Anna

Quelle heure est-il ?

Anna est dans le salon de sa grand-mère. Elle boit le thé avec celle-ci et Lydie. Elles ne parlent pas. Elles sont toutes les trois plongées dans leurs pensées, seul le tic-tac de l'horloge se fait entendre. La cousine de Lydie est à l'hôpital. Elle aimerait tant lui rendre visite, mais elle réside en Angleterre. Toutefois selon la gravité de son état, elle s'y rendrait sans hésitation. Il est prévu qu'elle y séjourne l'été suivant. Elle s'interroge sur le fait d'avancer son séjour. Le matin même, le mari lui apprend l'accident de voiture et promet de la tenir informée. Lydie ne désirait pas patienter seule. Nous revenons donc à cet instant où les trois attendent ce coup de téléphone.

Anna regarde l'horloge, une heure s'est écoulée, il est maintenant 15 heures, elle revient à ses pensées. Elle profite d'un week-end afin de rendre visite à sa grand-mère. Le téléphone sonne, tout le monde retient son souffle. Lydie se lève afin de répondre. Anna pose de nouveau ses yeux sur la pendule : 14 heures. La jeune femme insiste pourtant, il est bien indiqué 14 heures. Elle a forcément mal vu tout à l'heure. La voisine est de nouveau assise, mais sans le téléphone à la main. Elle regarde sa tasse de thé qui est pleine. Elle est pourtant certaine d'en avoir bu la moitié.

— Mamie, tu m'as resservi du thé ?

— Ma chérie, enfin, je viens seulement de nous servir, tu n'as encore rien avalé.

Oh non ! J'hallucine une fois de plus, pense-t-elle. Une heure plus tard, soit à 15 heures, le téléphone derechef retentit. Lydie se redresse pour décrocher. Elle reste silencieuse un moment puis s'effondre. Les deux autres femmes s'approchent afin de la serrer dans leurs bras. Sophie reprend le téléphone pour se renseigner, elle fait part de ses condoléances et raccroche.

Lydie passe la nuit chez son amie, elle n'a quasiment rien mangé au dîner. Elle veut partir en Angleterre le lendemain. Anna est restée auprès d'elle jusqu'à ce qu'elle s'endorme. Elle retourne ensuite dans le salon, sa grand-mère lui a préparé une tisane. Elle s'assoit et ferme les yeux quelques instants. En les rouvrant, le jour est présent. Surprise, elle se tourne vers Sophie, assise en face d'elle, pensive. Lydie est installée sur la chaise d'à côté. Anna vérifie l'heure, la petite aiguille est devant le 2 et la grande est sur le 12. Elle prend la tête entre ses mains, elle n'en peut plus. Comme prévu, le combiné résonne à 15 heures. La même scène se produit. Le soir, après que Lydie se soit endormie, Anna se dirige vers le salon à reculons. Elle se place comme la veille, néanmoins elle ne ferme pas les yeux. Pourtant un clignement suffit, comme par magie, voilà l'après-midi. Toutes les trois autour de cette table ronde. L'étudiante retient ses larmes de frustration. L'horloge indique... 14 heures. Proche de la crise de nerfs, elle espère quelque chose de nouveau afin de stopper cette répétition. Rien ne lui vient à l'esprit pour changer cela. Elle sort son téléphone portable et fixe son fond d'écran.

— Ce n'est pas la même heure, remarque Ricky.

Étonnée, Anna constate que son téléphone précise 15 heures. Elle examine la pendule sur le mur : 14 heures. L'appareil téléphonique sonne de nouveau, Lydie répond, après un court instant, elle soupire de soulagement. Après quelques mots, elle raccroche puis annonce que sa cousine a juste une fracture au bras et quelques points de suture.

— Mamie, ta pendule retarde.

— Quelle pendule ?

— Celle-là.

Anna lui désigne le mur, l'horloge a disparu.