La Reine s'empressa de porter le thé à sa bouche pour que la chaleur se propage à l'intérieur de l'ensemble de son corps. Elle ferma les yeux un instant pour savourer cette sensation. Enetari n'aurait jamais pensé qu'un jour elle serait aussi heureuse rien qu'en buvant une tasse de thé bien chaude. 

Il fallait dire que jamais elle n'aurait pensé qu'un jour comme aujourd'hui puisse arriver. Laurelin réapparut avec une grosse couverture en laine qu'elle plaça aussitôt autour des épaules de la Reine qui la remercia à plusieurs reprises pour cette attention. Enetari se délecta de la chaleur nouvelle qui se diffusa à nouveau dans son corps.

— Vous êtes enceinte ! remarqua Laurelin, lorsqu'elle fut pour la première fois assez proche de la souveraine et dans une pièce assez lumineuse pour le voir.

— Oui, j'ai perdu les eaux aujourd'hui, répondit Enetari avec un sourire chaleureux.

— Ne devriez-vous pas être au château dans un moment aussi important que celui-ci ? Pourquoi êtes-vous venue jusqu'ici dans de telles conditions ? Ça peut être dangereux pour votre enfant.

Le visage de la Reine s'assombrit en repensant aux circonstances qui l'avaient amenée ici. Ce n'était pas par choix qu'elle s'était retrouvée dans cette maison. Si elle avait pu rester au palais, auprès de son époux, dans un moment comme celui-ci, elle l'aurait volontiers fait. 

Elle aurait donné tout l'or du monde pour pouvoir être au château, en sécurité avec le Roi, au moment de son accouchement. Hélas, même avec tout cet or, il était impossible de changer le cours de l'histoire. Enetari était destinée à donner naissance seule et loin de chez elle.

Ohtar fit signe à sa compagne de se taire et lui expliqua rapidement la situation. Il lui raconta l'attaque de la demeure royale, la façon dont ils avaient réussi à s'échapper, la mort du Roi et la raison de leur venue jusqu'ici. Plusieurs expressions traversèrent le visage de Laurelin, mais celle qui subsista le plus longtemps fut la surprise qui laissa ensuite place à une mine désolée et compatissante à l'égard de la Reine.

— Vous pouvez rester ici aussi longtemps que vous le souhaitez. Nous avons assez de nourriture et nous pouvons aménager un lit. Il ne faut pas que vous vous en alliez seule alors que vous êtes sur le point de donner la vie. Cela pourrait être risqué de vous aventurer dans la forêt en cette période. Votre enfant aura plus de chance de survivre à l'abri ici, au chaud et avec des vivres, plutôt que dehors dans le froid où la moindre maladie pourrait emporter votre nourrisson.

— Je m'en voudrais s'il vous arrivait quoi que ce soit par ma faute. Les rebelles sont certainement à ma poursuite, car tant que je serai en vie, je serai un obstacle à leur prise de pouvoir complète. Il suffirait qu'un seul citoyen m'aperçoive et qu'il me dénonce pour que la totalité du village soit rayée de la carte. Je ne peux pas me permettre cela. La sécurité de mon peuple a toujours été ma principale préoccupation.

— Je comprends votre ressenti, mais restez au moins le temps d'être sûre que votre enfant va bien. Vous ne devriez pas accoucher dans la nature, cela pourrait amener tout un tas d'infections. Deux jours ou trois, tout au plus. C'est moi qui m'en voudrais de vous laisser partir maintenant tout en sachant que vous êtes enceinte, frigorifiée et exténuée.

Laurelin sourit chaleureusement à la Reine, ce qui lui réchauffa le cœur. Ohtar avait de la chance d'avoir une épouse aussi généreuse et empathique. Enetari savait que la jeune femme ne se comportait pas de la sorte seulement parce qu'elle était sa souveraine, mais bien parce qu'elle avait un cœur pur. 

Elle finit par accepter son offre. Il lui suffirait de rester deux jours enfermée dans cette maison pour que personne ne la voie, puis elle quitterait les lieux la nuit. De cette façon, il n'y avait aucune possibilité de mettre cette belle famille en danger. 

Au coeur du Chaos - Les ailes du démonМесто, где живут истории. Откройте их для себя