Decision

Je dois faire quelque chose avant.

Je suis arrivée en avance. Ça fait quinze minutes que je suis à table, juste pour vérifier que tout soit parfait. Le vin préféré de mon père est commandé, les serviettes sont droites, et l'emplacement est correct. Et surtout, Henry ne dira rien. Il me l'a dit quand je suis arrivé.

Je vois mes parents au loin. Je me lève pour leur faire signe et ils s'approchent de moi. Le stress me fait mal au ventre.

"Maman, papa..." dis-je en m'essuyant les mains

Mon père me regarde et sourit un peu.

"Auxane, je suis content de te voir."

"Moi aussi."

On s'assoit autour de la table qui est ronde. Un premier serveur vient nous apporter les cartes. Je me suis également mis d'accord avec Henry sur le fait qu'il ne devait pas s'occuper de notre table, comme ça il n'aura pas à mentir.

"Alors... Comment allez-vous tous les deux?" dis-je

Le moment est plutôt agréable, mon père me raconte que lui et ses associés travaillent sur un nouveau projet architectural. Je suis surprise d'apprendre également qu'il compte recontacter Mike, mon frère. Il n'était pas venu à son mariage et il semble s'en vouloir.

"Assez parlé de moi. Auxane... Je sais que je n'étais pas d'accord pour ton université. Mais sache que je... Je vais te soutenir. Je vais te laisser l'accès à ton compte bancaire, car c'est ce que toi et Mike méritez."

Je fais de grands yeux, choqué. Ce n'est pas le style de mon père de faire un truc pareil... Après, peut-être qu'être resté loin de ses enfants l'a fait réfléchir.

"Je crois qu'il faut fêter ça" dit ma mère en faisant signe au serveur qui semble assez occupé.

Elle décide de faire signe à Henry au comptoir.

"Appelle notre serveur" dis-je

"Il est occupé... Oh, et c'est lui ton camarade de classe!" dit-elle

"Un camarade de classe?" dit mon père

Henry s'approche et j'évite son regard.

"En quoi puis-je vous aider?" dit Henry

"Nous aimerions avoir une bouteille de champagne s'il vous plaît, nous fêtons la réconciliation et ma profonde fierté pour ma fille." réponds mon père

Henry les regarde longuement et mon stress monte.

"T'es sourd?" dis-je en avortant le silence

"Enfin Auxane ne soit pas si agressive." dit ma mère

"Ma femme m'a dis que vous etiez dans la même classe que ma fille?" dit mon père

Je tape du pied et commence à me ronger un ongle.

"Je suis en deuxième année." dit-il simplement.

Sa façon de parler est bien trop étrange. Ils vont se douter qu'il y a un os.

"Et dites-moi, est-ce qu'elle est toujours la fille olympique que son papa a élevée?" dit mon père en souriant.

Henry me regarde. Je le supplie des yeux. Ne me fais pas ça.

"Je n'en sais rien, parce que votre fille n'est plus à la L.A.I. Elle n'a pas réussi l'examen pour passer en deuxième année."

Et merde.

"Auxane, qu'est-ce qu'il raconte" dit ma mère.

"Henry est un grand blagueur! Va chercher cette foutue bouteille" dis-je en le regardant

"Ça ne sert plus à rien de mentir." dit Henry

"Auxane!" dit ma mère en élevant le ton.

"Dit lui Auxane."

Je vois le choc dans les yeux de mes parents. Il est trop tard. Mon cœur s'accélère et je prends une inspiration.

"Je n'ai pas passé la deuxième année et ils ne m'ont pas fait redoubler. Ils m'ont simplement mis à la porte" dis-je

"Tu nous mens depuis DES MOIS!" dit ma mère

Son visage traduit la déception, la colère et la honte. Mon père lui prend la main.

"Calme toi chéri." dit-il "Il reste une solution... Harvard. J'ai mes contacts, tu peux rentrer là-bas sans problème et suivre ce qu'on avait prévu.

"Non." dis-je du tac au tac.

"Non? Pourquoi non!" dit mon père

"Parce que c'est ce que toi tu avais prévu! Pas moi! Je veux accomplir mon rêve, et je ne peux pas faire semblant d'en avoir un autre."

"C'est ridicule Auxane! Quand tu étais partie avec ce voyou pour faire des études inutiles, je t'excusais pour ton jeune âge! Mais la vérité, c'est que tu es toujours cette gamine insensée de dix-sept ans!" dit-il en haussant le ton

Je me lève en prenant appuie de mes mains sur la table.

"Non, toi tu es toujours le même manipulateur narcissique qui veut tout contrôler. Mais devine quoi? Tu ne peux pas me contrôler. Et tu ne le pourras jamais. Ni moi, ni Mike."

"Je regrette tellement d'être venu." me dit-il, l'air dégoûté.

"Et moi, je n'en ai rien à faire." dis-je en partant, laissant ma mère et mon père.

J'ai des larmes qui montent, mais je les retiens. Je dois faire quelque chose avant.

Je pousse la porte qui mène aux vestiaires des employées.