Les ténèbres de la nuit

73 25 29
                                    

Quand j'ouvris les yeux, au milieu de la nuit, tout était silencieux dans la chambre. Terriblement, délicieusement silencieux. Effroyablement silencieux.
Il n'y avait plus aucun chuchotement, évanouis nos rires, disparus les frottements des draps sur ton corps.
Même au dehors le temps semblait s'être arrêté. Pas une voiture, pas un animal, même le vent avait fui.
Seule la nuit était là. La nuit et ses étoiles. La nuit et sa lune, reine d'argent, seule, si seule, dans le ciel.

Jamais il ne m'avait semblé connaître un calme si merveilleux, si parfait, si désolant... si cruel.
Le monde était suspendu, retenant son souffle pour te permettre de t'évader en grand fracas. Fracas dans mon coeur, dans mes veines, dans mon esprit. Un fracas magistral, assourdissant par son calme, et ta présence, ta présence invisible et si insoutenable, ressortait partout où tu n'étais pas. Dans le miroir, vide de ton reflet ; dans le lit, vide de ton corps ; dans le silence, vide de ton rire.
Vide, vide, vide.

Pourtant tu étais là. Partout. Ton parfum régnait en maître des lieux sur chaque tissus, chaque vêtement. Ton fichu pull trainait encore sur le fauteuil où je l'avais laissé ; et je me retrouvais là, à l'observer sans l'approcher, m'arrachant le coeur à le fixer, mais incapable de détourner les yeux. Je me revoyais encore dedans, et cela ramenait le sourire que tu avais quand je portais tes affaires. Ton sourire, tes yeux brillants, tes cheveux sombres dans les ténèbres de notre dernier souvenir. Cruel souvenir.

Toujours aucun bruit. Même mon coeur paraissait avoir cessé de battre. Il me semblait que le seul son qui pourrait me parvenir était celui de ta voix. Je ne voulais rien entendre d'autre que ta voix.
Cette même voix qui avait murmuré ces mots. Ceux qui m'empêchaient de dormir, ceux qui m'enlevaient la force de me lever, ceux qui effritaient ma joie.
Ceux qui servaient de cercueil à mon coeur, de moteur à ma tristesse, ceux que l'on retrouvait encore et encore dans mon carnet, ceux qui pulsaient dans ma tête, encore et encore ; dans une mélodie assourdissante, éffrenée, hystérique.
Ceux qui m'avaient laissée là, tremblante et désolée, à perdre haleine à force de sanglots, à respirer la pluie et les ténèbres, à attendre ton retour, désespérement.

Dans la semi-pénombre de ma chambre, que je partageai avec ton souvenir, j'attendais n'importe quoi, n'importe qui. Une flamme, une étoile, un cri, un message. Peu importait, juste quelque chose. Il me fallait quelque chose.
Quelque chose qui ne soit pas le silence, le vide et la solitude. Pitié, tout sauf la solitude.

Mais il n'y avait que moi, à présent. Au final, et ce, malgré toutes les promesses et les souvenirs, il n'y avait plus que moi.
Comme à chaque fois.

Est-ce que tu pensais à moi désormais ? Est-ce que tu souriais quand tu savais que tu allais me voir ? Même sans me parler, juste que nos rétines se capteraient durant un souffle. Est-ce que nos souvenirs te faisaient rire et mal en même temps ? Est-ce que, quand tu étais entouré de tous tes amis, tu te sentais tout de même vide ?

J'espérai, un peu à contre coeur, que tu étais heureux, maintenant libéré de moi. Il me fallait t'oublier, j'en avais bien conscience, sortir de cette vie de fantôme dans laquelle je m'étais perdue.

Un souffle de vent fit remuer les rideaux, et un instant, mes pensées s'arrêtèrent. J'avais oublié comment les étoiles étaient belles. Je me surpris à sourire, et un frisson me parcourut. Et ce n'était pas la faute du froid.

J'étais dans la nuit. Oui, c'était exactement cela. J'étais dans la nuit. Mon soleil était parti à l'autre bout de la terre. Il ne me restait plus qu'à apprendre à aimer les étoiles. Si son souvenir se fondait dans la lune, fantômes de nos jours ensoleillés, j'allai apprendre à sourire lors des nuits noires.
Et les lueurs de l'aurore finiraient par arriver.

Je serai seule à regarder le soleil se lever, cette fois-ci. Terriblement, effroyablement seule. Délicieusement seule.
Quand les lueurs de l'aurore finiraient par arriver.

Les lueurs de l'auroreWhere stories live. Discover now