La lumière derrière le mur

Olivier & Alba

  Nous sommes restés ensemble.

  C'était tout d'abord plus étrange que plaisant. Nous nous réveillions chaque matin en nous demandant si tout ceci n'était pas un rêve dont les derniers lambeaux ne tarderaient pas à être effacés par la lumière de l'aube. Nous luttions chaque nuit pour ne pas laisser tomber nos paupières, de crainte qu'elles ne se ferment à jamais sur cette existence. Mais, quelques temps après, nous nous étions rendus à l'évidence ; ce n'était pas notre rêve, mais son reflet directement appliqué à la surface de la réalité.

  Nous avons continué notre chemin, comme avant, mais nous n'étions plus seuls. L'autre était là, après s'être croisés une myriade de temps, nous arrivions enfin à coordonner nos pas. Peut-être nous étions-nous simplement donnés la main pour être certains de ne plus jamais nous perdre, ou peut-être en avions-nous eu l'intention dès la première fois, le premier instant.

  Ce n'est qu'un détail sans importance. Mais sans doute est-ce parce que notre vie est faite de détails sans importance, qui finissent par former l'autre, et que nous ne cherchons pas à corriger toutes nos incertitudes parce que la vérité nous importe peu. La vérité n'est pas stable. Elle est plus malléable que le sable mouillé, nous pouvons la façonner de toutes les manières que nous voulons pour lui donner la forme qui nous plaira le plus. Et elle a la forme de ces détails, de ces riens.

  Et toutes ces choses donnant un rythme à la musique de notre existence à deux, nous les avons trouvées dans les yeux, dans les mains, dans le sourire, dans les cheveux, dans la lumière sur la peau, dans les manières, dans les mots laissés en suspens, dans le souffle, dans le coeur de l'autre. Et tout cela mis bout à bout donne un sens. Un sens que nous avions toujours ignoré, peut-être volontairement, et que nous avons trouvé.

  Trouvé dans ses yeux noirs qui ne cessent de sourire.

  Trouvé dans ses mains brûlantes dispensant des caresses de feu.

  Trouvé dans les fossettes qui se creusent soudainement à la commissure de ses lèvres.

  Trouvé dans ses cheveux de jais qui roulent sur son épaule avec nonchalance.

  Trouvé dans l'infime zone d'ombre sous sa lèvre inférieure.

  Trouvé dans sa façon de replacer ses cheveux derrière son oreille l'air de rien.

  Trouvé dans ses paroles énigmatiques, à propos de l'archange qui continue à veiller et d'une tempête.

  Trouvé dans son souffle chaud dans le cou.

  Trouvé dans ce balancier de chair qui accélère soudain à la croisée de nos regards, à la rencontre de nos mains, à l'entente des mots prononcés seulement dans un murmure.

  Trouvé dans ses grands yeux bleus si profonds.

  Trouvé dans ses mains tellement douces et rassurantes.

  Trouvé dans le reflet d'or sur ses lèvres qui s'étire dès que nos regards se croisent.

  Trouvé dans ses cheveux sombres glissant entre les doigts comme dans une eau insaisissable.

  Trouvé dans ce triangle de clarté sur sa joue lorsque le soleil s'assoit à ses côtés.

  Trouvé dans sa façon de passer sa main sur son front pour se concentrer.

  Trouvé dans ses paroles énigmatiques, à propos d'un labyrinthe de feuillages et d'une chanson.

  Trouvé dans le murmure de sa respiration pendant son sommeil.

  Trouvé dans le son régulier qui se fait entendre lorsque nous sommes l'un contre l'autre, et qui appelle au sommeil et à des rêves que nous faisons toujours ensemble.

  Trouvé ensemble.