Une ombre se dressa au-dessus de l'homme seul, celle d'un soldat immense qui avait quitté ses semblables pour l'approcher.

― Holà, l'ami.J'ai besoin de tes lumières.

Si le soldat avait espéré un signe d'intérêt de la part du solitaire, il en fut pour ses frais.

― Je crois que j'ai trouvé une perle de musique.

Pour la première fois,l'homme fit entendre sa voix, chaude et ironique :

― Vraiment ?Et à quoi ressemble ce joyau mythique ?

― Il nous attend en sûreté derrière ces rochers. Suis-moi, je vais te montrer.

― Apporte-le plutôt ici. Les marchands se bousculeront pour te l'acheter et tu fixeras toi-même ton prix...

Le soldat baissa la voixet Ishtar dut tendre l'oreille pour percevoir la suite.

― S'il s'agit bien d'une perle de musique, je vais me faire emberlificoter : ces chacals finiront par me persuader de la leur céder pour rien, parce que j'aurai pris de leur temps !

― Admettons. Mais pourquoi t'adresses-tu à moi ? Je ne sais rien des perles de musique ; j'ai toujours cru qu'elles n'étaient qu'une légende ;un conte pour enfants...

Une perle de musique... les mots résonnaient dans l'esprit d'Ishtar qui les savoura. Elle non plus n'avait jamais entendu parler d'une telle chose. Était-ce une sorte d'instrument ? Elles en avaient beaucoup, à l'oasis – mais une nouveauté était toujours bienvenue.

Et même si l'objet n'existait pas, elle rapporterait auprès de ses sœurs cette légende qui enrichirait leur vie.

― Une pioche, une pelle et un petit couteau, dit le soldat, finaud. Tes outils sont ceux d'un prospecteur de roches. Le soir venu, tu choisis les meilleurs emplacements pour dormir, ceux que ce maudit vent ne frappe pas : tu connais bien le désert. Alors je crois que, si quelqu'un peut savoir à quoi ressemble une perle de musique, c'est toi.

Plus haut, Ishtar se redressa ; voilà donc quelle était la profession de l'homme seul ? Pourtant, elle n'avait pas l'impression de toucher au but. Au contraire ; ses nerfs se tendaient et ses doigts frémissaient – tout ne faisait que commencer.

Sur les plateaux alentour, ses filles retinrent leur souffle.

― Que de pensées se bousculent sous cette apparence musclée !, sourit l'homme seul.Je te remercie de ta bonne opinion. Mais... je vais passer mon tour.

― Je suis prêt àpartager les profits : n'importe qui sauterait sur l'occasion de gagner de l'argent facilement. Mais pas toi ?

― Je suppose que ça ajoute à mon charme, dit le prospecteur avant de bâiller ostensiblement.

Il se figea lorsqu'on pressa contre son flanc un objet pointu et dur. Une lame de poignard.Bien plus haut, Ishtar se tint prête à bondir – comme si elle pouvait changer quoi que ce soit à ce qui se préparait. Non ;même elle n'avait pas ce pouvoir. Elle n'en aurait pas le temps...

― Ne crie pas ou je t'éventre, fit le soldat, la voix toujours aussi basse.Suis-moi.

― Si c'est ta manière de faire connaître ton désir à un homme, j'en ai connu de plus subtiles... Aïe ! j'arrive.

Côte à côte, les sabres du soldat cliquetant dans son dos à chaque pas, ils croisèrent la route du plus jeune des cousins qui ramenait l'outre d'alcool. Concentré sur sa tâche, Tsi'dar ne prêta aucune attention aux deux hommes, comme s'ils ne comptaient pas.

Grossière erreur ;l'expérience d'Ishtar comme cheffe d'équipe lui soufflait que c'était le moment qu'elle avait attendu, celui qui verrait leur plan débuter. Malgré la chaleur ambiante, une pointe glacée lui descendit entre les omoplates, scellant l'instant.

Le Guerrier NavigateurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant