4. Bouffée d'oxygène

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Plus triste que jamais, j'observe mon écho qui repart déjà. Il n'a mangé que ma salade et à délaisser les wraps que j'avais prévu. L'appétit n'est pas là et de toute façon, nous n'avons pas le temps de manger davantage ; nous reprenons très bientôt les cours. La perspective de ces travaux pratiques de physique me réconforte un peu. La dernière fois, ça s'était passé tranquillement. Je m'étais retrouvée dans le groupe de Sara et Paloma. Elles faisaient leur manip' de leur côté et je faisais la mienne. On a mis en commun et le tour était joué. Comme nous devons garder les mêmes groupes, ce sera aussi l'occasion pour mon reflet de s'excuser : Paloma a été sympathique et soucieuse avec moi tout à l'heure ; dévastée, je n'ai même pas su lui demander si elle, elle a réussi. Je faisais ce que je pouvais dans mon état émotionnel et psychologique...

Blasée, je vois l'autre Enjy qui s'adosse contre le mur. Constantin arrive bien vite. Une nouvelle sensation naît et crépite : la colère. Il m'a laissé toute seule pour l'exposé d'anglais et également pour notre projet tuteuré ! Et là, il ne daigne toujours même pas à m'adresser la parole ! En fait, il est un peu comme moi... c'est-à-dire, il me paraît être solitaire. Ce qui est de la timidité chez moi est du je-m'en-foutisme chez lui. Il fallait qu'on fasse des recherches pour notre projet, durant les vacances. Je n'ai rien fait ; le travail scolaire me terrifiait trop. A ce state, c'est bien à lui de se démerder !

Les onze autres étudiants de notre groupe ne tardent pas à arriver. Depuis mon espace immatériel, c'est encore plus frappant : il y a eux tous d'un côté, et moi de l'autre. Le professeur déboule après quelques minutes de retard interminables et nous pouvons enfin entrer.

Etonnamment, je suis remotivée. Même lorsque deux nouvelles têtes doivent intégrer notre groupe et que je me retrouve à bosser avec elle, je garde la patate. C'est mieux ainsi, Enjy-en-toc ; reprend du poil de la bête !

Francine, Audrey et moi nous nous cassons la tête sur les relations pour obtenir la tension superficielle. Le prof s'évertue à nous expliquer :

« Mais si ! Regardez là ! Vous voyez !

— Non, je ne vois pas, lâche Audrey, qui a notre feuille sous les yeux.

— Et bien puisque c'est comme ça, débrouillez-vous ! Je vous ai expliquez, vous n'avez qu'à regarder ! »

Sidérée, mon cœur me serre et notre camarade s'emporte :

« Oui, oui ! On va se débrouiller ! Pas le choix de toutes façons... »

Mr Garnier retourne à son bureau de l'autre côté de la salle tandis que l'étudiante près de mon écho grommelle : « Nan, mais il a trop cru qu'il parlait à son gosse ou quoi... » De l'autre côté, je soupire. L'avantage de laisser mon reflet sur le terrain, c'est que je peux au moins exprimer franchement mes réactions – je ne risque jamais de déclencher la quatrième guerre mondiale. Je comprends Audrey, ce prof est colérique. Il s'emporte pour un rien et tout ce que nous cherchons sincèrement est de comprendre. Je conçois néanmoins que le ton usée par ma camarade l'ai déplut... et vice-versa finalement !

Que puis-je faire ? Rien, je suis de l'autre côté du voile et voilà l'autre Enjy dans la galère. Oh, bonjour mes pauvres notes ! Je ne validerais jamais mon semestre à ce train ! Je suis si impuissante... Est-il vraiment nécessaire de rejeter la faute sur mon écho ? Ce sont les éléments qui se déchaînent sur lui...

Bien dans la mouise avec notre compte-rendu de physique, je vois notre trinôme qui réfléchit, tourne le problème dans tous les sens, encore et encore. Le professeur n'étant toutefois pas fâché contre notre autre demi-groupe, Paloma-Sara, il vient les voir pour leur venir en aide. Tout va mieux, quand, eh bien, non finalement.

« Vous avez déjà posé votre compte-rendu de la semaine dernière sur mon bureau ? »

Et là, le terrible silence qu'on connait tous ! un tel calme qui nous fracasse. Mon reflet se tourne, mort dans l'âme, vers le duo. Avec Sara et Paloma, ils échangent un long, très long regard. C'est Paloma qui tente de répondre d'une voix rassurante :

« Non, pas encore ; mais on l'a. On se concentre juste pour finir ce qu'on fait et on vous le donne... »

Aïe... Paloma ! C'est tellement cramé d'avance. L'homme n'est pas crédule et ordonne fermement :

« Donnez-le-moi, tout de suite ! »

Paloma alors prends son courage et se leva.

« Où est-ce que vous allez ?

— Je vais le chercher. »

Nous voyons le professeur sortir de la salle à la suite de la brune. Nous l'entendons qui tonne : « Je crois que vous n'avez pas compris le principe des TP ! Là, ça ne va pas l'faire ! ». Ce qu'il s'est passé, c'est qu'elle avait donné nos résultats à un autre groupe, qui est pile en train de se baser sur ce qu'on a fait pour faire leur compte-rendu ! Fabuleuse, cette journée, jusqu'au bout...

* * *

Enfin ! Ce jour mémorable à l'IUT est fini ! Mon reflet savoure l'air frais qui – pour une fois –réussi à passer à travers mon masque. Je me détends instanément. Ça faittellement du bien de voir l'autre Enjy libérer de tout ça, de ressentir lafraîcheur qu'elle-même sens ! L'ironie de notre sort fait que nous allonsà la gare avec un bel entrain. Je dévore ce que j'avais délaissé de mondéjeuner et grimpe dans mon car. Avec un peu de chance, mon acolyte seretrouvera devant le miroir de la maison et je pourrais récupérer ma place !

Pas si compliqué...Where stories live. Discover now