Chapitre 6

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Un événement unique les attendait le lendemain à l'école : les garçons avaient le privilège d'assister à l'entraînement des chevaliers, pendant que les filles recevaient la visite de l'une des dames de compagnie de la reine. Celle-ci venait discuter de son rôle au sein du château ainsi que de l'importance d'une bonne éducation. Elina songea à s'éclipser pour rejoindre le groupe des garçons, histoire de se remonter le moral. Le murmure autoritaire de sa compagne l'arracha à l'élaboration de son complot :

– N'y pense même pas !

Elina ouvrit de grands yeux innocents, en digne sœur d'Aymeric.

Elle n'avait pas reparlé du concours avec sa meilleure amie, ni des événements de la veille au sein de la famille Codeugnal. Alixe semblait plus amicale ce matin et elle ne voulait pas tout gâcher, malgré le poids qui pesait sur son cœur. La jeune fille profita autant que possible de la matinée et dut admettre que la présence de cette dame dans l'enceinte de l'école l'avait impressionnée.

L'entraînement des chevaliers n'était pas encore terminé lorsque Elina et Alixe arrivèrent à hauteur de la lice. Elles s'avancèrent sur le petit chemin de terre qui sinuait vers le terrain. En temps normal, on les aurait priées de s'éloigner. Elina se dérida. Jamais elle n'avait eu l'occasion de les observer de si près, sans branches ni feuillages pour lui boucher la vue. Quelques autres filles, dont Clothilde, assistaient déjà au spectacle.

– Il regarde par ici, piailla l'une d'entre elles.

À une dizaine de mètres, Falkor dirigeait la session.

– Guenièvre ! Arrête de le fixer ! gloussa Clothilde.

Alixe leva les yeux au ciel.

– Qu'est-ce que vous êtes ridicules ! Vous pensez vraiment que Falkor s'intéresse à de jeunes gourdes qui viennent admirer les vaillants chevaliers ?

– Comment ça, de jeunes gourdes ? s'offusqua Clothilde. Vous vous êtes déjà vues ? Apprenez déjà à placer deux assiettes sur une table, après, on en reparlera.

Kiko siffla dans sa direction.

– Venez les filles, s'indigna-t-elle.

Les deux amies se sourirent.

– Bon, je dois y aller, déclara Alixe. Tu restes là, je suppose ?

Elina acquiesça.

– Alors, à demain.

Elle l'observa s'éloigner. Leur complicité lui manquait. En temps normal, Alixe lui aurait posé mille et une questions pour savoir si elle avait parlé du concours à ses frères, à son père, quelles avaient été leurs réactions. Aujourd'hui, pas un mot.

La fin de la session fut annoncée. Les garçons quittèrent les gradins, dans un calme inhabituel. Elina resta accoudée à la barrière. Elle sentit alors l'insistance d'un regard et croisa celui de Falkor. Cela ne dura qu'un bref instant. Il esquissa un sourire et un salut, puis élança sa monture au trot, à la rencontre de ses hommes. La demoiselle se tapota la joue, afin de s'assurer qu'elle ne rêvait pas.

Son père apparut soudain à ses côtés, sorti de nulle part.

– C'est donc ça, ton rêve...

Ils contemplèrent la lice en silence.

– Qu'est-ce que tu lui ressembles, soupira-t-il. Le même caractère, décidé, tenace, courageux. J'ai toujours admiré cette force.

Il marqua une pause.

– C'est l'une des choses que j'admirais le plus chez ta mère. Mais je ne te laisserai pas jeter ta vie en l'air. Je suis ton père... et je ne me pardonnerais jamais s'il t'arrivait quelque chose que j'aurais pu éviter.

ElinaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant