Chapitre 4

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-Comment tu veux qu'on fasse ça ? a demandé Graham pendant qu'on faisait le trajet hôtel-entrée du parc.
La question m'a laissé perplexe. Je ne savais même pas comment on aller trouver un Blumenfeld II. Comment on l'avait trouvé la dernière fois ?
-Peut-être qu'il faut trouver des cartes du parc.
Graham sort un dépliant de son sac et me le tend. Je prends la carte et l'ouvre.
Ce parc est sacrément grand, quand même. Ethan pouvait être n'importe où. Je me suis dirigée vers un banc, sur lequel j'ai étalé la carte et ai sorti un stylo.
-D'accord, ai-je commencé. On cherche un endroit ouvert. Donc pas d'attraction fermée.
Je trace de grands traits sur les endroits qu'on peut déjà exclure. Il faut exclure aussi les endroits où on ne penserait pas automatique à passer, comme ceux fermés au public (quoique, maintenant), ou en-dessous d'autres attractions, comme par exemple au pied des montagnes russes.
Ça laissait tout un périmètre du vide de l'endroit, qui était un parc à ciel ouvert, et la grande allée principale où j'étais censée retrouver Ethan hier.
-On a qu'a commencer par l'allée et de là partir au parc si on trouve rien.
Graham a haussé les épaules.
-C'est toi le cerveau.
Non, ce n'était pas moi le cerveau ; c'était Esther. Mais je n'ai pas fait de remarque, j'ai simplement replié la carte, et on est parti pour monter l'allée, qui était relativement vide par rapport au reste du parc. J'avais l'impression que tout le monde était parti entre le moment où Graham m'avait fait comprendre le gros problème, et ce moment-là.
Graham et moi avons descendu l'allée principale du parc, frappés par l'ambiance qui y régnait. Rien ne bougeait, excepté nous. Au bout d'une trentaine de secondes de marche, je me suis arrêtée, ai gloussé et ai passé ma main valide sur mon visage pour me calmer ;
-Je suis désolée, c'est juste que...
C'est juste que la situation me rendait atrocement nerveuse.
-T'excuse pas, a-t-il dit, non pas d'une voix rassurante, mais d'une voix agacée.
Je me suis souvenue qu'il ne supportait pas les gens qui s'excusaient. Je ne savais toujours pas pourquoi, mais peut-être que si on se retrouvait à traîner ensemble, je pourrais avoir des explications.
On a repris notre marche jusqu'à la place, en silence.
La place était circulaire, le sol fait de pavés de couleurs pastels, cerclée de magasins de confiseries, de goodies du parc et de t-shirt aux motifs criards. Et le tout était vide. Parfaitement vide. Ethan n'était pas là.
-J'en ai marre, là.
Je l'ai regardé sortir son portable sans rien dire. Il a essayé de se connecter à tous les réseaux disponibles, sans succès, puis d'appeler un numéro au hasard dans son carnet d'adresse.
-Il n'y a pas de réseau, ai-je signalé avant que la première sonnerie retentisse.
-Puisque t'as le troisième œil, tu veux pas me dire où est passé ton petit ami ?
La réplique était bourrée de méchanceté, comme Graham, et m'a prise au dépourvu. J'ai respiré profondément et me suis retournée vers lui, la main dans la poche. Il conservait le téléphone collé à son oreille.
-Tu ne vas pas t'excuser, je présume ? Ai-je fait.
-Non.
J'allais lui poser une autre question lorsqu'un bruit terrible a commencé à se faire entendre ; les fenêtres des bâtiments s'ouvraient, les gens descendaient dans les rues et criaient, hurlaient. Je me suis figée pour comprendre ce qu'ils hurlaient ;
-À mort !
J'ai échangé un regard avec Graham, et d'un commun accord, nous sommes entrés dans la boutique la plus proche. Après être passés derrière le comptoir, on a trouvé les escaliers pour l'étage supérieur et nous nous sommes placés aux fenêtres d'un salon. De là, on voyait toute la place, et elle était déjà bondée. Les endroits se remplissaient et se vidaient vite, ici.
Les gens s'écartèrent soudainement pour laisser de la place à quelqu'un.
Ce quelqu'un était un garçon de notre âge, grand, massif et avait les cheveux bruns. Il traînait une fille en la tenant par sa queue de cheval blonde. J'ai vérifié deux fois, mais c'était bien elle ; c'était Melanie, et son cou d'une taille anormale.
-Merde ! Ai-je dit en frappant contre les montants de la fenêtre.
Graham m'a saisie par le bras pour me retenir quand j'ai voulu y aller.
-T'as rien entendu ? "À mort".
-Je m'en fiche, il faut que j'aille l'aider !
-Tu l'aideras pas en te faisant défoncer par cette bande de cons.
Il avait raison, finalement. Je me suis replacée pour voir la scène et attendre le bon moment pour intervenir.
Le type flanqua plusieurs coups à Melanie, dans le ventre et la mâchoire surtout, sur les acclamations de la foule. Quelle bande de débiles. Après bien l'avoir humiliée, il l'a empoignée par l'avant-bras et l'a forcée à se relever. Elle s'exécuta, désorientée. Je devais aller l'aider.
-Attends encore, a dit Graham en me voyant tiquer. Elle a des pouvoirs ou pas ?
-Peut-être, mais elle ne peut pas le guérir à mort !
Graham a eu un mouvement de tête avec une petite moue, qui signifiaient « pas faux ».
Je croyais que le type allait la laisser partir, ou la laisser aux mains de la foule, mais au lieu de ça, il a sorti un couteau. J'ai tressailli, mais suis partie pour descendre les marches avant que Graham ne puisse me retenir à nouveau. J'ai descendu les marches quatre à quatre, ai foncé hors de la boutique et fendu la foule comme une flèche.
Mais quelqu'un avait déjà eu le bon réflexe avant moi ; un garçon, tout mince et tout en angles, avec des cheveux ternes et des yeux marrons, s'était interposé entre Melanie et son agresseur. Elle en profita pour soigner ses blessures aussi vite que possible, ignorant la foule qui la haranguait.
-On se calme, Noah, a imposé le type qui s'était interposé.
J'ai poussé un soupir de soulagement et ai commencé à marcher vers Melanie pour l'aider. Le type m'a vu et s'est retourné, en vérité tout le monde m'a vu, mais j'ai tout de même rejoint Melanie et l'ai aidée à se soigner.
-Boum, a dit ensuite le garçon. Et de deux. On va s'amuser.
-Pardon ? ai-je fait. C'est quoi ce bordel ? Vous êtes malades !
Le type s'est approché de moi, beaucoup trop près. Il me touchait presque, mais je n'ai eu aucun mouvement de recul. Je n'ai montré aucune réaction. Il se prenait pour qui ? Son attitude orgueilleuse me rendait plus hilare qu'autre chose.
-Ça va, tu veux contracter tes muscles devant tout le monde, aussi ? Ai-je lancé. Quitte à ne pas se servir de nos cerveaux, t'as qu'à me frapper tout de suite, non ?
Mon insolence me perdra. J'ai enclenché avant que ça m'arrive ce jour-là.
-Je pourrais plutôt savoir quel est le problème ? Ai-je lancé en m'adressant à Noah.
-Le problème, c'est ça, a répondu Melanie à sa place.
Je me suis retournée pour voir de quoi elle parlait. Elle pointait simplement le point noir dans sa paume.

S/C : Tucker et Dale Fightent Le Mal, la scène où la fille essaie d'installer un dialogue, sans succès.

Piégés (FR)Where stories live. Discover now