1/ Ouvrez vos livres page 374

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Meï, tu dois poser les assiettes comme il faut, c'est important, déclara le petit garçon. Et c'est moi qui mets les couverts.

Sa sœur hocha vivement la tête.

D'accord, mais le reste c'est moi, et c'est papa qui emmène la tarte et moi je fais la salade aussi.

Leur père secoua la tête, il avait l'air amusé et pourtant, c'était tous les jours comme ça. Ils avaient arrêté de compter le nombre de verres et d'assiettes que la petite fille avait cassé. Son frère lui, maitrisait le feu, les pouvoirs c'était quelque chose d'important dans la famille Jensen.

Malgré les rires de ses cousins et la voix chaleureuse de son oncle, Hope savait que quelque chose allait tout bouleverser. Le soir lorsqu'elle descendit dire bonne nuit, elle avait le cœur serré, une idée commençait à se former dans son esprit : fuir. Fuir d'ici, fuir les militaires, trouver un endroit où elle serait plus en sécurité. Après tout, elle ne serait pas la première à le faire.

Aux informations à la télé, on parlait de rébellion contre les militaires en charge de garder les centres, le présentateur faisait le décompte du nombre de morts rebelles et portait l'armée en triomphe. Son oncle, qui avait les yeux rivés sur l'écran, l'entendit arriver.

J'ai vu ton sac, si tu veux partir je ne t'en tiendrai pas rigueur ma chérie. Je ne suis pas en mesure de te protéger ici. Je cacherai tes cousins sous la trappe comme aux dernières attaques, mais tu sais que tu es trop grande maintenant pour ce genre de choses.

Hope ne sut quoi répondre à cela. Il avait raison. La trappe sous la table de la salle à manger servait de planque pour elle et ses cousins depuis des années, mais maintenant elle avait dix-sept ans et ne rentrait plus du tout. Son oncle ne la connaissait comme personne, à vrai dire cela la surprenait à peine qu'il devine ce qu'il se passait dans sa tête.

Je ne veux pas faire comme Jake... murmura Hope au bout de quelques instants.

Un long soupir traversa les lèvres de l'homme en face d'elle.

Ton grand frère est parti sans réfléchir lorsqu'il était tout juste au collège. Il était jeune, bien trop jeune pour partir. Cette situation n'a rien à voir ma chérie. Tu fais cela pour te protéger. Fais confiance à ton instinct et fais confiance à ton pouvoir. Il t'indiquera le bon chemin à suivre, souffla-t-il d'une voix douce avant de se lever et de la prendre dans ses bras.

Hope ferma doucement les yeux en sentant l'étreinte rassurante de celui qui avait pris la place de ses parents il y avait des années de cela. Malgré tout, son frère lui manquait, et les rares fois où elle avait pu le revoir, elle s'était rendu compte qu'il avait changé. De plus, la petite Hope de six ans se souvenait encore de ce jour où elle avait découvert que son grand frère n'était plus là. Elle l'avait pris comme une trahison, un abandon.

Si tu pars cette nuit, récupère un peu d'argent dans mon portefeuille, lui souffla son oncle, sois prudente, je t'aime Hope.

Ses paroles résonnèrent dans son esprit pendant qu'elle allait se coucher. Rester ou partir ? Elle hésitait encore, jusqu'à ce qu'elle finisse par se faire à nouveau happer par une de ses visions durant son sommeil.

Mais cette fois-ci, un détail n'échappa pas à son regard : la date inscrite sur l'arrêt de bus en face de chez elle.

En se réveillant, tout était clair dans son esprit, ce serait le lendemain et il fallait qu'elle parte maintenant.

Une fois un rapide tour de ses affaires effectué, elle descendit sans faire de bruits vers l'entrée avant de voir la liasse de billets posée sur la table de salon accompagnée d'un collier en argent, ayant pour pendentif la lettre H. La chaine était un peu abimée, voire tordue à certains endroits. Mais le fermoir fonctionnait à nouveau.

Ces mots étaient inscrits à la hâte sur un morceau de papier.

''Je l'ai réparé, je sais que tu y tiens beaucoup. Encore une fois, fais attention à toi,
Oncle Thomas''

Un sourire se dessina sur les lèvres de Hope et elle attrapa la chaine qu'elle attacha autour de son cou avant de glisser l'argent au fond de son sac, de rabattre sa capuche et de sortir. Ce collier, c'était presque tout ce qu'il lui restait de ses parents. Elle n'avait presque aucun souvenir d'eux, son oncle lui avait raconté qu'ils étaient morts dans un accident de voiture alors qu'elle était encore toute petite. À vrai dire, ils lui manquaient parfois, mais son oncle était sa famille maintenant. Il avait toujours pris soin d'elle et c'était lui qui l'avait élevée. Parfois il lui parlait de ses parents, mais le sujet était souvent difficile à aborder.

Soudain, un craquement se fit entendre à quelques mètres d'elle, la sortant de ses pensées et de la contemplation de son collier. C'était sans conteste le bruit du pied de quelqu'un qui venait de marcher sur une feuille morte. Mais la rue était déserte. Hope fit un rapide tour sur elle-même. Elle se sentait suivie, il y avait comme une présence qui se rapprochait derrière elle. Elle accéléra le pas sans vraiment savoir où elle allait, elle voulait juste partir le plus loin d'ici avant que les militaires n'arrivent.

Au fur et à mesure qu'elle s'approchait de la sortie du village, elle sentait comme un étau se resserrer autour d'elle. Il faisait de plus en plus sombre et le dernier lampadaire clignotait comme pour l'avertir d'un danger.

Hope se retourna une nouvelle fois mais ne vit personne. Elle poussa un long soupir en essayant de se rassurer, c'était partir ou avoir la certitude de se faire attraper, alors tout compte fait autant partir au lieu de rester et de se condamner à l'arrestation puis au centre.

Cependant, elle n'eut pas le temps de faire un seul pas de plus. Une main froide se plaqua sur sa bouche l'empêchant de crier alors qu'un bras enserrait sa taille. Elle sursauta et poussa la main de son agresseur avant de lui donner un coup de coude à l'aveugle pour essayer de se débattre. Mais ce fut peine perdue, l'inconnu était trop fort et visiblement entrainé au combat.

Pas un bruit, souffla alors une voix masculine.

Elle était étrangement douce et semblait ne pas vraiment vouloir lui faire de mal, même si Hope n'était tout de même pas très confiante.

Je vais enlever ma main, si tu cries ou quoi que ce soit, on est morts tous les deux, entendit-elle avant qu'on ne la relâche en douceur.

Hope s'apprêta à se défendre, ou du moins à fuir, mais elle s'arrêta en voyant un jeune homme qui devait avoir une vingtaine d'années en face d'elle. Son visage était masqué d'un tissu noir jusqu'aux yeux, ce qui le rendait difficile à décrypter. Il était aussi encadré de mèches de cheveux de la même couleur, qui dépassaient tout juste de sa capuche.

Je peux savoir qui tu es et ce que tu fais ? murmura alors la jeune fille mi-apeurée et mi-curieuse.

Appelle-moi Juan, murmura le garçon. Je suis au courant de l'attaque et je suis là pour récupérer des jeunes comme toi, qui essaient de fuir. Sac, capuche, tenue passe partout et air à la fois apeuré et innocent sur le visage, décrivit-il à mi-voix. Tu as tout de la parfaite fuyarde. Mais je ne pensais pas voir quelqu'un débarquer aussi tôt dans la nuit, ni me prendre un coup au passage. Enfin... suis moi.

Les enfants du soleilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant