1. D'anciennes idoles

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Le vent soufflait légèrement au niveau du sol soulevant la poussière par douce rafale. Le sable recouvrait déjà partiellement le manche d’un outil. Le site semblait avoir été abandonné de façon précipitée. Le seul bruit était le froissement des grains de silicate entre eux. Un silence de mort étouffait toute autre musique de l’existence.

Près d’un feu moribond, des soldats essayaient de sommeiller. Un garde veillait sur eux pendant ce repos agité. L’homme éveillé jetait des regards affolés vers le contrebas recouvert d’une pénombre inquiétant. Ses doigts se crispaient sur son arme en avoir presque mal. L’autre main caressait avec obsession un livre, Le livre, comme un talisman. A chaque bruit, le soldat sursautait. Ses yeux scrutaient toujours le même endroit.

Les flammes jouaient avec ses nerfs. De temps en temps, elles prenaient une vigueur spectrale, puis s’évanouissaient pour offrir que des braises prêtes à s’éteindre. Lorsqu’il s’approchait dans l’attention d’activer le feu, la puissance revenait. Puis la combustion s’étiolait dès son éloignement. Il n’osait pas réveiller ses compagnons parce qu’il ne désirait pas montrer sa couardise. Il pressait fortement le Coran mais cela ne lui apportait pas la force nécessaire pour affronter l’atmosphère glauque qui l’engluait au site.

Quelques heures plutôt.

Un soleil brulant rasait les ruines de Dzjals situées entre la Syrie et l’Irak. Malgré les conflits qui se déroulaient dans la zone, la mission archéologique russe continuait ses fouilles avec les accords plus ou moins valables de chacune des parties. Le fait de recevoir un appui logistique informel de Moscou expliquait probablement la relative tranquillité des scientifiques.

Les archéologues Nikolaï Vesselovski (Никола́й Ива́нович Весело́вский) et Lioudmila Khrouchkova (Людмила Георгиевна Хрушкова) explorait la chambre principale lorsqu’ils entendirent le bruit de véhicules. Le jeune homme étudiait attentivement les cunéiformes au bas d’un bas-relief et la femme d’un âge certain portait son attention sur l’autel au centre de la pièce avec l’aide de deux assistants locaux déblayant la poussière du sol. Un écho d’un tir de mitrailleuse se réverbéra sur les murs.

Des pas précipités dévalaient le long couloir qui menait à l’excavation. Un cliquetis de Kalachnikov retint l’attention des savants. A l’entrée de la chambre, un groupe de 5 Djihadistes les menaçaient. Leur chef brailla dans un anglais approximatif de s’aligner contre la paroi Sud. Il invectiva Nicolaï : « Comprenez-vous le charabia qui est écrit sur ces murs ? » L’archéologue lui répondît :

« Plus ou moins difficilement, cette écriture cunéiforme n’est plus utilisée depuis des millénaires. » Alors le commandant réclama des précisions :

« Que disent ses textes ? »

Le scientifique s’exécuta :

«  L’objet principal de cette fresque relate les exploits et les gestes d’un dieu nommé Enlil, le roi des dieux Assyriens qui apporta la civilisation aux peuples de Mésopotamie il y a 5 milles ans. Il est dit… »

Le Djihadiste lui coupa la parole :

« Il n’y a qu’un seul dieu, Allah. »

En montrant l’ensemble des textes muraux, il poursuit : « Tout cela, ce n’est que de la tromperie d’occidentaux, et du mal… »

Il pointa son arme vers les parois et tira une rafale sur les bas-reliefs ainsi si que sur le autel. Il revint sur les scientifiques et ajouta :

« Vous êtes des infidèles qui propagez les mensonges… vous méritez la mort… »

Et sur ces mots, il fusilla les deux archéologues et les deux assistants. Il cracha en leur direction et dit :

« Allez directement en enfer. »

Il se retourna vers ses compagnons et leur dit en arabe :

« Nous allons garder le site jusqu’à demain jusqu’à l’arrivée de l’Iman vénéré Hajj Saeed. »

Ils quittèrent la chambre laissant les cadavres vidés de leur sang sur place et installèrent leur campement à une distance raisonnable du site archéologique.

La nuit venue.

Une balle avait pénétré entre l’autel et le sol. Un petit mouvement poussait la douille depuis l’intérieur de la dalle. Puis elle fut expulsée d’un seul coup de son logement. Un fin faisceau de lumière s’exfiltra du trou laissé par le plomb. Une longue lueur débuta l’exploration autour de la cavité. Elle trouva sur son passage une torche éteinte. Alors l’éclat s’intensifia en déchargeant les pilles. Aussi le faisceau lumineux se fit plus ardent et examina une surface plus grande. A chaque fois, qu’il trouvait un objet possédant de l’énergie, il en suçait la moindre parcelle et augmentait la puissance de l’éclat.

Au bout de quelques minutes, la lumière envahit toute la chambre. Quatre tentacules flamboyantes s’enfoncèrent dans le crane de chacun des cadavres. Ceux-ci eurent un soubresaut puis ils se relevèrent comme des zombies. Ils s’approchèrent de l’autel. Ils poussèrent en coordination parfaite le bloc de pierre qui glissa lentement sur son socle laissant entrevoir une fosse emplie d’une clarté étincelante. Lorsque la cavité fut entièrement dégagée, les morts-vivants s’éloignèrent et s’agenouillèrent devant le tombeau. Brusquement une main fine et blanchâtre s’agrippa au bord du caveau.

Fin d’après-midi à New York.

La silhouette d’un jeune homme se reflétait sur la fenêtre d’un bureau au sommet d’un gratte-ciel  donnant sur Bryant Park. Le reflet laissait apparaître le visage d’un garçon d’une vingtaine d’année avec une chevelure blonde parfaitement soignée. Soudainement une lueur rouge recouvrit les yeux d’un éclat écarlate. Un sourire déforma le visage qui disparut immédiatement pour laisser qu’une face de porcelaine neutre.

Au delà du MondeWhere stories live. Discover now