Le Darkling était de très mauvaise humeur.
Il marchait lentement sur les graviers qui conduisaient au Little Palace, le regard fixé sur l'horizon. Personne ne le suivait. Il était seul, évitant soigneusement les tâches écarlates qui déformaient le sentier. Plus il s'approchait, plus les cailloux devenaient rouges. Et lorsqu'il ne fut plus qu'à une quinzaine de mètres de l'entrée du Little Palace, le sol tout entier était couvert de sang.
Il renifla, méprisant.
Il avait construit la Seconde Armée lui-même. Il avait traqué les Grishas, les avait éduqués, élevés comme un père, les avait toujours choyés, protégés. Toujours. Pour chacun d'entre eux, il avait dépensé une énergie folle, sacrifié des nuits, des jours, il avait fait l'improbable. L'impossible, même. Il connaissait leur nom, leurs habitudes, leur sourire et leurs larmes. Il connaissait tout d'eux. Il les avait aimés comme un Darkling peut aimer.
Et ils l'avaient trahi.
Il fronça les sourcils et resserra son kefta noir autour de son corps. Les marches du Little Palace étaient invisibles, masquées par des centaines de corps entassés, enchevêtrés, tordus, mutilés. Les kefta faisaient des tâches violettes, rouges et bleues, semblables à un bouquet de fleurs éparpillé. Déchiré. Déchiqueté.
Des corps gisaient partout. Il vit des Materialki regroupés sous une espèce de grand miroir ; sûrement une idée de David Kostyk. S'il n'était pas mort, il devrait l'enrôler à nouveau : ses inventions pouvaient faire basculer le cours de la guerre. Il sentit son pouvoir palpiter en remarquant les centaines de Caporalki étalés partout, leur sang se fondant avec leur kefta écarlate.
Ils étaient ses préférés. Ses plus valeureux. Ses meilleurs guerriers, ses meilleurs stratèges. Ils étaient les meilleurs, et ils l'avaient renié.
De rage, il releva un corps tordu dans un angle étrange, le tenant par le col. Le Caporalki abordait les couleurs des fondeurs, l'élite. Il le gifla, conscient qu'il ne pouvait rien sentir. La tête du jeune homme bascula sur le côté, et sa rage s'accentua encore. Malgré le sang qui couvrait sa tête, malgré la rigidité de son corps, malgré la mort, il reconnut Fedyor Kaminsky, celui qui avait osé prendre la direction des Caporalki avec Alina et Sergei Beznikov.
Il laissa le corps retomber bruyamment sur le sol, et partit à grandes enjambées vers les marches. Il écartait sans ménagement les corps, marchant sur une main, sur des cheveux, se rappelant par flashs leurs noms, leurs habitudes, leur trahison.
La porte - Marie - Pavel - les teintures de toutes les couleurs - Antonia - Jakob - ses appartements - Sonia - une volée de marches - Andreï - Milana - Artiom - Konstantin - Selena - Igor - Akim - Assya - un kefta violet abandonné - Marfa - Lev - Makar - la table retournée, le dôme transpercé - Matvei - Astrid - Joakim - les ateliers des Materialki en flammes - Pontus - Lorens - un cercle noir sur le dôme principal - Stanislas - Daria- Milan -
Ni Alina Starkov, ni son Traqueur imbécile, ni le bâtard Lantsov, ni Zoya Nazyalenski, ni David Kostyk, ni Genya Safin, ni les jumeux Yul-Bataar.
La quasi-totalité des traîtres qui composaient la Seconde Armée était morte, mais les pires étaient encore en vie.
Le Darkling serra la mâchoire, le regard brûlant.
Ils ne s'échapperaient plus.
Il les retrouverait, et sa vengeance serait terrible.
YOU ARE READING
CROWS - 𝖌𝖗𝖎𝖘𝖍𝖆𝖛𝖊𝖗𝖘𝖊
Random𝖔𝖓𝖊-𝖘𝖍𝖔𝖙𝖘 𝖎𝖓𝖋𝖔𝖘 𝖈𝖑𝖆𝖘𝖘𝖊𝖒𝖊𝖓𝖙𝖘 𝖌𝖗𝖆𝖕𝖍𝖎𝖘𝖒𝖊𝖘 𝖊𝖙 𝖕𝖑𝖚𝖘 𝖊𝖓𝖈𝖔𝖗𝖊 𝖑'𝖚𝖓𝖎𝖖𝖚𝖊 𝖇𝖔𝖔𝖐 𝖜𝖆𝖙𝖙𝖕𝖆𝖉 𝖊𝖓𝖙𝖎𝖊̀𝖗𝖊𝖒𝖊𝖓𝖙 𝖈𝖔𝖓𝖘𝖆𝖈𝖗𝖊́ 𝖆𝖚 𝖌𝖗𝖎𝖘𝖍𝖆𝖛𝖊𝖗𝖘𝖊
