L'alliance des refusées

Fan-fiction au Royaume de Pierre d'Angle

J'ai toujours adoré le lait chaud à la vanille. 

 Personne ne se méfierait d'une jeune femme assise au comptoir d'une taverne avec une petite chope de lait chaud à la vanille, incarnation même de l'innocence.

 A tort. 

Je suis née dans la baie de la Catastrophe, il y a dix-huit ans. Fille d'un pirate et d'une esclave, j'ai hérité de l'un sa fascination pour les trésors et de l'autre son charme. 

J'ai embrassé la carrière de voleuse vers l'âge de quinze ans. Ma première victime était un homme très séduisant. Le pauvre n'a jamais revu sa bourse de gemmes. 

La taverne est mon lieu de « travail » de prédilection. L'ambiance y est toujours festive et on y rencontre des gens de tous horizons, avec les poches souvent pleines d'objets précieux. Je peux exercer mon activité en toute impunité entourée de canailles et autres hors-la-loi. Mes cibles préférées restent tout de même mes compagnons de jeux et de beuverie, tellement facile à plumer ! 

A mes débuts, j'avais choisi une place stratégique à un angle du comptoir. J'avais ainsi vueà la fois sur toute la salle et sur l'entrée de la taverne. Je pouvais faire du « repérage » et mon air solitaire et mélancolique incitait presque toujours les hommes à venir faire la conversation.Deux mots gentils et un sourire enjôleur plus tard, j'obtenais sans trop d'effort quelques pièces, des gemmes, des bijoux ou des breloques. 

Ce soir ne fit pas exception aux autres soirs. 

Je savourais mon lait à petite gorgée lorsqu'il entra dans la taverne. 

L'espace d'un instant, les conversations, le bruit des fourchettes et la musique cessèrent. Tout le monde sembla retenir son souffle devant l'étranger dont la présence seule semblait avoir arrêté le temps. 

Du coin de l'œil, j'observai le nouvel arrivé. 

Sa carrure imposante et sa peau caramel indiquaient clairement qu'il n'était pas des environs. Sa chemise blanche s'ouvrait sur un anneau doré et brillant suspendu à son cou. 

Un anneau qui serait bientôt en ma possession. Il s'avança jusqu'au comptoir pour commander une gigantesque chope de bière et la soirée reprit son cours tout à fait normalement. 

Il but sa première rasade d'un trait et poussa un soupir à fendre l'âme. 

- Une autre, commanda-t-il d'une voix rauque au tavernier bougon. 

Je l'observai à la dérobée. Il semblait porter tout le poids du monde sur ses épaules carrées. Un bandana rouge dissimulait mal ses boucles brunes rebelles et ses mains étaient calleuses. 

Cet homme était très probablement marin. 

Pourquoi paraissait-il si malheureux ? 

Un sourire étira soudain ses lèvres et je replongeai mon regard dans ma chope de lait presque vide. 

- Vous n'êtes pas très discrète, Mademoiselle. 

 - Vous non plus si je puis me permettre ! m'offusquai-je. 

Son sourire s'accentua mais son regard resta rivé à sa chope. 

- Je m'appelle Noé et vous ? 

- Maya. Que faites-vous ici, Noé ? 

- Ici dans cette taverne ou ici à Pierre d'Angle ? 

- Très drôle. Les deux. 

- Je suis venu régler des affaires... personnelles.