Olivier

17 4 0
                                    

  Olivier se réveille en sursaut. Il reste de longs instants à haleter dans l'obscurité, sa poitrine se soulevant par douloureux à-coups, avant de se calmer en comprenant qu'il n'a fait que rêver. Depuiq quand rêve-t-il, au juste ? Depuis que cet homme l'a poursuivi ? Depuis l'apparition de la jeune fille ? Depuis qu'il s'est caché dans l'armoire avec elle ? Il parvient à étouffer son esprit en ébullition pour retrouver toute sa raison. Il ne se souvient pas s'être réveillé aussi paniqué une seule fois. Mais ce qui l'apaise est d'abord le poids de la tête de la jeune fille sur son épaule, la caresse de ses cheveux déshordonnés contre sa joue, son souffle d'endormie dans son cou. Et ce qui l'apaise après ce contact est la pensée suivante : elle, au moins, n'était pas un rêve.

  Olivier ne croit pas l'avoir connue, et il ne comprend pas tout à fait comment il la considère, pas plus que comment elle le considère. Pour le moment, il sait uniquement qu'il se sent bien près d'elle, et il sait que c'est à cause de cette unique phrase qu'elle a prononcé : "Alors je reste avec toi." Olivier cherche un moment de son passé qui aurait pu le rendre plus heureux que ces cinq mots. Il ne voit pas. Il s'aperçoit seulement que, depuis qu'il a retrouvé la totalité de sa mémoire, il n'a couru qu'à la poursuite de ses souvenirs, alors qu'il aurait dû courir dans le but d'en créer de nouveaux. Quitte à vivre au présent, autant le faire sous le ciel.

  Mais, aussitôt qu'il y pense, il comprend que ce ne sera pas possible.

  Il repense à ce que l'homme a dit à la jeune fille. Je ne lui céderai pas Olivier. Je t'enverrais bien le lui dire, mais ce serait trop risqué pour moi, comprends-tu, alors tu vas rester ici avec Olivier pour toujours. Cela signifie qu'elle, et elle seule, pourrait sortir de cette cave, si lui, Olivier, disparaissait. Elle ne serait plus forcée de rester au coeur de l'obscurité. Il suffit à Olivier de se fondre dans les ténèbres pour toujours, pour qu'elle puisse partir d'ici. Et la vie continuera. Lui, dans l'ombre du ventre de la terre ; elle, sous la lumière du soleil. Comme s'il ne s'était rien passé. Il aurait mieux valu que rien ne se soit passé. Tout aurait été plus simple, moins douloureux.

  Olivier se lève, en prenant garde à la tête de la jeune fille qu'il cale sur le sac de cette dernière. Il la couvre de sa cape de fortune, et lui adresse un au revoir silencieux. Il sait d'avance qu'en se réveillant elle sera déçue. A cause de lui. Et sans doute sera-t-elle, bien plus que déçue, bien plus que triste ou énervée, elle ne comprendra pas. Il a envie d'attendre son réveil, pour lui expliquer. Mais danc ce cas-là, elle lui dirait "Non, je reste avec toi.", et elle resterait avec lui, parce qu'il ne l'en empêcherait pas. Parce que c'est tout ce qu'il veut entendre.

  Il part, donc.

***********

  Olivier s'arrête un instant, dans le coin d'un cul-de-sac. Depuis combien de temps marche-t-il ? Le temps de se maudire plus de mille fois, en tout cas, de se maudire d'avoir quitté la jeune fille. Il aurait dû attendre qu'elle se réveille, ils auraient pu trouver une solution ensemble... Non. Ce genre d'histoires ne peuvent pas se terminer en contentant tout le monde. Voilà comment il voit la meilleure fin qui puisse arriver : la jeune fille sort de la cave, et oublie rapidement Olivier ; quant à lui-même, il reste dans la cave et il sait qu'elle est vivante et loin de lui, et que la lumière coule sur son visage. Il est de toutes façons trop épuisé, trop perdu pour revenir en arrière.

  La lumière d'une lampe de poche découpe soudain son ombre sur le mur qui se tient devant lui. Et il reçoit un violent coup sur l'arrière du crâne. Il tombe à genoux sans pouvoir ravaler un gémissement de douleur, et lève les yeux vers l'homme. La pénombre l'empêche de voir distinctement ses traits, mais il reconnait l'éclat inimitable de ce grand regard du même bleu que le sien. Il remarque que l'homme tient une masse qui luit faiblement, en laquelle il reconnaît une batte de baseball, ou un objet du même genre.

La lumière derrière le murOù les histoires vivent. Découvrez maintenant