Les Bonnes Personnes

"Encore une, maman s'il-te-plaît ! Je ne suis pas fatigué".

J'écarte une mèche blonde de son front en souriant.

"Tu as déjà grappillé une heure avec la fête en bas, il est temps de dormir maintenant.

- Tu ne voudrais pas me montrer des photos de toi enfant ?

- Mais tu as déjà tout vu de mon enfance.

- Alors ton adolescence ?

- Toutes les excuses sont bonnes pour retarder l'heure du coucher n'est-ce pas ? dis-je à mon fils en souriant. Il me rend mon sourire, et sa fossette apparaît sur sa joue droite. D'accord, mais juste mes photos de classe. Et après au lit.

- Ouais ! fit-il en levant ses petits poings en signe de victoire.

Je sors les albums du placard et reviens m'asseoir à côté de lui.

- Tiens, voilà mes photos de classe, de mes quatre années de collège.

- C'est toi là maman ? Tu avais les cheveux drôlement longs !

- Oui, je détestais les couper à cette époque, ris-je.

- Je préfère ta coupe de maintenant.

Il feuillette les différentes photos, et je vois ses sourcils se froncer.

- Qu'est-ce qui te tracasse ? Tu ne me trouves pas sur les autres photos ?

- Si. Tu es là. Toujours à la même place. Mais... pourquoi est-ce que tu es tout le temps debout, toute seule, à l'écart des autres ?

- C'est parce qu'à cette époque je n'avais pas beaucoup d'amis dans mes classes. J'étais souvent seule.

- Mais pourquoi ?

- Parce que j'étais un peu différente des autres.

- Je ne comprends pas.

- Je vais te raconter :

Quand j'étais à l'école primaire j'avais pas mal de copains et de copines. Nous venions tous du même quartier, et nous nous connaissions depuis la maternelle pour la plupart, voire la crèche pour certains. Nous nous entendions tous bien. Quand un élève de la classe fêtait son anniversaire nous étions tous invités, parfois même l'autre classe du même niveau. Nous nous amusions tous ensemble à la récré, Nous riions, nous jouions. Nous ne nous posions pas vraiment de questions. Nous n'excluions jamais personne de nos jeux, quand un nouvel élève arrivait nous allions tous lui parler. Nous agissions comme des enfants !

Mais quand nous sommes entrés au collège, nous nous sommes tous retrouvés séparés. Notre collège regroupait toutes les écoles de la ville, et celles de certains villages alentour. Je suis tombée dans une classe où je ne connaissais absolument personne. Il fallait que je me fasse de nouveaux amis, et que je recommence tout à zéro. Ça a été plus difficile que je ne l'aurais cru. Je ne savais pas comment faire. Comment se fait-on des amis ? Comment va-t-on parler aux gens qu'on ne connaît pas ? De quoi doit-on discuter avec eux ? Cela faisait des années que je fréquentais les mêmes amis, je ne savais pas comment m'en faire des nouveaux.

Cela a pris du temps, beaucoup de temps, avant que je réussisse à aller vers les autres. Plusieurs groupes s'étaient vite formés. Les élèves qui venaient de la même école passaient tout leur temps ensemble. J'étais la seule à venir de Mirepois... Mais j'ai réussi. Avec beaucoup de courage et de persévérance, j'ai réussi à discuter avec un groupe de filles qui me semblaient gentilles. J'ai commencé à rester avec elles, en cours et à la récréation. Mais tout ne se déroulait pas aussi bien que je l'avais espéré.