Chapitre 35: Chaos

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Des hommes se mettent à distribuer un petit sac à dos par enfant. Je n'arrive pas à y croire.

- La plupart de ces gosses ne savent même pas compter jusqu'à vingt, et on croit que si on les balance dehors en pleine nuit de novembre, ils vont survivre avec seulement un sac à dos? ricane amèrement Amé.

- Ils ne veulent peut être pas nécessairement qu'ils survivent, ces enfants, lâché-je.

- Que veux-tu dire? couine Tess en me considérant avec des yeux pleins de terreur.

- Imaginez le gosse de six ans aller rapporter à la police qu'il a grandi dans un monde souterrain et qu'il indique le chemin pour s'y rendre, réponds-je tristement. Alteran serait dévoilée aux humains.

Tess secoue la tête, visiblement de plus en plus troublée.

- Et puis, où sont les parents à ces pauvres gamins? questionne-t-elle.

- Barricadés chez eux pour les empêcher d'aller chercher leur gosse, déduit Amé avec une teinte de colère dans sa voix.

Je ne sais plus quoi penser. Tout cela est absurde!

- Bonne chance, mes enfants, et longue vie! déclare Atenas en feignant d'être ému. Vous serez toujours à nos yeux ce que les autres ne sont pas.

- Ce que les autres ne sont pas vous serez toujours à nos yeux, reprennent en coeur le reste de l'assistance comme si tout le monde connaissait le texte.

Sur ces paroles, les enfants quittent piteusement l'estrade et, accompagnés par trois hommes, s'éloignent de la place centrale. Je connais la direction dans laquelle ils s'éloignent: c'est celle de l'arche, de la sortie. J'ai le coeur à l'envers.

- À présent, nous allons procéder à la deuxième partie de cette cérémonie: celle de la remise des professions! déclare Atenas d'un air réjouissant, comme s'il ne venait pas tout juste d'envoyer une vingtaine d'enfants se faire tuer par le froid du mois de novembre.

La foule répond par un tonnerre d'applaudissement. Comment tout le monde peut être aussi insensible à tout ça? C'est une des raisons pour lesquelles je dois réaliser cette prophétie: faire réaliser au peuple à quel point il fait confiance sans raison au Conseil, un groupe de gens assoiffés de pouvoir.

- Il n'y a qu'une dizaine de Natifs et deux Nouveaux qui ont échoués leurs études ou leurs tests, donc il n'y a pas de quoi s'en faire, dit le chef du Conseil une fois que la foule s'est tu. Et puis, "échouer" n'est pas le bon terme: on devrait plutôt dire, "ne pas faire bonne impression".

Son regard se plante dans le mien. Je déglutis difficilement, mais ne laisse pas paraître que je suis intimidée. Atenas finit par dévier son regard et poursuivre la cérémonie.

- Nous allons commencer par les Nouveaux. Je laisse le soin à Enos, un de mes collègues, pour annoncer les résultats.

Il remet son microphone à Enos avant d'aller se positionner en arrière-plan avec les autres membres du Conseil. Une atmosphère fébrile règne dans la salle. Enos consulte les documents qu'il tient entre les mains et approche le micro de ses lèvres.

- Lorsque votre nom est annoncé, vous devez venir nous rejoindre sur scène. Alors... (Il replace les feuilles et s'assure de lire correctement ce qu'il est inscrit.) Mademoiselle Daphné Jacobs: grâce à votre dynamisme incroyable et votre sens de l'organisation, vous deviendrez responsable de l'alimentation au sein de l'École. Félicitation!

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