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- Bennett... Pourquoi ça ne m'étonne plus ? soupira Barbara en s'approchant de son plus fidèle client.

- C'est pas grand-chose cette fois, promis ! rit ce dernier. Je suis juste tombé malade à cause de la pluie d'hier. T'aurais pas un remède ?

La blonde sourit et s'absenta quelques secondes, avant de revenir avec quelques fioles d'un liquide bleu presque translucide.

- Tiens, bois ça le matin, une seule par matin hein ! Ça devrait aller mieux assez rapidement.

Bennett la remercia, riant de sa propre maladresse lorsqu'il manqua de renverser les fioles par terre en trébuchant contre le coin d'un des bancs, et s'apprêta à sortir de la cathédrale pour rejoindre son ami mais hésita au dernier moment.

- Autre chose ? demanda la sainte en l'encourageant à parler.

- Euh... En fait, c'est juste...

C'était la première fois que Barbara voyait Bennett bégayer, et alors ça, pour une surprise... Elle ne sut pas quoi dire devant son visage gêné qui fuyait son regard et cherchait les mots adéquats à utiliser.

- Est-ce que... Quand un... En fait, c'est plutôt... Euh...

- Calme toi, d'abord, lui intima-t-elle en posant sa main sur son épaule. Respire, relax. Tu sais que tu peux tout me dire, pas vrai ?

Il lui adressa un sourire mi-rassuré, mi-gêné, et souffla en jouant nerveusement avec ses doigts.

- En fait, tu vois... Ça fait un moment que quelqu'un me... change ?

Barbara acquiesça, pas vraiment certaine de comprendre ce qu'il voulait dire mais ne voulut pas l'interrompre.

- Il... À chaque fois qu'il est là, je réagis différemment, comme si je ne contrôlais plus rien. Je perds complètement mes moyens, ça en devient ridicule. Et ça ne me fait ça qu'avec lui ! Avec d'autres personnes, bon, on peut pas dire que j'en côtoie beaucoup, mais quand je te parle, que tu me touches pour me soigner ou que tu me fais des câlins, ça ne me fait rien, mais avec lui... Avec lui, ça... Ça...

- Laisse moi deviner, le coupa-t-elle finalement, un sourire aux lèvres. Tes mains sont moites, ton cœur s'emballe, ta respiration se coupe, la tête te tourne, son contact t'électrise, tu bégayes et rougis sans raison et tes pensées sont contradictoire entre « je veux qu'il reste » et « je veux qu'il s'en aille » ?

- Exactement... souffla le blond en observant sa soignante comme si elle était devenue Barbatos. Comment... Comment t'as su ? Toi aussi, tu ressens ça pour quelqu'un ?

La blonde se mit à rire doucement, couvant du regard son ami désorienté.

- Tout le monde peut ressentir ça, Bennett. Et pour la simple et bonne raison que ces symptômes sont ceux d'une personne souffrant d'une terrible maladie.

Elle insista tellement sur le mot « terrible » que le blond en frissonna. Cette réaction fit rire la plus petite, qui s'en voulut un petit peu de l'avoir effrayé. Elle reprit son calme et lui sourit doucement, pour le rassurer.

- Tu es tombé amoureux.

Bennett en avala sa salive de travers. Il aurait pu s'attendre à n'importe quoi, un problème dans son corps, une maladie incurable, une autre malédiction même, à tout mais alors, vraiment, pas à ça.

- ... Quoi ?

- Cette personne dont tu parles, qui te fais perdre tes moyens. Tu en es tombé amoureux. Et ce n'est absolument pas grave, reprit-elle en voyant le visage de son ami se décomposer. C'est même merveilleux.

- Non ! Non, c'est pas merveilleux du tout ! Barbara, je ne peux pas tomber amoureux de quelqu'un. C'est impossible.

- Pourquoi ? demanda la blonde, ne comprenant pas vraiment cet élan négatif.

- Parce que... Parce que c'est mauvais pour lui. Je traîne déjà suffisamment avec lui comme ça, il est en danger chaque seconde où il se trouve à mes côtés. Imagine qu'en tombant amoureux de lui, ma malchance déteigne sur lui ? Il sera encore plus en danger, et ce sera de ma faute... Et puis je refuse d'être amoureux de lui, de toute façon je ne suis que son ami, donc il me rejetterait, et ça me briserait le cœur parce que c'est ce qui arrive quand quelqu'un qu'on aime nous rejette, non ? Parce que, soyons honnêtes, qui tomberait amoureux de moi, hein ? Qui aimerait passer le reste de sa vie à jouer avec la mort à mes côtés ? Sûrement pas lui.

- Ça, c'est peut-être à lui d'en décider, tu ne crois pas ?

- M-mais... Je peux pas...

La blonde soupira et croisa ses bras sur sa poitrine.

- Je suis certaine que tu ne sais pas si tu préfères qu'il te rejette ou qu'il ne te rejette pas. Probablement les deux. Et, écoute moi bien, c'est normal, d'accord ? Mais tu dois comprendre quelque chose, Bennett, c'est qu'on ne choisit pas de tomber amoureux. Et que l'amour, quoi que tu dises, c'est merveilleux. Parce que ça te rend faible et fort à la fois, parce que ça te tue mais ça te fait vivre. Tu as peur, et dans ton cas particulier je pense que j'arrive à comprendre pourquoi.

Elle marqua un temps d'hésitation, Bennett n'écoutait plus qu'elle.

- Mais tu ne dois pas rejeter tes sentiments pour cette raison. Tu as peur que ta malchance déteigne sur lui, mais qui te dit que ce n'est pas le contraire qui se produira ? Tu as peur qu'il te rejette et que tu aies le cœur brisé, mais qui te dit qu'il ne t'aime pas en retour ?

Il déglutit et observa le sol.

- L'amour c'est ça, Bennett. C'est un monde rempli d'incertitudes, effrayant parce que c'est un domaine inconnu. Mais ce n'est pas parce que tu as peur que tu dois te construire des barrières pour l'éviter. Parce qu'avoir peur, c'est normal. C'est humain.

Il hocha la tête, muet.

- Ne te reproche jamais d'aimer quelqu'un, Bennett. Jamais. Parce qu'avec toute la malchance du monde, tu mérites au moins ça.

La cathédrale était bien silencieuse. Le blond reporta son attention sur son amie, qui lui souriait, les bras grands ouverts. Il se précipita presque dans ses bras, retenant ses larmes. C'était trop de réflexion pour un être qui agissait plutôt que de réfléchir. Tout ça le travaillait trop, il avait besoin d'une pause. Peut-être que s'éloigner du gris lui permettrait de prendre du recul... Mais il n'en avait pas tellement envie.

- Merci, Barbara. Mais ça ne résout toujours pas mes inquiétudes...

- Je ne pense pas que ta malchance déteigne sur lui simplement si tu es amoureux de lui. À la limite, si c'était lui qui était amoureux de toi, ce serait déjà plus logique... Si tes sentiments sont réciproques, alors je ne sais pas ce qu'il se passera, mais je suis certaine qu'il restera à tes côtés, quoi qu'il arrive. Elle hésita. Dans le cas contraire... Seul le temps guérit ce genre de blessures. Mais s'il s'agit bien de la personne que j'ai en tête, je n'ai pas trop de soucis à me faire.

- À qui tu penses ? demanda le blond, étonné qu'elle ait pu trouver aussi facilement le nom de la personne qui le mettait dans tous ses états.

- À Razor, lui dit-elle dans un clin d'œil qui le fit rougir. Et à la vue de ta réaction, j'imagine que j'ai visé juste.

- Ne... Ne lui en parle pas, s'il te plaît...

- Évidemment que non, ne t'en fais pas. Ton secret est bien gardé. Même si je doute qu'il reste secret bien longtemps !

La blonde rit de sa propre remarque et de la gêne lisible sur les traits de son ami, puis l'accompagna dehors - chose qu'elle n'avait jamais faite encore - et observa le ciel.

- Souviens toi bien de ce que je t'ai dit, Bennett, lui dit-elle alors qu'il commençait à s'en aller. Tu as le droit d'être heureux. Et l'amour apporte généralement le bonheur que tout le monde recherche.

Acceptation [Rannett]Where stories live. Discover now