VERRECROCE - 5+1 (pdv Pierre)

1 - Un sentiment trop fort

         Pierre se tournait, et se retournait sans cesse dans son lit, incapable de trouver le sommeil. Il allait bientôt être trois heures du matin et il n'avait pas fermé l'œil un seul instant, c'était tout simplement impossible, son esprit le torturait. Il serrait fort entre ses bras un oreiller, il avait besoin de quelque chose contre lui pour remplacer ce qui lui manquait, ou plutôt celui qui lui manquait. Il repassait en boucle le tournage d'aujourd'hui, le concept de dire oui à tout pendant une journée. Il l'avait évidemment tourné avec Benjamin, et là était le problème. Il avait passé un excellent moment, ce n'était pas la question, mais il se souvenait très bien de la prise de catch qu'il n'avait pas pu s'empêcher de faire pour jouer avec lui et surtout le sentir contre lui. Il se remémorait très bien leur balade en scooter et son envie démesurée qu'il s'accroche à lui pour ne pas tomber. Mais non, Benjamin ne l'avait pas fait, et Pierre ne pouvait pas s'empêcher de se demander si c'était parce qu'il n'en avait pas eu besoin pour son équilibre, parce qu'il était pudique ou parce qu'il n'en avait eu aucune envie à cause du simple fait que c'était Pierre le conducteur. Pierre se posait sûrement trop de questions mais il ne pouvait pas s'en empêcher, c'était plus fort que lui. Ne pas savoir ce qu'il était vraiment pour son collègue était l'une des choses qui faisait le plus souffrir Pierre. Il avait parfois l'impression qu'ils étaient meilleurs amis tellement ils étaient connectés, et la seconde d'après il arrivait à se convaincre qu'ils n'étaient que très bon collègues. Il fallait croire que Pierre était très doué pour se faire mentalement mal tout seul. Et ce dont il se souvenait le plus fortement dans cette journée, ce qui le torturait le plus et qu'il n'arrivait pas à un seul instant d'arrêter d'y penser, c'était l'épisode de la peinture. Il avait déjà eu une vue non déplaisante sur Benjamin et son corps qu'il se retenait de reluquer à chaque fois qu'il voyait le brun. Mais surtout, Benjamin avait eu un comportement qui sortait de l'ordinaire, il avait poncé le 'surplus" comme il l'avait dit avec un rire un peu gêné. Pierre avait été électrifié à ce moment-là, et n'avait pas réussi à parler, ses pensées avaient été chamboulées. Il avait eu un frisson, et enfouit comme il était maintenant sous sa couette, il ne pouvait nier que ça lui avait fait de l'effet que Benjamin le touche ainsi, c'était tellement inattendu. Benjamin qui après l'avait aussi porté pour que Pierre puisse peindre le plafond au-dessus de la baignoire. Pierre se demandait sincèrement s'ils n'avaient pas saccagé le plafond de cette pauvre abonnée, ce qui était sûr c'est qu'il n'avait pas réussi à être très concentré sur sa mission de peintre.

         Pierre lâcha un long soupir et se retourna une millième fois, pour se positionner sur le dos et fixer son plafond de ses yeux grands ouverts. Il fallait qu'il se fasse une raison, il était fou amoureux de Benjamin. Il éprouvait à son égard un sentiment tellement fort qu'il se demandait s'il n'avait pas perdu la tête. Mais non, à chaque fois qu'il revoyait son meilleur collègue, il ne pouvait s'empêcher de l'admirer et de l'aimer encore plus. Cela faisait en vérité quelques mois que Pierre avait admis ses sentiments envers Benjamin, mais il s'était rassuré en se disant qu'il réussirait à les garder pour lui, ne rien dire pour conserver ce qui comptait sûrement le plus à ses yeux, sa relation avec Benjamin. Il ne pouvait pas se permettre de risquer de perdre son brun et il avait été facile pour lui de faire le choix d'aimer en silence plutôt que de risquer de voir Benjamin s'éloigner de lui. Sauf qu'il l'aimait de plus en plus chaque jour, comme si c'était encore possible, et c'était de plus en plus dur pour Pierre de vivre de cette façon, et ce serait mentir de dire qu'il ne souffrait pas de plus en plus souvent à cause de ce qu'il ressent.

         Pierre ferma de nouveau les yeux, tentant encore et encore de dormir. Mais l'image de Benjamin se présenta sous ses paupières, et il sourit malgré lui. Il le trouvait tellement beau, tellement parfait. Il se sentait tellement heureux de pouvoir le connaître personnellement, de l'avoir poussé à se lancer sur YouTube. Parfois il se demandait ce que ça aurait donné s'il n'avait pas incité Benjamin à ouvrir une chaîne. Il lui arrivait de se demander s'il n'aurait pas dû garder ce beau brun pour lui au lieu de le partager avec tant de monde. Mais il était extrêmement fier de Benjamin et de sa réussite. Et les tournages YouTube leur avaient permis de vivre des aventures incroyables, inoubliables, et ensembles. Sans tout cela, Pierre ne savait pas s'il aurait été aussi proche de Benjamin qu'aujourd'hui, il était évident que tout ce qu'ils avaient partagés les liaient, d'un lien fort et surtout unique. L'autre chose dont Pierre était persuadé, c'est que jamais il n'aurait fait toutes ces aventures avec une autre personne que Benjamin. C'était clairement le meilleur collègue qu'il pouvait avoir à ses yeux, il l'inspirait, lui donnait envie de trouver des concepts encore plus originaux les uns que les autres pour l'impressionner et voir l'estime que Benjamin pouvait lui porter dans ses yeux, il avait envie de l'emmener dormir dans des endroits encore plus extrêmes que les autres, il avait envie de passer des heures à regarder des vidéos réactions juste pour entendre son rire et recevoir ses frappes sur son épaule, il avait envie de passer sa vie à chercher un jeu de mot meilleur que ceux que lui sortait son ami pour qu'il soit fier de lui. Il avait envie de tout avec lui, et ça le rendait encore plus fou, fou amoureux.

         Alors, en pleine insomnie, Pierre se promit d'essayer quelque chose avec Benjamin, pas de lui avouer ses sentiments, mais d'essayer de se rapprocher de lui, pour lui faire comprendre ses sentiments sans l'effrayer ni le faire fuir, pour tenter de savoir si quelque chose était possible ou s'il fallait qu'il se force à se faire définitivement une raison.