3 - Samedi

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Kevin portait bien les surnoms que lui donnait Michel. Si Dipper hésita un peu à approuver, le sentiment disparut au fil de la journée. Il avait la gueule, la démarche et le ton d'un petit merdeux. Mais, et il fallait lui donner cet honneur, il bossait incroyablement vite et bien. Il était compétent, et le nouveau ne doutait pas qu'il était gardé pour ça, et pas pour son amabilité. Il était au fourneau, pas à la vente. Les salles gueules, ça s'accepte mieux ici. Et même s'il pouvait être agressif, Dipper comprenait qu'avec son fort caractère, et celui du responsable, ça ne pouvait sans doute que clasher entre eux, et qu'il pouvait autant s'agir d'une mauvaise habitude que d'une défense. 

Sa jumelle avait été comme ça, fut un temps, avant d'apprendre à gérer ça pour mieux manipuler. Face aux autres et aux critiques, lui n'avait qu'appris à fuir. A fuir, et à faire des pâtisseries. 

Il ne serait (sans doute) pas différent ici, il le savait. Il l'avait bien compris quand Kévin avait tout de suite râlé en le voyant hésiter devant les étagères. Une partie de lui avait voulu s'excuser, et il l'avait fait la première fois. Parce que le nouveau était un boulet. Mais c'était normal, puisqu'il était nouveau. Et quand bien même, qu'est-ce que ça pouvait bien foutre qu'il perde 10 secondes à regarder les étagères ? Tant qu'il faisait ce qu'on lui demandait, au final, ça ne poserait pas de soucis. 

Il n'était pas venu volontairement ici, on l'avait appelé. Pour les aider. 

Alors merde. 


Le premier jour, il avait été en retard sur son boulot ; Kévin l'avait aidé, en grognant bien fort, bien sûr. Mais c'était un retard qu'ils avaient prévu. En début d'après-midi, juste avant de préparer les bases pour le lendemain, ils refirent un tour du labo. Où les choses étaient rangées, dans quelle logique. Demain, il devait pouvoir fonctionner à peu près seul. 

Et il y parvint, à peu près. Quelques minutes de retard au final sur son planning, rien de grave. 

- Par contre, samedi matin, tu seras complètement seul. 

Dipper se figea, et demanda une explication. C'était un peu brutal comme annonce, non ?

- Le petit merdeux et moi-même auront une commande particulière à finaliser. T'auras ta liste, comme tous les jours, sauf que tu devras suivre l'ordre, et envoyer au magasin au fur et à mesure. 

Il hôcha la tête. Ca ne semblait pas bien compliqué, mais il savait qu'il allait devoir courir. Dur comme projet pour le troisième jour. Mais il s'en sentait capable. Michel ne faisait pas beaucoup de commentaire depuis ses débuts, mais les remarques de Kévin étaient étrangement motivantes. Un agressif qui ne savait s'exprimer, ça aurait presque été mignon s'il n'avait pas été insulté pendant deux jours à temps plein, et qu'il lui restait trois semaines encore. 


La journée du samedi démarra. Il avait sa liste. Il la suivit religieusement, prépara, envoya, dans l'ordre indiqué. Avec du retard. Les vendeuses le réprimandèrent dès les premiers retards constatés, puis finirent par s'en abstenir. Le temps demandés et exécutés ne se creusaient pas trop, et à ce point, ça ne servait à rien de remuer le couteau dans la plaie, en plus de lui faire perdre du temps à lui. 

Une main se posa sur son épaule ; il bondit. Le rire tonitruant de Michel le rassura autant qu'il l'assourdit.

- Alors, le bleu, cette matinée ?

- Ca... ça va... En retard, quoi. 

- Evidemment !

Il attrapa la feuille et consulta les temps. Dipper en profita pour terminer ses dernières pâtisseries en jetant un coup d'oeil à l'heure. Treize heure vingt-sept. 

- Quarante minutes de retard ? c'est pas beau, ça. 

Le nouveau grogna, tirant à l'autre un nouveau rire. 

- Bah, fais pas la tête, on s'attendait à pire !! J'étais prêt à t'envoyer l'autre p'tit con à tout instant si les filles descendaient pour râler plus fort que les machines !! Elles ont gueulé, pas vrai ? 

- Ouais, dès le début, soupira-t-il en se redressant et posant sur le côté sa poche à douille vide. 

- Elles font leur taff', t'inquiète pas. Elles savaient que c'était toi qui les ravitaillerais, elles avaient prévu. Elles ont l'habitude de nos conneries, haha ! 

Dipper se sentit un peu moins mal en envoyant la dernière plaque de pâtisserie par le monte-charge. De toute évidence, il ne s'était pas autant planté qu'il le pensait. Il inspira profondément. Il avait fini cette matinée infernale. La main de Michel s'abattit dans un claquement étouffé sur son dos, et l'ordre d'aller manger et prendre sa pause retentit. Il l'avait bien mérité après tout. Il ne se fit pas prier, et disparut bien vite du labo pour les trente minutes suivantes. Son déjeuner avalé dans l'air frais de la salle de pause, il revint, le pas un peu trainant sur son lieu de travail. 

- Kév' n'est pas là ? 

- Nan, ce bâtard s'est déjà barré. 

Oh ok. De toute évidence, Michel avait l'habitude, et ne lui en tenait pas rigueur. Sans doute parce qu'il avait son mot à dire sur les horaires réellement effectués, et sur la paie finale. 

- On prépare pour lundi maintenant ? 

- Non, tu vas me nettoyer ton plan de travail. Et bien !!

Ah ouais. Il avait tellement faim tout à l'heure que ça lui était complètement sorti de l'esprit de faire ça. Ca prenait du temps. Surtout parce qu'il était bordélique dans son travail, mal organisé encore, et toujours à moitié perdu quand il devait préparer. A l'inverse, son ménage était niquel, et il le savait, irréprochable. Si ce n'était pour le temps qu'il y passait. Michel l'interrompit à quelques reprises pour ranger quelques préparations dans ses frigos, brefs instants où il hôcha la tête, approuvant de ce ménage efficace. Mais trop lent ; ouais, Dipper savait, c'est bon, il avait compris le message. 

Il ne participa pas aux préparations. Il avait son début de soirée et son dimanche pour se reposer. Ca faisait trois jours de boulot, et il n'en pouvait plus. Il passa son repos à se préparer pour la semaine à venir, et à dormir. Dans son petit appartement, il avait songé que cet état rudimentaire dans lequel il vivait ne serait qu'un court instant de sa vie. Finalement, non. Il avait juste besoin de son lit. Et après un boulot crevant comme ces trois derniers jours, Dieu qu'il l'aimait son lit ! 




[Gravity Falls] Mafia AU / Billdip shipWhere stories live. Discover now