Avant de fermer les yeux une dernière fois, j'envoie le message à Khalil. Le dernier.
Puis je me laisse aller.
***
Je me fais réveiller par une nouvelle piqûre.
Je gémis.
L'infirmière : « Ça devrait être la dernière »
On m'écarte les paupières pour y mettre la lumière d'une lampe. On la bouge de gauche à droite. Ça me fait mal aux yeux.
L'infirmière : « Ça va ? Vous respirez bien ? »
J'arrive pas à répondre, je suis super faible. Mais je parviens quand même à hocher la tête.
L'infirmière : « Oui, ça devrait aller maintenant. Je vais vous enlever le masque, je vais vous mettre des lunettes à la place »
Elle soulève ma tête pour m'enlever le masque à oxygène que j'avais, pour me mettre à la place des lunettes à oxygène.
Elle est si peu douce.
L'infirmière : « Quelle idée franchement »
Elle souffle.
L'infirmière : « Après je veux pas juger mais vous êtes tellement jeune. Vous avez toute la vie devant vous ! Moi qu'est-ce que j'aimerais revenir à votre âge ! »
Et c'est reparti. À chaque fois qu'elle vient, c'est le même discours. C'est la troisième fois que j'entends ça.
L'infirmière : « Et puis vous savez, vous allez faire des problèmes aux collègues d'en haut hein »
Ah, innovateur cette nouvelle façon de me faire culpabiliser.
L'infirmière : « Ben oui, vous leur avez gâché tout leur stock d'opiacés ! Elles vont pas pouvoir en recevoir avant la fin de la semaine. M'enfin bref. Je suppose que vous vous en fichez pas mal hein. Après avoir fait un acte égoïste comme ça, vous vous en fichez pas mal des conséquences pour les autres, c'est sûr »
Et puis elle se tourne vers le monitoring comme si de rien était.
J'avoue être choquée de sa part et de ses propos. C'est bien la première fois qu'un personnel soignant s'adresse à moi de cette manière. Avec une antipathie aussi calme.
Et puis sa manière de travailler est spéciale aussi. Elle ne me prévient pas des soins, comme là, je me fais encore une fois réveiller par une piqûre sans que l'on me prévienne qu'on va me la faire et sans même que je sache de quoi il s'agit. En plus, j'ai supposé qu'elle était l'infirmière mais ce n'est qu'une supposition vu qu'elle ne s'est pas présentée, et elle ne m'a pas non plus dit où est ce que je me trouvais. Mais j'ai fini par comprendre que je ne suis pas dans le service où j'étais avant.
Bref, j'aurais préféré réussir.
Comme d'habitude, j'ai honte, honte de pas avoir réussi.
Je vais encore une fois devoir regarder les gens que j'aime souffrir devant mes yeux. C'est lâche mais au moins si j'avais réussi, j'aurais pas eu à voir ça. Je vais devoir affronter leurs regards pleins de peine et de haine. Je me rassure comme je peux en me disant que ce sera simplement ceux de Camélia et Hawa, que je ferais souffrir que deux personnes, pas plus.
J'ai subitement la nausée, j'attrape le contenant que l'on m'a amené exprès et je vomis dedans. Encore.
L'infirmière : « Ah ben oui. C'est comme ça hein »
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