Chapitre 2 : deuxième mot dans le casier.

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Je ramasse le post-it les sourcils froncés, méfiant. « Je t'aime. » était marqué d'une écriture gracieuse, prenant toute la place sur le bout de papier. Pensant que ce n'est qu'une mauvaise blague, je pose mes cours de cet après-midi comme j'avais l'intention de le faire au début, referme mon casier, et m'en vais vite sur la pelouse du parc à côté. Je traverse une nouvelle fois la foule d'élèves, et arrivé devant la porte d'entrée du lycée, je m'arrête soudainement en me rappelant qu'il fallait que j'aille voir la directrice... Mais tant pis, j'irais une autre fois. Cette histoire de maths attendra, j'ai besoin de sortir prendre un grand bol d'air frais. Je marche jusqu'à la pelouse, et en même temps je mets mes écouteurs ainsi que la musique. Les Beatles commencent à jouer leur morceau, et je me mets contre l'arbre, avec un rayon de soleil qui illuminait mon visage.

La journée défila très rapidement, grâce à mes amis. Eleanor et moi avons prévu de se voir ce soir, histoire de se changer un peu les idées. Elle a quelques problèmes chez elle, tout comme moi, et ça nous fera du bien. Elle m'a dit qu'elle me rejoindrait à 18h15 dans la sale de musique, après que j'aie fini de faire de la guitare.
Il est 17h30, et je vais enfin voir la directrice. Je suis devant sa porte, je souffle un grand coup, et toque une bonne fois pour toute. De derrière la porte, j'entends de sa part « entre Louis ! ». Confus, j'entre et je la vois assise dans son fauteuille de bureau, de dos. Elle ne me voit pas, et je crois que c'est pour ça qu'elle ne s'arrête pas de parler.

- Louis, mon fils, il faut vraiment qu'on parle. Tes professeurs me disent que tu es un très bon élève, certes, mais tu...
- Euh...

Elle s'arrête de parler au moment où elle se retourne et me voit. Je crois que ça y est, elle a compris que ce n'était pas son fils, et tant mieux. Je ne veux pas me mêler de choses qui ne me regardent absolument pas. En la regardant mieux, je crois qu'elle est gênée. Surtout qu'on m'a dit qu'elle ne parlait jamais de son fils, et que ce dernier ne se faisait pas trop parler de lui. Voire même pas du tout.

- Pardon, je pensais que tu étais mon fils. Il devait venir à cette heure là, quand il avait finit les cours... Bref, que veux-tu ?
- Bonjour madame, pas de problème pour votre fils. C'est que je suis en première, et j'ai choisi le BAC L en grande partie pour échapper aux maths, mais nous avons encore des cours sur cette matière. Je n'en comprends pas l'utilité ?
- Et bien des anciens élèves et parents d'élèves ont exigés un peu de cours de maths pour les littéraires, et un peu de français pour les matheux. Pour ne pas que tout ça se perde. Voilà tout.
- Ah, mais c'est...

Je suis interrompu dans ma phrase par la porte d'entrée du bureau qui s'ouvre. Je me retourne brusquement, et aperçois qu'un tout petit peu le garçon de ce matin, qui était assis seul. Enfin, je ne suis même pas sûr de moi, puisque je n'ai malheureusement pas eu le temps de le voir correctement. La directrice me sort de mes pensées, en me disant qu'il fallait que je m'en aille. Ayant eu une réponse qui répondait à ma question, je sors de la pièce, et lorsque je me retrouve dans le corridor, il n'y a personne. Finalement, je laisse tomber cette affaire, et vais dans la salle de musique. Mais, quand j'y entre, la porte n'était pas fermée à clef, et un piano trônait au milieu de la pièce. Un piano... J'ai toujours voulu savoir en faire, en plus de la guitare, mais ma mère ne voulait pas. À croire que nous n'avions pas assez d'argent pour me payer des cours, ainsi que l'instrument. Sauf que justement, c'était tout le contraire. Je ne m'en plains pas, évidemment, mais à cause de ça et du travail que fait mon beau-père, je suis seul la plupart du temps chez moi. Le fiancé de ma mère travaille je ne sais où, ce qui fait qu'il est très souvent en voyage. Et ma génitrice l'a toujours suivi. Au début, elle voulait rester avec moi. Pendant de longues années ils restaient pendant des semaines sans se voir, à cause de moi. Et il y a deux ans, quand j'ai eu l'âge de rester seul, je lui ai dit de le suivre, que ça ne me posait pas de problème. Des fois j'ai envie de les suive, j'ai toujours voulu voyager, mais ça me saoulerait vite je pense. Surtout que depuis que je suis fils unique, je m'ennuie pas mal. Gemma...
Je laisse mes pensées s'évader encore bien loin, tout en faisant de la guitare. Au bout d'un moment, je décide de me mettre à chanter. Les paroles de Wonderwall d'Oasis me conduisent loin de la réalité. Tellement loin, que je n'entends pas lorsque quelqu'un frappe à la porte.

- Harry ?
- Oh ! Eleanor ! Je ne t'avais pas entendu, désolé.
- Ce n'est pas grave. J'adore tellement quand tu chantes.
- Merci, mais c'est banal tu sais.
- Non, pas du tout. Digne d'une star internationale !
- N'exagérons rien.

Je range mon instrument, et part avec la brune à mes côtés.

* * *

Le lendemain matin, je me réveille aux côtés d'une charmante demoiselle. Je la regarde, souris face à son visage sereinement endormi, et tourne la tête pour voir l'heure. 9H57 s'affiche sur le cadran, et... Et nous avons cours dans exactement 3 minutes, sachant que nous ne sommes pas habillés, douchés, ni rien du tout.

- Eleanor ! Eleanor ! Réveille-toi, on est grave à la bourre là, lève-toi !

Je la secoue avant de me lever, enfile un caleçon suivi du reste de mes vêtements, et vais vite dans la salle de bain pour me brosser les dents. Je me fous bien de rater le petit déjeuner, puisque je ne mange jamais. Du coin de l'œil, j'arrive à voir Eleanor se rhabiller, et j'avoue que c'est un bien joli spectacle. Surtout que je sais qu'elle panique très vite, et c'est drôle de la voir anxieuse. Mais ce qui est moins marrant, c'est qu'elle fait aussi vite une crise d'angoisse. Je redescends de mon nuage quand elle me gueule à l'oreille de me pousser pour qu'elle se brosse aussi les dents. Je finis de me rincer la bouche, et prends mon peigne histoire de dresser un peu ma chevelure rebelle. D'ailleurs, ils ont encore poussé, ce qui me fait penser qu'il faut que je les coupe au plus rapidement. Après m'être préparé, je me dépêche d'enfiler des chaussettes et mes chaussures, prends mon sac avec une brioche pour Eleanor, et l'appelle une dernière fois pour qu'elle se hâte elle aussi. Je l'entends dévaler les escaliers, en chaussettes, le sac sur le dos, les chaussures dans la main gauche et la brosse à cheveux dans l'autre. Nous courons jusqu'à ma voiture pour y aller plus vite, et je démarre. Sur la route, je regarde une dernière fois l'heure : 9h05 est affiché.

- Ça va, on ne sera pas trop en retard, déstresse princesse.
- Je... Oui, je dois me calmer...
- Il faudrait vraiment que tu essaies de régler ton problème, là. Parce que tu paniques un peu trop vite, non ? Et j'aime pas quand tu fais une crise d'angoisse, ça m'inquiète et je commence à avoir peur dans ce cas là.
- Tu sais Harry, il fallait que je te parle...
- Si tu y arrives en deux minutes, vas-y.
- J'ai remarqué que toi et moi, on était vraiment proches. Et j'aurais apprécié que...
- Si tu me demandes si je veux qu'on soit en couple, oui, je veux bien.
- Merci.

Elle et moi avons toujours eu ce rapport. Elle ne finit pas ses phrases, et pourtant, je sais exactement ce qu'elle veut me dire. C'est fou, quand même.
Lorsque nous arrivons enfin devant la salle d'anglais, nous prenons deux grandes inspirations. Oui, ceci est un TIC pour elle comme pour moi. Je lève la main, et lorsque mes phalanges sont à quelques millimètres de la porte, Eleanor me coupe dans mon élan. Surpris, je la regarde, et sans que je ne l'ai prévu, elle prend mon visage entre ses mains douces, puis m'embrasse. Ce n'était pas un baiser comme les autres fois, mais il était plus doux, plus gracieux. Gracieux... C'est ce que je m'étais dit de l'écriture sur le post-it. D'ailleurs, en parlant de lui, ça pouvait être Eleanor, du coup. Non ? Ça collerait parfaitement à la situation. Sauf que je n'ai pas reconnu son écriture, et Dieu sait combien de fois j'ai pu la voir depuis depuis toutes les années où l'on se connaît. Elle et moi arrêtons notre baiser, puis je frappe à la porte au même moment où elle ouvre la bouche pour me dire quelque chose. Je fais comme si je n'avais pas vu. Je n'ai pas envie d'entendre une de ses autres questions. La professeur d'anglais vient nous ouvrir, et nous accueille à sa manière.

- Calder, Styles, vous avez quinze minutes de retard ! Où étiez-vous ?
- On s'est croisés sur la route et on a un peu traîné, voilà tout, dis-je, lassé.
- Allez vous asseoir. Et Zayn, je viens de te dire d'arrêter de discuter avec Niall ! Tient, pour la peine, mets-toi à côté d'Harry.
- Madame, non, on se tait, promis.
- Je me fous de tes promesses Zayn, aller dépêche toi !

Et oui, ça a ses avantages et désavantages d'avoir une table pour nous seul. C'est pratique, mais dangereux.

Vite, la pause de 10h arrive. Eleanor me rejoint.

- On va le dire aux autres, ou pas ?
- De quoi ?
- Pour nous deux...
- Ah, euh, je...
- Salut vous deux, qu'est-ce que vous complotez ?
- Un plan pour te tuer, Ed.
- Toujours aussi drôle Harry. Aller, on sort ?
- Ouais. Mais venez, je dois aller à mon casier.
- Comme tous les jours.

Je rigole à la remarque d'Eleanor, parce que c'est vrai que j'ai mon petit rituel de venir à mon casier à 10h. Je fais le trajet de la salle de classe à mon casier en tenant la main d'Eleanor. Ed a vite compris, et n'a rien dit en souriant. Lorsque j'ouvre la porte de mon casier, un nouveau post-it voltige jusque par terre.

Mots dans le casier.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant