Je suis seule ce soir. Aujourd'hui j'ai du mal à le supporter, du mal à refaire surface, du mal à émerger de ma tristesse. Je sais qu'il me suffirait d'appeler pour que Rénata laisse tomber sa soirée et vienne me voir... Mais je ne le ferai jamais. Je n'arrache pas les gens à leur vie pour m'aider à combattre la mienne, je ne m'en sens pas le droit. C'est une mauvaise soirée, une soirée difficile où mes pensées négatives gagnent en intensité, m'enfonçant dans les tréfonds de ma tristesse, de ma peine. Ça ira mieux demain... J'envie parfois ce manque de solitude. Ne crie pas. Ne pleure pas. Ne te plains pas. Continue de sourire. J'aimerais pouvoir pleurer, j'aimerais pouvoir arrêter de sourire et montrer mes larmes, j'aimerais pouvoir me plaindre, m'en sentir légitime. Je suis fatiguée. Je suis éreintée par tant d'années à faire semblant, tant d'années à masquer cela derrière la colère. J'ai mal. La colère me tenait debout mais elle m'a usée. Mon barrage est tombé et je me noie. Je ne sais pas si j'ai la force de nager. Pas besoin d'atteindre le rivage, je sais qu'une barque m'attend mais je suis tellement épuisée... Je n'ai même plus la force d'être en colère, plus maintenant. Ma peine est comme une main attrapant ma cheville, m'entrainant au fond des flots. Vais-je lutter ? Et si je me noie ? On n'arrête pas de me dire, de croire que je suis plus forte, un rock, froide, dure, que je ne peux pas être fissurée. La vérité c'est que je suis en miettes et que maintenir la façade derrière laquelle je me cache me prend énormément d'énergie. J'utilise parfois une énergie que je n'ai pas, que je n'ai plus. J'ai peur d'être seule avec moi-même ; je ne suis pas en paix. Je crois que garder tout ça à l'intérieur me rend de plus en plus friable. Mais j'angoisse de l'extérioriser. Si c'était ça qui maintenait le peu de volonté qu'il me reste ? Si c'était ça qui me maintenait encore debout alors que je ne marche plus ? Que me reste-t-il si j'extériorise ? J'ai toujours eu ça en moi, je suis qui sans ça ? Je sais que larguer ma colère m'a soulagé... Ce poids m'alourdissait tellement que je croyais voir la surface de l'eau alors que c'était un simple reflet. Il y a réellement des gens qui vivent sans colère ? Mais comment ? De quoi sont-ils emplis ? Mon masque m'épuise, il se fissure. Ma partie émergée est de plus en plus petite. On me dit que je fais des efforts... Pourquoi je ne vais pas mieux ? Mes forces me quittent, ma volonté s'amenuise. J'ai tant de barrières, je n'en peux plus de toutes les maintenir en place. Je vis dans une anxiété constante de les voir s'effondrer. Ouroboros. Ce qui me maintient est ce qui me détruit. Je suis la seule responsable de ma faillite. Je suis donc la seule à pouvoir reconstruire. Je suis fatiguée.

Jour 16

Bonjour Rebecca. Comment te sens tu ? Sais-tu où tu es ? Est-ce que tu veux bien me regarder ?

Je suis fatiguée... Jamais de ma vie je n'aurais imaginé me raser les cheveux, pourtant je viens de le faire. Un cri du cœur, un cri du corps et de l'esprit. Mon mutisme veut s'exprimer, ne plus être tenu au silence, ne plus enchainer ma douleur, ma peine. Je suis fatiguée. Jamais de ma vie je n'aurais imaginé faire une crise d'angoisse au lycée _surtout en plein jour_ pourtant, c'est arrivé. J'ai tenté de la maîtriser, de la minimiser pour ne pas succomber, tenter de la contrôler comme j'essaie toujours de le faire avec ma peine, ma tristesse, mon mal-être. Cela n'a fait que l'empirer, l'amplifier. Incapable de me calmer seule. L'Améthyste a brillé pour moi. Sans son aide, je ne sais pas si j'aurai réussi à me canaliser. Grâce à elle j'ai pu respirer de nouveau. Cette pierre m'est d'un grand secours, surtout en ce moment. Je crois que je n'ai plus la force de mentir, c'est trop fatigant. Je suis épuisée. Je voudrais pouvoir me reposer, complètement, totalement, peut-être sur quelqu'un... Mais qui ? Je ne veux accabler personne de tous mes maux. Et si j'inventais ? Et si ma souffrance n'était pas réelle ? Ou exagéré ? Et si on me jugeait comme une menteuse ou une simulatrice ? Je ne dis rien parce que je sais qu'on le pensera... Je refuse de donner cette image. Mais je suis fatiguée... Fatiguée de tout porter, fatiguée de ne rien dire, fatiguée de faire semblant que je vais bien, fatiguée d'être assurément fiable et prête à dire oui. Je n'en peux plus de cette image que je m'efforce de renvoyer. Elle m'épuise. Je peux avoir une mauvaise note ? Je peux être fatiguée ? Je peux être absente ? Je peux me détourner de ce chemin parfait ? Pas encore. Je vais bientôt me reposer. Plus personne ne comptera sur moi, plus de demande, plus de promesses, plus de volonté de faire plaisir, de tenir. Je serai libre de tout engagement durant mes vacances. J'en rêve presque. Je suis fatiguée et je pleure. L'Améthyste me fait du bien et m'aide à tenir ! Ce n'est pas mon corps qui est fatigué. Je peux tenir ! Plus que deux semaines et je pourrais me reposer ! Quelle force, quel courage ? Il faut bien l'admettre Rebecca, lorsque tu veux tenir pour quelqu'un que tu aimes, tu puises dans des ressources immenses... à tes dépens. Je sais que c'est dans ta nature de mère protectrice, de personnes aimantes depuis que tu t'es oublié dans ton enfance pour devenir adulte. Mais aujourd'hui il faut changer ce mode de fonctionnement, te retrouver et te soigner en pensant aussi à ton bien-être. Tu n'es pas moins importante que ceux que tu aimes. Tu dois en prendre réellement conscience. Bien-être et tolérance. BIEN-ÊTRE et TOLERANCE sont des mantras qui doivent s'appliquer à toi aussi. Si tu te fatigues pour aider, protéger, aimer les autres, tu n'auras jamais la force de remonter à la surface, de ne pas te noyer. Tu es tellement fatiguée que cela a outrepassé ta tristesse ! Tu n'es pas moins triste, moins en souffrance, tu es trop fatiguée pour t'attarder dessus et les laisser t'envahir pleinement pour en prendre possession. Je t'aime, mais je ne peux pas nous remonter si tu m'attires vers le fond.

Hope_lessWhere stories live. Discover now