CHAPITRE I

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               Il est très tôt, mais je n'arrive plus à dormir. L'angoisse me prend trop au ventre pour espérer dormir quelques minutes supplémentaires. Aujourd'hui à lieu la sélection. Toutes les personnes entre treize et dix-huit ans vont recevoir un courrier leur indiquant un rôle ou une feuille vierge. Je sais que l'émissaire a déjà déposer le papier dans ma boite aux lettres, mais je n'ose pas aller le chercher. Je sais parfaitement que je suis dans le même état qu'une grande partie des personnes de mon âge, mais je ne veux pas me retrouver face à une image.
               Après quelques soupirs, je me lance. Je marche lentement, mesurant mes pas, mais je finis par ouvrir ce qui contient mon angoisse et la tenir entre mes mains. Oserais-je l'ouvrir maintenant ? Non. Je m'assois au sol une fois à l'intérieur de chez moi et triture ce bout de papier à l'en déchirer. Je tire sur le morceau que j'ai arraché et ouvre l'enveloppe. Je vois. Je ne sais pas qui je suis, mais je vois que ma feuille n'est pas blanche, même si celle-ci est toujours protégée de l'enveloppe. Je suis tellement horrifiée que je refuse de regarder le rôle que je vais devoir jouer.

               Après un deuil de ma vie empressé par des personnes costumé de noir, je louche légèrement sur ma feuille, qui n'a pas quitté mes mains depuis plusieurs dizaines de minutes. Sans conviction, je regarde le rôle de la sorcière qui habille le papier de couleurs d'une part exotique et pleine de vie et d'autre part sombre et sinistre. Avoir le choix entre ressusciter quelqu'un ou tuer quelqu'un... Avoir le choix entre la vie et la mort. Qu'ai-je fait dans ma vie pour hériter de ce rôle ? Décider de qui vit et qui meurt.
               Les hommes m'attrapent par les bras et me poussent hors de chez moi, ne me laissant pas le temps de faire un dernier adieu à ma famille. Alors qu'ils me mettent une lingette imbibée de chloroforme sous le nez et un masque occultant sur les yeux, je laisse vagabonder mes pensées sur la lettre que recevront mes parents lorsque j'aurais été tués au cours de ce jeu macabre. Mes derniers instants de lucidité sont marqués par le bruit déchirant des cris de ma mère, alors qu'elle s'aperçoit que je fais partie des vingt-cinq sélectionnées. Ne connaissant pas mon rôle, elle doit probablement prier pour que je sois meneuse et que quoi qu'il arrive, je retourne à la maison.

***

               Je me réveille lentement, prenant conscience en regardant autour de moi de ce qu'il m'arrive. Je me mets assise et prend un paquet qui se trouvait sur la table de chevet. Il est à mon nom. Je l'ouvre avec précaution et en extirpe une carte du jeu avec mon rôle, une clé et quatre potions, deux avec une étiquette indiquant la mort et deux indiquant la résurrection. Il n'y a aucune indication. Ayant entendu les règles du jeu toute ma vie, je sais que je dois cacher ma carte ainsi que mes potions. Cependant, je ne connais pas l'utilité de la clé. Elle est petite et rouillée, elle a dû servir durant de nombreuses éditions de ce jeu et maintenant, c'est à moi qu'elle revient.
               Je fais le tour de la chambre et découvre une petite penderie avec beaucoup de vêtements. Ce ne sont pas les miens, mais ils sont presque tous à ma taille. Il y a aussi une salle de douche. La maisonnette est spacieuse et assez cosy, ce qui est agréablement surprenant en vue de la situation. Je mets une longue robe blanche dans un style bohème et attache mes cheveux bleus en un micro chignon. Je trouve une trappe sous mon lit et y range mes deux paires de fioles. J'ai glissé la carte dans une fente du parquet en m'assurant qu'elle ne puisse pas tomber ou être trop visible. Pour la clé, j'ai récupéré la ficelle du paquet et m'en suis fait un collier, pour être sûr de ne pas la perdre.

               Je finis par sortir et observe autour de moi une multitude de maisonnettes, identique à la mienne. Il y en a exactement vingt-quatre. Elles sont toutes situées autour d'un grand brasier entouré de divers tabourets de pierre. Au loin, il y a une grande forêt dont je ne vois pas le bout ainsi qu'un fleuve qui la borde. De l'autre côté, il y a un grand bâtiment ainsi qu'une maisonnette collée à une tour de contrôle, ce qui doit être la maison du meneur. Un peu plus loin, à environ deux cents mètres, il y a une grande plage bordée par divers arbres tels que des cocotiers et des bananiers. Il y a aussi une grande barrière rocheuse dans la mer et sur son bord qui doit déborder de crustacés.
               J'aperçois sur des tabourets, quelques personnes discutant. Je m'approche d'eux et les salut de la main. Une petite brune tachetée de tache de rousseur m'invite à m'asseoir à ses côtés.

L'Antre des Loups-GarousWhere stories live. Discover now