Chapitre 1 - La pause-repas

40 4 7
                                    


Salle 2 klass

Enfin, la sonnerie se fait entendre. Soulagé, je me lève, prends mes affaires d'une main et quitte la salle dans laquelle s'élève déjà un joyeux brouhaha. Il est midi, c'est la pause. Les autres élèves se dirigent en direction de la cafétéria. Moi, je tourne dans le couloir opposé et rejoins la cour ensoleillée, que personne ne pollue encore de sa présence.

Déjà en arrivant en classe, je ne pensais qu'à elle. Pendant les cours, alors que mon ventre grondait famine et mon cœur criait au réconfort, elle obsédait mes pensées telle une douceur salvatrice. Je foule le sol terreux en direction du banc solitaire, loin du monde, sous un platane épanoui. Je me laisse tomber sur les planches vertes, dont la peinture très fraîche luit encore, et pose mon sac à mes pieds.

Après avoir ratissé les lieux de mon œil de rapace, certain d'être seul, je tire la fermeture éclair et cherche mon aimée, ma promise, le soleil de mes jours, quelque part dans les tréfonds de ce sac. Je pousse un bâton de dynamite, fouille entre les chaussettes sales de Nagisa, me bats avec le vieux plat de choucroute mutant du mois dernier et attrape enfin une petite briquette rosée, bien cachée dans une double poche.

Finalement, je m'adosse au banc dans un léger spouitch dut à la peinture fraîche et tire la paille hors de son sachet plastique. Je jette ce dernier par terre comme s'il était mon petit frère et déplie délicatement ma paille. J'admire sa finesse et sa douce courbe tout en la plantant dans le fin opercule qui me sépare de ma chère et tendre. Je ferme les yeux, porte la paille à mes lèvres et aspire ma boisson avec langueur.

Là, l'extase.

Un goût fruité se répand dans ma bouche, glissant sur ma langue et envahissant mon palais. Je savoure chaque goutte, chacune de ces perles sucrées portant ces sublimes notes de douceur, d'exquise acidité, ce délice infini qui s'offre gracieusement à moi comme les desserts de mon petit frère.

- Hé, Karma !

Avec un grognement, je rouvre les yeux. Je déteste, non, je hais être interrompu alors que je prends mon pied avec mon lait à la fraise. À quelques mètres de moi, je vois Nagisa accourir, ses couettes bleues suivant le rythme de ses pas. Bon sang, qu'est-ce qu'il me veut, le maigrichon ? N'a-t-il toujours point compris que mon strawberry milk moment, c'est du sacré ? Ça y est, je sens ma mauvaise humeur refaire surface.

- Quoi, kesta ? fis-je dans un long soupir, cherchant à lui signifier méchamment combien il m'importune.

- Je voulais te demander...

Il remarque alors ma briquette entamée, et semble réaliser son arrivée indésirée. Il devient rouge de honte, ce qui jure particulièrement avec ses cheveux bleus, et se met à balbutier tel un personnage d'histoire, car personne ne parle ainsi en réalité.

- O-Oh, pardon ! J-J-J-J-J-J-J-J-JeeeeeeeeeEeEeEeee n'avais pas vu que tu avais ton strawberry milk moment ! Pardon, je suis désolé, je n'aurais pas dû venir sans faire attention, je suis embêté...

Pour rester poli, tu m'embêtes aussi, le schtroumpf.

- Bon, abrège, kestuvoulé ? dis-je avec hâte, serrant ma briquette dans ma main.

Oh, elle est si douc-

- Je voulais simplement te demander si tu voulais venir manger avec moi...

Eh bah non. Hé, hé ! Casse-toi, je suis déjà pris par une bombe fruitée !

- Hm, ça ira. Bon app'.

Comprenant mon désir de mettre fin à cette conversation ennuyante et retourner à mon extase sensorielle, Nagisa acquiesce rapidement et retourne en courant sur les mains dans le bâtiment non loin. Je soupire, soulagé, et retourne à mon moment de calme et de plaisir pur et simple.

Je ramène la paille à mes lèvres, et retrouve bien vite ce délice onctueux. Je déglutis avec langueur, aux anges, envoûté par ce breuvage subtile qui comble si bien l'espace entre ma glotte et mes incisives.

Non... décidément, aucun plaisir ne peut égaler celui que me procure chaque briquette de lait à la fraise. Ni celui de manger un toast beurré, ni celui de caresser ma tarentule, ni celui de tabasser mon petit frère, ni celui de descendre les escaliers sur les fesses, et encore moins celui de faire boire du canard W.C à son insu à Asano.

Après de longues minutes de silence, de délicieuses minutes dues à cette magnifique briquette de lait à la fraise, je sens les dernières gouttes glisser au fin fond de ma gorge. C'est déjà terminé, hélas ! bien trop vite, comme chaque fois. Après avoir fait SLUUURPBOEJZHJBEJKP afin de récupérer chaque infime goutte restante, je me relève, ramasse mon sac traînant au sol et me dirige vers le parking adjacent.

Je vais déambuler un instant parmi les voitures, l'air de rien, puis donne un grand coup de pied dans la porte de la limousine du directeur. Je l'ouvre ensuite sans mal, voyant les gonds défoncés, et m'installe au volant. Je sens la peinture collée à mes vêtements s'étaler sur les luxueux sièges de cuir véritable. Of course, les clefs sont en place. Bien entendu. Je fais donc démarrer la voiture, puis quitte le parking et m'engage sur la route dégagée.


Une heure plus tard, je suis à une station-service, garé à côté des pompes à essence. Je sors en laissant le moteur allumé, m'allume une clope et sors mon portable afin d'appeler Nagisa.

- Karma, tu fais bien de m'appeler ! me hèle cet individu depuis le téléphone. Tu sèches les cours ou quoi ?

- Ouais, c'est un truc de bad boy sexy et badass, tu peux pas comprendre.

- Quoi ?

- Bon, je te laisse, j'ai autre chose à faire. Au fait, tu me dois cinquante balles pour le dernier resto, commence à économiser, clochard.

- Qu-

Je raccroche, déjà saoulé par cet imbécile sans culture aucune qui ne me doit rien du tout, et sors une pompe de diesel. J'attrape ma briquette de lait à la fraise vide, puis la remplit et la place dans le réservoir ouvert. J'y introduis ensuite mon bâton de dynamite, y mets feu à l'aide de ma cigarette et pars en courant avec un grand rire maléfique.

Haha ! Elle croyait s'en tirer ainsi, cette sale brique ? Ne jamais me laisser sur ma faim, cocotte, jamais ! Ça t'apprendra à me contenter à l'avenir, BOUFFONNE !!


BLAAAAAAAAAAM.

Une romance acidulée - Karma x Lait à la fraiseWhere stories live. Discover now