7. De grands malades

Začať od začiatku
                                    

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Plus tard, Laura s'effondra sur un siège de messe à l'assise éventrée. Elle devinait du mouvement du côté de l'empilement de statues, dans le transept gauche, mais ne chercha pas à attirer l'attention de son hôte. Lorsqu'Aaron reparut dans la nef, il poussa un cri de stupeur et bondit en arrière, manquant trébucher sur une marche du choeur.

— Désolée.

— Je vais te donner mon numéro de portable, histoire de m'éviter l'infarctus.

— J'aimerais ça.

Remis de ses émotions, il se laissa tomber à côté d'elle. Le pied de la chaise lâcha aussitôt, l'obligeant à se raccrocher à l'épaule de la jeune femme. Il se redressa en grommelant, attrapa le dossier du meuble traître et le balança vers l'autel dans un geste rageur. Laura croisa son regard et il rougit aussitôt.

— Pardon. Un peu de frustration à relâcher.

Il testa le siège suivant avant de s'y asseoir avec prudence. Contrairement aux deux premières fois, il ne portait pas sa soutane, mais un pantalon et un pull ajustés, noir de jais. Laura admira sa maîtrise de la lessive sombre, car leur couleur aspirait la lumière. Elle se demanda pourquoi il s'attifait de cette manière, col romain y compris, alors que l'église était fermée et les fidèles inexistants. Elle se promit de ne jamais poser la question.

— Dure journée ? demanda-t-elle plutôt.

— Des broutilles. Le curé de la paroisse de l'université prend sa pension et le poste m'est proposé. Ma mère me demande de songer à rentrer à Dunnes. Ce genre de choses.

— Tu es de Dunnes, alors ?

— Nous sommes venus vivre à New Tren quand j'avais quatorze ans. Ma mère a tenu six ans avant de repartir dans sa ville natale. Je suis resté.

Il haussa les épaules.

— Rien de grave. Elle me harcèle trois fois par semaine depuis... l'incident. Avant c'était une seule fois.

Un sourire revint sur ses traits fatigués.

— Une tasse de thé ?

— J'étais venue te donner un coup de main...

— Honnêtement, j'en ai ma dose.

— Tasse de thé, alors.

Il la précéda jusqu'au presbytère. Elle retrouva sa chaise – solide, celle-là – tandis qu'il mettait l'eau à chauffer. Le silence n'avait rien de désagréable, mais Laura se doutait que le prêtre n'aurait guère envie d'entendre parler d'autopsies. Elle avait plusieurs fois songé à interroger Ubis sur ce qui s'était produit dans l'église, mais il aurait posé des questions, et elle n'avait pas envie de lui dévoiler ce petit coin de tranquillité. D'autant que si elle finissait par en dire trop à Aaron, elle ne voulait pas qu'il se trouve mêlé aux répercussions désagréables qui ne manqueraient pas de survenir.

— J'ai croisé ton journaliste, dit-elle alors.

— Mon journaliste ?

Il revint vers la table et déposa deux sachets de papier devant elle. « Souffle du Dragon » annonçait le premier, « Infusion du Berger » titrait le second. Elle opta pour la bergamote et le citron du lézard fantastique : il n'était que dix-huit heures.

— Celui de l'émission sur les métiers étranges. J'étais effectivement dans sa liste.

Le jeune prêtre posa la théière entre eux puis le menton sur ses paumes ouvertes.

— Et alors ? Tu as succombé à son charme ?

Elle leva les yeux au ciel.

— Jamais de la vie.

Les affaires des autres (Laura Woodward - T1)Where stories live. Discover now