Patch & Radiohead (TOME 1)

2. Le nouveau

Je suis à table avec maman et papa, et comme à chaque fois tout est silencieux. Le silence cela ne me dérange pas. Surtout quand la soupe aux potirons est chaude, mais pas trop, juste comme il faut. Alors on mange, appréciant ce qu'il y a dans nos assiettes creuses. Mais papa brise la mélodie du silence pour engager une discussion banale et presque obligatoire quand on est père de fils unique.

— Alors, ta journée, Lou ?

Je pose délicatement ma cuillère sur le bord de l'assiette et m'essuie la bouche avec ma serviette blanche et épaisse. Les bonnes manières sont obligatoires à table.

— Excellente.

Si j'avais été honnête, je lui aurais expliqué que je n'avais aucun amis depuis que je suis au lycée. C'est pas vraiment un problème. Le problème c'est mes résultats scolaires qui sont tout juste bons. Parfois je reçois des réflexions mais je suis chanceux. Mes parents ne sont pas très durs avec moi. Ils ne veulent que mon bonheur ? Mais je veux pas qu'ils se fassent du soucis en se disant que je suis martyrisé. Je ne le suis pas. C'est vrai que mes cheveux roux ont apparemment posé problème à certains élèves, mais moi ils ne me dérangent pas.

— Rien de neuf ?
— Monsieur King nous a informé qu'un nouvel élève allait nous rejoindre dès demain.
— En plein mois de Novembre ? C'est inconvenu. Ta mère et moi nous t'aurions laissé finir ton année scolaire correctement.

Je reprend ma cuillère pour finir de dîner. Ma maman prend la défense de cet élève inconnu.

— Voyons chéri, il y a sûrement une raison. Ne juge pas cette famille sans connaître leur situation.
— Tu as raison.

Ils se sourient et reprennent leur soupe. Mes parents ne se disputent jamais. Mon papa respecte ma maman comme si c'était la première dame. Je trouve que c'est une bonne chose. Mais parfois, l'ambiance tombe un peu à plat. Sans parler du fait qu'ils sont un peu coincés. Mais ils sont toujours amoureux, c'est vrai que c'est une bonne chose.

Douche, pyjama, brossage de dents et je rejoins ma chambre. Cela fait quelques jours que je suis en possession de la nouvelle PlayStation 2. Elle est sortit le mois dernier. J'ai le droit d'y jouer un peu avant d'aller au lit. Et c'est ce que je fais.

Le lendemain, j'arrive au lycée en portant mon uniforme bleu marine comme tous les autres. Personne ne m'adresse la parole et je grimpe les marches jusqu'à mon casier. Il y a une seule chose que je déteste vraiment dans ce genre d'endroit, c'est le bruit. Tout est si bruyant. Tout le monde discute avec tout le monde. Ils claquent les casiers comme s'ils refoulaient une étrange colère qui s'échappait contre cette porte en métal. Je rejoins ma classe en jouant le fantôme, comme toujours, et m'assois au fond de la classe. Personne ne s'est attribué la place à côté de moi. Je ne crois pas qu'ils me fuient comme la peste, c'est probablement que je les intéresse simplement pas. Je suis le gamin timide aux cheveux poils de carotte. Il est même bien possible que personne ne sache mon nom.

Monsieur King entre dans le classe, alors on se lève, par geste de politesse. Un garçon le suit, il porte des lunettes et un sourire parfait. Il a l'air parfait. J'ai rarement vu dans ma vie quelqu'un qui portait aussi bien un uniforme que ce jeune homme, debout devant la classe. Il tient des livres dans ses bras et semble bien trop confiant pour rentrer dans ma catégorie. Il a tout pour plaire.

— Bonjour à tous. Comme je vous ai prévenu, nous recevons un nouvel élève. Je vous présente Spencer Murphy. Il nous vient tout droit d'Écosse et m'a informé être encore un peu dérangé par le décalage horaire. Alors soyez indulgent avec lui.

Personne ne se moque, personne fait aucune réflexion. Murphy scanne la classe avec ses yeux, sans perdre ce sourire charismatique. Et c'est là que je réalise qu'il n'y a que deux places de libre dans la classe. À côté de moi, ou à côté de Isabelle Brown. Je suppose donc qu'il va devoir s'assoir à côté de moi, car monsieur King n'est pas du genre à mélanger filles-garçons.

— Et bien Murphy, tu vas avoir le plaisir de t'asseoir à côté de Marsh.

Marsh, c'est mon nom. Je l'avais bien deviné. Le professeur me pointe du doigt et Murphy marche jusqu'à vers moi pour finalement se mettre debout devant sa nouvelle chaise.

— Asseyez-vous.

Il pose délicatement ses livres sur la table et s'installe de façon gracieuse. Je sais que je le fixe et que c'est pas forcément quelque chose de très poli. Mais il est fascinant dans sa parfaititude. Je sursaute légèrement quand il tourne la tête vers moi. Il se penche, je sais qu'il veut me chuchoter quelque chose. Mon oreille est attentive.

— Ça te dit de sécher les cours ?