La porte d'entrée claque violemment, faisant vibrer ma fenêtre. Mon tableau pêle-mêle se décroche du mur et laisse échapper les photos qui y sont suspendues. Les voix se sont tues au rez-de-chaussée, mais mon cœur bat tellement fort que c'est peut-être à cause du bruit qu'il fait que je ne les entends plus.

Prudemment, je ramasse les clichés échoués sur le sol et les observe avec tendresse. Tous mes amis s'y trouvent – surtout Sacha – à différentes époques de ma vie. Derrière l'une d'elles, j'ai caché la plus précieuse d'entre toutes : une reproduction pixelisée du prince Zaccaria lors d'un entraînement au saut d'obstacle dirigé par sa mère. Officiellement, mon père avait capturé Sacha et moi pendant que le frère cadet accomplissait sa représentation en arrière-plan. Officieusement, j'avais manœuvré pour voler un cliché de celui qui fait battre mon cœur. Après quoi, j'avais procédé à un agrandissement du coin supérieur droit et imprimé la partie qui m'intéressait au plus haut point.

Il faut quand même être débile pour faire ça. Non seulement l'image est super moche, mais en plus il existe, un peu partout, des portraits officiels de Zaccaria. Cependant, rien n'a plus de saveur que posséder cette photo unique où lui et moi sommes réunis, même artificiellement. Tandis que je me perds dans des considérations énamourées au sujet du regard clair de l'objet de mon émoi, ma porte s'ouvre dans un fracas épouvantable. Sursautant, je laisse échapper mon trésor et porte une main à mon cou. Ma mère se tient sur le seuil, le visage défait.

Maman ! Ça ne se fait pas d'entrer comme ça ! protesté-je. Et puis, c'est quoi ce boucan que vous faites ? Mon tableau est tombé...

Luisa ! Fais tes affaires, nous partons.

Quoi ?

Prends tout ce que tu ne souhaites pas laisser ici, nous quittons l'île.

Mais... Qu'est-ce que tu racontes ?

Si tu veux des explications, va voir ton père, car je suis tout autant perdue que toi, larmoie-t-elle en reniflant.

C'est impossible, tu as dû mal comprendre !

Fais tes affaires, Luisa. C'est très sérieux, nous devons partir. Un avion nous attend.

C'est quoi ce délire ? Vous êtes complètement dingues, ma parole.

Luisa, crie-t-elle en m'agrippant les épaules. C'est grave, tu m'entends ! Très grave ! Alors, fais tes affaires sans discuter !

Mais...

Tout de suite !

Maman balance, à mes pieds, deux valises et des sacs que je commence à remplir dans un état second. Mes frères font des va-et-vient depuis le deuxième étage où se trouvent leurs chambres. Leurs visages sont sombres et pour une fois, ils ne parlent pas alors que j'étais persuadée que rien ne pouvait les faire cesser de babiller. Après avoir machinalement bourré les deux bagages en y entassant une partie de mes fringues, je garnis les cabas de mes livres, appareils high tech, chargeurs et produits de beauté. Dans une chemise en plastique, j'ajoute mes précieuses photos. À mon plus grand regret, de nombreux objets vont devoir rester ici. Je ne comprends rien à ce qui se passe et la révolte prend le pas sur les émotions. Sans réfléchir, je sors en trombe de ma chambre et déboule dans le salon où je trouve mon père occupé à emballer nos affaires dans des cartons. Des membres de la garde du prince régent Arturo De Luca envahissent l'espace : certains aident mes parents à transporter leurs caisses dehors, et d'autres semblent nous surveiller, armes au poing.

Mais c'est quoi ce bordel, papa ? m'insurgé-je en croisant les bras sur ma poitrine.

Luisa, est-ce que tu as fait ce que ta mère t'a demandé ? répond-il d'une voix lasse tout en s'affairant.

Bienvenue au Sweetenstein - Tome 2 : Zaccaria - Roman éditéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant