Pour son rire

29 12 5
                                    

Je suis devant l'entrée du stade. Il fait presque nuit, la foule est plus bruyante qu'un tremblement de terre.

J'entre.

Je me dirige vers les vestiaires, les autres concurrentes sont là. Je ne fais pas attention à elles, elles veulent gagner pour la gloire ou pour se dépasser, mes motivations sont toutes autres.

Je me change en quatrième vitesse. Un short et un tee-shirt rouge sang, je souris, c'est de circonstance.

Pas de chaussures en revanche, jamais de chaussures.

Je ne suis qu'une gamine des quartiers pauvres de Chicago, j'ai pas l'habitude de porter des chaussures. J'aime pas ça de toute façon. La sensation est désagréable.

J'ai terminé, je sors des vestiaires. Je m'étire en attendant le début de la course.

Les concurrentes sont appelées. Nous sortons, je suis une des seules à ne pas adresser de signe de main à la foule.

En temps normal je le fais. Quand je gagne, j'adresse des baisers à la foule. Mon entraîneur vient et me félicite, mon équipe m'acclame mais, avant de faire la fête et d'être porté en triomphe, je vais taper dans la main d'une spectatrice très particulière.

Lucy...

Ma petite fleur d'oranger.

On l'appelle comme ça à cause de ses yeux aux reflets orange.

Je l'adore, des souvenirs me reviennent en tête dès que je vois son adorable visage qui me souris.

Flashback

Je viens de terminer mon tour du stade, Lucy tiens un chronomètre en main.

- Tu as encore dépassé ton record ! Bravo grande sœur ! Je voudrais tellement aller aussi vite que toi...

J'ai un petit sourire. Je la prends dans mes bras et la fait pivoter jusqu'à ce qu'elle soit sur mon dos. Elle s'accroche à mon cou et je me positionne sur la ligne de départ.

Nous comptons ensemble
Trois...
Deux...
Un...
PARTEZ !

Elle est légère, je suis à peine ralentie par son poids. Le vent souffle à mes oreilles. Je l'entend rire, j'adore son rire. Je ne sais pas pourquoi, ce son m'apaise instantanément.

Fin flashback

Je frissonne en me positionnant sur la ligne de départ. Si je ne gagne pas je ne pourrai plus jamais entendre son rire.

Je secoue la tête, ce n'est pas le moment d'être déconcentrée ! Il faut que je gagne cette course, sa vie en dépend !

On annonce le départ.

Je prends la tête, tout se passe en quelques secondes. Juste avant la ligne d'arrivée, une fille me dépasse. Pendant une fraction de seconde, je me dis que je ne vais pas y arriver.

Cet instant de panique me fait sombrer dans une sorte d'état second.

Je ne vois que du noir puis, une silhouette apparaît. C'est mon entraîneur, il me tapote la tête en disant :

- Courage, tu peux y arriver.

Avant de disparaître.

C'est maintenant cinq silhouettes qui se dressent devant moi, ce sont les autres filles de mon équipe. Elles m'adressent des signes de mains et hurlent mon nom. Je les dépasse elles aussi.

La dernière forme qui se présente devant moi est plus petite et je la reconnais tout de suite.

- Lucy...

Elle m'adresse un sourire tendre, me prend la main et l'entraîne avant de disparaître à son tour.

Je ne sais pas ce qui se passe après, il fait noir, j'entends des gens m'appeler.

J'ouvre les yeux, je suis dans la tente de soins. Mon entraîneur est penché sur moi, l'air inquiet.

- Ça va ?
- Oui... qu'est-ce qui c'est passé ?
- On sait pas... Tu as brusquement piqué un sprint de tous les diables, t'as dépasser la ligne d'arrivée et tu t'es évanouie.

Je me redresse d'un coup.

- Et la course ! Est-ce que j'ai...?

Un grand sourire se dessine sur son visage.

- Tu as gagné, et de loin...

Le soulagement est tel que je dois m'allonger.

- J'ai gagné, elle est sauvée...

Il me donne une grande claque dans le dos.

- Ouais, tu l'as sauvé ! Allez, ne la fait pas attendre...

Je hoche la tête avant de sauter du lit et de courir dehors. Je saute sur celui qui doit me décerner récompense de la course et j'attrape la liasse d'argent. Je ne laisse à personne le temps de m'interviewer. Je sors du stade et je traverse le quartier sans m'arrêter. Je viens de courir une course de cinq cents mètres mais je n'ai jamais eu autant d'énergie qu'en cet instant.

Enfin, je trouve l'hôpital. Je rentre, je salue la réceptionniste et je monte jusqu'à la chambre de Lucy.

J'ouvre la porte avec fracas. Lucy est là. Elle est reliée à des machines toutes plus effrayantes les une que les autres. Sa tête de tourne vers moi. Elle un regard éteint qui s'allume en me voyant.

- Grande sœur...
- Je suis là ma belle. Je suis là... J'ai gagné, j'ai l'argent pour ton opération. Tu est sauvée...
- Tu as gagné ?
- Oui ma belle. Je te l'ai promis, le jour de ton accident, je t'ai promis de gagné pour toi.

Elle sourit.

- Encore une victoire. Pour moi celle-là... Ton prénom te va vraiment bien.

Au fait, j'ai oublié de vous dire, je m'appelle Victoire.

Il était cent fois...Where stories live. Discover now