1 - Nouvelle vie

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Il s'était barré. En-fin. Pour de vrai. Claqué la porte, plus de menaces en l'air, c'était pas du vent cette fois. Il avait son appart, à lui, rien qu'à lui, dont personne dans sa famille ne connaissait l'adresse. Son coin, son nid, sa chambre, son chez lui. Loin de tout ce qu'il voulait fuir, et au seuil de sa nouvelle vie. Une vie qu'il conduirait de lui-même.

Dieu que c'était bon. 


Son appart. Un studio, pourri, petit, humide et un peu sombre. Il ne resterait pas, il le savait. Mais là, tout de suite, c'était ce dont il avait besoin. Il se posa sur le matelas qu'il avait acheté pour une bouchée de pain quelques jours plus tôt, et qu'il avait laissé à même le sol. Pas qu'il ait de sommier ou de vrai lit, de toute manière. Est-ce qu'il en avait quelque chose à foutre ? Absolument pas. Il verrait ça plus tard. Il avait un matelas, une couette, des vêtements, de l'eau, du chauffage, et- bon pas de bouffe. Il en avait pas encore acheté de ça tiens. Il verrait ça demain ; il était tard, et lui était juste crevé. 

Ce soir, il venait de faire ses adieux à sa famille. Une famille oppressante, trop exigeante. Son seul petit regret, c'était d'avoir laissé sa soeur jumelle là-bas. Mais d'un autre côté, elle était l'ainée. Beaucoup plus surveillée, et beaucoup plus compétente que lui. Dans quelques années, ce serait elle la tête de la famille. Il le savait : elle avait hâte. Toute la famille avait hâte. Les oncles, les parents, les partenaires, tous. Elle avait la tête sur les épaules, elle était droite, elle était juste, elle était stricte, et on en passe. Le nez en l'air, il pouffa. Il était son portrait craché et son exact opposé. Peut-être, dans un meilleur monde, il aurait eut une enfance normale. Il aurait passé plus de temps avec elle, ils auraient été inséparables. Pas ici. Il était parti sans laisser un mot. D'un autre côté, il douta qu'ils seraient surpris. Est-ce qu'ils le chercheraient ? Sans doute oui, c'était un héritier, après tout, mais pas avec de grands moyens. C'est à peine s'il avait discuté avec sa soeur ces derniers mois. Fut un temps où ils rêvaient de gérer ça à deux. Mais elle était l'ainée, et il était trop rêveur. Trop déconcentré. Trop utopique. Il voulait devenir pâtissier. Parce qu'il le pouvait. Dans une vraie pâtisserie, pas une fausse qui servirait de façade. Non, une vraie. Pas forcément une grande, et il n'aurait pas à être le patron, mais il voulait juste... 

Il soupira. 

Qu'est-ce qu'il voulait ? Il ne savait pas trop. 

Il était parti en pâtisserie malgré les 'recommandations' et les menaces de la famille. A l'époque, c'était juste pour faire chier le monde. Il était resté. C'était marrant. Est-ce qu'il y ferait sa vie ? Probablement pas. Comme pour l'appart. Il finirait par changer. Par découvrir autre chose. Se plaire ailleurs. Ca faisait vingt-deux ans qu'on lui dictait ce qu'il devait aimer, ce qu'il devait condamner, il mettrait un peu de temps à savoir ce qu'il voulait. 

En attendant, et parce qu'un appart, même un deux pièce miteux, ne se paye pas tout seul, il s'était trouvé un taff. Enfin, non. Il avait juste décroché l'entretien d'embauche. Il avait hâte. C'était pour demain. L'homme avec qui il avait déjà put échanger avait l'air sympathique. Un certain Steven. C'est comme ça qu'on lui avait dit de l'appeler. Il ne doutait pas que l'entretien se passerait bien avec lui. 


- Hm ? Ah, l'entretien! oui, Steven m'en a parlé. Par ici, je vous prie. 

Le vendeur lui ouvrit l'accès derrière le comptoir, et le mena dans l'arrière boutique, et l'invita à entrer dans un petit bureau sobrement décoré, et à s'installer dans un des fauteuils. 

- Vous êtes... Dipper Wright, c'est ça ? 

- Oui. 

Ce n'était pas un mensonge. C'était le nom de famille de sa mère, et son surnom. Même si techniquement, il n'avait pas le droit légalement de les utiliser. Il ferait avec. L'homme acquiesça et s'assit face à lui, un fin sourire aux lèvres.  

- Le directeur de la boutique, Steven, n'est pas disponible aujourd'hui, alors je le remplace. 

Dipper sentit son estomac se nouer. Cet homme en face de lui le faisait frémir. Il ressemblait à un requin. Trop charmant, le regard trop brillant, le sourire trop fin. Ca se voulait parfait, mais ça ne faisait que le mettre mal à l'aise. Et dans le monde des affaires, il se doutait qu'ils étaient nombreux, des hommes comme lui. Quoique, le type était vendeur. Peut-être était-il le sous-directeur de la boutique. Il n'osa pas demander. Il savait que les requins n'étaient pas dangereux en soi, mais il n'allait pas non plus provoquer la rencontre ou la morsure. C'était pareil ici. Est-ce que le vendeur/sous-directeur sentait son anxiété ? A ses mots, il n'en douta guère. 

- Mais vous ne me verrez pas souvent par ici, sourit-il tendrement en déposant entre eux le cv et la lettre de motivation de Dipper. Et si nous commencions cet entretien ?


Le jeune homme devait lui reconnaître une chose. Le Vendeur (il décida de s'entêter à le désigner comme ça) n'avait finalement pas l'air aussi sadique et vicieux qu'il en donnait l'air. Peut-être qu'il n'était pas à l'aise à faire des entretiens, mais sa façade s'était peu à peu effritée. Tout en restant professionnel, bien entendu. Ou peut-être que le sentiment positif venait du fait qu'il avait été accepté. Il avait eu droit à une visite des lieux, à rencontrer les deux vendeuses, deux jeunes femmes très gentilles, peut-être plus vieilles que lui de quelques années ; puis, dans le labo de pâtisserie, deux autres nouveaux collègues.

- Ils vous formeront dès lundi, et pendant une semaine. Cette boutique a rarement affaire à des commandes particulières, donc le travail ici est assez ... 'répétitif' d'une semaine sur l'autre, parfait pour apprendre les bases et le rythme. 

L'un des pâtissiers se mêla à la conversation. 

- En fait, c'est Ludwig qui te formera, c'est le chef ici bas. Il est en repos aujourd'hui, mais tu verras lundi. Si y'a problèmes ici, c'est lui qui gère. 

- Et quand il n'est pas là ? demanda Dipper. 

Les deux pâtissiers gloussèrent. 

- Pile ou face à celui qui devra gérer les emmer- les problèmes, et faire le rapport à Steven !

- Avec Ludwig on a tous les trois autant d'expériences. Y'a l'a quatrième qui est plus jeune, mais c'est bientôt la fin de son contrat, donc on fera pareil avec toi. Ce sera jamais à toi de régler les problèmes ! 

Dipper hôcha la tête, soulagé que ce fardeau n'ait pas à lui tomber sur les épaules.


Quelques questions et précisions plus tard, l'homme et Dipper étaient remontés des parties cuisine, et retournaient dans le bureau, pour signer le contrat. Il serait en essai pendant une semaine. Après, ce serait définitif.

- Je dois juste ajouter quelque chose avant d'en finir. (Il semblait embêté avec ça.) Il se peut qu'on vous demande de venir sur un site différent.

- Un ... "site différent" ? 

- Dans une autre boutique. Si on manque trop de personnel, ou pour je ne sais quelle autre raison, on peut vous demander de vous rendre sur un autre site. Est-ce que cela vous en avez la possibilité déjà ? Comptant que vous serez dédommagé pour le déplacement et le dérangement. Et qu'on soit bien d'accord, ce serait en de rares occasions. Ca ne fait plaisir à personne de dépêcher quelqu'un d'urgence. 

- Dans une certaine mesure, oui.

Comme le Vendeur acquiesçait et n'ajouta rien de plus, il signa. 

- Ca arrive souvent ?

Il Vendeur grimaça. 

- On a ... quelques soucis avec la boutique du nord... On a beaucoup plus de grosses commandes compliquées. Ce qui demande un personnel avec des formations et des qualités plus poussées... Et ce genre de perles rares ne se trouvent pas partout, alors en crise il nous faut faire avec les perles des boutiques voisines. 

Dipper hocha la tête, et, après quelques minutes, de derniers conseils et règles, de remerciements, de formulations de politesse, il quitta la pâtisserie, un nouvel emploi en poche. 

L'assurance que sa nouvelle vie commençait bel et bien.


[Gravity Falls] Mafia AU / Billdip shipOù les histoires vivent. Découvrez maintenant