus grave. Plus autant qu'au début. Ces murs teintés de noirs et d'obscurité sont mon foyer. Je crois pouvoir me souvenir de la première fois que je suis rentrée ici avec une exactitude désarmante. Il ne s'agissait pas d'un orphelinant classique. Les douves imposantes du bâtiment laissaient franchement à désirer. Tout semblait s'écrouler. Mais ce qui me marque le plus c'est l'impression d'arriver dans un lieu hors du temps, qui échappe à toute temporalité. Le pont qui relie la bâtisse à l'extérieur, au monde, est surplombé de piliers légèrement arrondies qui laissent entrevoir un lieu tout aussi majestueux que terrifiant. Un château immense, contrôlé d'immenses tours aux extrémités pointues et dont la lucarne étaient décorées par des ornements macabres qui donnaient vue sur l'ambiance du château. Il s'agissaient de sortes de statues à tête démoniaque, dont la bouche ouverte laissait entendre une émotion que j'ai mainte fois ressentis ici : le désespoir. Leurs yeux engloutis par leurs visages et leurs ailes pendouillant dominaient sur ce qui aurait pu être une cité. Une cité sans fin. Une cité triste et malheureuse. 

Ai-je vraiment une famille ? Je viens d'affirmer que j'en avais une pourtant. Mais est-ce vraiment une famille ? Ici, la vie si dure, qu'il m'arrive d'en pleurer. Je pleures de désespoir. Au final, je pense que ... si je voulais que mon père revienne, si je désespérais de le revoir un jour ce n'était pas vraiment parce qu'il me manquait : mes souvenirs de lui sont flous. NON, non, la vérité  c'est que c'est uniquement parce que je n'en peux plus de cette vie. Vide de sens, de couleurs, et surtout de joie. J'ai quinze ans aujourd'hui et je ne me rappelles pas une journée ou un moment où j'ai pu être heureuse, enfermée dans ces quatre murs. Nous avons tous des horaires strictes, nous mangeons à une heure précise, nous n'avons pas le droit de manger pendant qu'on mange, pareil pendant les cours. Les chambres sont individuelles, nous ne pouvons pas nous retrouver dans nos chambres : toutes réunions est strictement interdit et sanctionné sévèrement. La liberté n'est pas présente ici. Elle nous est enlevée parce que nous sommes toutes orphelines. Nous n'avons pas le droit de rigoler ensemble, ni de savoir nos prénoms : les professeurs nous appellent par des pseudonymes. 

"Lira, à partir de maintenant, c'est ton prénom. Tu ne t'appelles plus Alexandra Wait mais Lira. Compris ?" m'avait dit Mme Chape, un jour.  

Qu'étais-je supposé répondre ? J'ai dit oui, comme toujours. Aux yeux de tous je suis Lira mais au fond je sais qu'il n'y a qu'Alexandra Wait. Lira ce n'est pas moi. 

Mais aujourd'hui tout va changer.  

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⏰ Last updated: Aug 31, 2022 ⏰

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Eternelia - La ville aux milles songesWhere stories live. Discover now